11/11/2011
Témoignage Laurent Mabesoone, Japon
Aujourd'hui, comme tous les ans en fin d'annee, la presse japonaise a annonce les “60 mots et expressions a la mode” pour l'annee 2011. Bien-sur, la moitie ont un rapport avec la catastrophe nucleaire...
http://life.oricon.co.jp/2003600/full/#rk
Surtout, on remarque tous ces euphemismes rabbaches par le gouvernement et par la tepco depuis 8 mois : “Pas dans l'immediat (d'influence sur la sante)” (tadachi ni), “une quantite non nulle ( de radioactivite)” ( zero de wa nai), “ l'hypothese n'etait pas envisagee” (soteigai), “pour le reste, nous suivrons l'evolution des choses” (ato wa nagare de)...
Il y aussi un mot rare qui est sur beaucoup de levres en ce moment, c'est “kentaikan” : “sentiment de fatigue et de paresse chronique”. A n'en pas douter, il fera partie des “mots a la mode” l'annee prochaine, car les symptomes de cette “fatigue” sont de plus en plus visible dans l'est du Japon.
Moi-meme, je ressens ce manque d'endurence physique depuis l'ete, comme beaucoup de gens autour de moi. Mais les Japonais evitent d'en parler, pour eviter de “casser l'ambiance”, et de creer un cercle vicieux. Au debut, je pensais que c'etait psycho-somatique, que c'etait une somatisation du traumatisme de mars-avril. Mais, de plus en plus, l'apparence de mes eleves a la fac qui me persuade du contraire.
Aujourd'hui, comme tous les jeudi, je me suis rendu dans la banlieue nord de Tokyo, pour enseigner la litterature comparee (entre autres) dans une “universite privee pour jeunes filles”. J'ai un cours de 120 etudiantes. L'annee derniere, il fallait sans-cesse faie le gendarme contre les bavardages. Cette annee : rien ! Elles sont calmes, meme plutot amorphes, et beaucoup dorment pendant le cours. Je n'ai pas eu a dire une seule fois “Un peu de silence, s'il-vous-plait !”. Beaucoup d”absences pour maladie” aussi.
A midi, je mange a la cafeteria, entoure de plusieurs centaines de jeunes filles. L'annee derniere, le lieu etait si bruyant (eclats de rire, cris de surprise, etc), qu'il m'etait impossible de prendre un appel sur mon portable. Cette annee, j'entends tres bien mon interlocuteur. Jamais plus je n'ai l'impression que la cafeteria est bruyante. Le seul probleme, c'est que le niveau scolaire de mes eleves, aussi, a bien baisse.
Alors, je me suis souvenu de cette emission de tele independante (“our planet”, en japonais, vient de sortir avec les sous-titres en francais sur utube)
http://www.youtube.com/watch?v=RtLYproD6Zg&feature=share
Une specialiste japonaise, qui a passe de longues annees a s'occuper des enfants de Bielorussie, nous explique que 98% des enfants de ce pays ne sont pas en etat de sante normale, qu'ils contractent encore aujourd'hui des pathologies plus ou moins graves, allant de la fatigue chronique, des troubles de la concentration a d'autres maladies plus graves. A cause de cela, la duree reglementaire des cours a l'ecole est passee de 45 minutes a 25 minutes !
Le Japon est un pays dont toute la reussite depend du niveau d'etude eleve de sa population. Qu'allons-nous faire si ces symptomes s'aggravent d'annee en annee ?
La priorite, a mon avis, c'est de limiter au maximum la contamination interne (par la nourriture) des enfants et des jeunes.
A propos, aujourd'hui, a la cafeteria, on ne voyait plus, enfin, ce maudit menu d'octobre de la cooperative etudiante nationale qui titrait : “Soutenons le nord-est en mangeant leurs produits !”. Mais les jeunes filles mangeaient du poisson “sanma” (peche sur les cotes du nord-est) comme si de rien etait ! Ma fille de trois ans, elle-meme, a mange le meme poisson a la cantine de la creche... (et encore, je reussis a glisser une gamelle de riz de l'annee derniere, mais c'est traitement de faveur !)
21:24 Publié dans NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
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