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22/07/2014

Mon fils porte des robes, et ça ne me dérange pas

par   Auteur, acteur, père de famille                                        

 

Tous les matins ma fille de quatre ans, Sydney, met une chaise devant son placard et choisit une robe. J'essaie de lui faire prendre d'autres directions -- "Pourquoi tu ne porterais pas un short aujourd'hui?"--mais Sydney est têtue. Et je pense qu'elle a droit à la liberté de choisir ce qu'elle veut porter.

Mon fils, Asher, a 2 ans. J'attrape un short et un t-shirt dans le placard et l'habille, parce qu'il a toujours du mal à le faire lui-même. Mais il a compris comment se déshabiller -- et souvent cela signifie qu'il se débarrasse de ses vêtements et crie "robe" encore et encore. Il monte sur la chaise et attrape l'une des robes de Sydney --"celle-ci".

Donc la plupart du temps mon fils est habillé comme Princesse Sofia, ou autre princesse Disney. Et en oubliant tous les préjudices sociaux, je dois dire que ça lui va bien. Et lors d'un été à 40 degrés à LA, c'est sûrement le meilleur choix.

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J'ai d'abord été gêné de le voir porter des robes en public. Et ce n'est pas parce que je me souciais de l'avis des gens qui pensaient que c'était bizarre. J'avais juste peur qu'ils pensent que je l'avais forcé à porter cette robe.

C'était la fête d'anniversaire de la fille d'un ami. Avant de quitter la maison, j'avais essayé de convaincre Asher de porter des "vêtements de garçon". Je savais que ce serait une série de questions et jugements, et je n'avais pas envie d'y faire face.

Mais Asher a fait une énorme crise lorsque j'ai essayé de lui mettre son short de force. Il pleurait et protestait, le nez coulant, et j'ai soudain réalisé que je combattais pour quelque chose en quoi je ne croyais pas. Je lui ai donné un câlin et me suis excusé. Et je lui ai remis sa robe de princesse et les chaussures de sa sœur.

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Nous sommes allés à la fête et, comme je me l'imaginais, certaines personnes ont ri et fait des commentaires. L'une m'a dit: "Vous trouvez ça drôle? Il y a des enfants ici. Vous voulez qu'ils voient ça?" Une autre: "Vous voulez qu'il devienne gay?"

Et j'ai gardé mon calme. Et je leur ai expliqué qu'il n'y avait aucun lien entre porter une robe et être gay. Et si effectivement il est gay, ce n'est pas moi qui l'aurai provoqué.

De nombreuses personnes nous soutiennent. Quand je leur dis que mon fils est un garçon, ils sourient et me répondent: "J'adore."

Un ami gay m'a vu au festival Jazz at LACMA vendredi soir, et m'a dit: "Je ne portais pas de robe quand j'étais petit". Comme pour me rassurer sur le fait que mon fils n'est pas gay.

Ce qu'il y a de plus triste dans cette histoire, c'est le sentiment de mon ami par-rapport à son homosexualité. Comme si c'était une malédiction.

Il y a quelques jours, à la demande de ma fille, j'ai enfilé une robe de ma femme pour aller promener le chien. Elle nous a rencontrés dans la rue et, après avoir éclaté de rire et pris une photo, elle m'a juste dit: "Si tu la déchires, je te tue."

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Source : http://www.huffingtonpost.fr/seth-menachem/garcon-porte-r...

 

 

L’Incroyable Histoire de Wheeler Burden de Selden Edwards

 

traduit de l’anglais (États-Unis) par Hubert Tézénas

 

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Cherche Midi, janvier 2014

650 pages, 20€.

 

   

Ce roman à la construction extrêmement élaborée, d’une densité vertigineuse, nous emporte avec son personnage principal dans un tourbillon d’évènements, dont une bonne partie a pour théâtre la ville de Vienne. Frank Standish Burden III, alias Wheeler Burden, champion de base-ball dans ses années étudiantes comme son père avant lui, puis célèbre musicien de rock des années 70, a abandonné la musique pour consacrer une dizaine d’années à l’écriture d’un livre. C’est suite à la sortie de ce livre, en 1988 donc, que Wheeler rentrant d’une soirée qui lui était consacrée, se retrouve tout d’un coup à Vienne ! Ce fait est déjà fort surprenant, mais le plus incroyable, c’est que la Vienne dans laquelle il se retrouve ainsi transporté, est la Vienne de 1897 ! Un inexplicable et soudain bond en arrière qui marque le début d’une aventure tout aussi impensable.

 

Ce roman labyrinthique s’articule donc autour de nombreux aller-retour dans le temps et dans la vie de Wheeler Burden mais aussi de plusieurs autres membres de sa famille et quelques autres personnages qui ont tous en commun la ville de Vienne. Wheeler Burden la connaissait sans jamais y avoir mis les pieds et tout particulièrement la Vienne étincelante de la fin du XIXème, grâce aux récits passionnés du vénérable Haze, lui-même viennois d’origine. D’ailleurs le livre que Wheeler venait de faire paraître avant d’être catapulté dans le temps, était en fait la mise au propre des innombrables notes que ce bien-aimé professeur d’Histoire de St Grégory lui avait bizarrement léguées. Haze avait eu aussi pour élève le père de Wheeler, qui de même que son grand-père, avait étudié dans cet établissement privé très chic pour garçons des environs de Boston. Wheeler, bien que n’ayant pas le profil habituel, y était entré grâce à sa grand-mère, Eleanor Burden, dont Haze était un ami proche. Il avait pu ainsi entrer par la suite à Harvard, toujours sur les traces de ses illustres père et grand-père.

 

La Vienne de cet automne 1897, capitale de l’Empire austro-hongrois, c’est une Vienne en pleine ébullition, qui privilégie le faste des fêtes, du théâtre et de la musique, avec son célèbre Ring, grand et chic boulevard annulaire bordé de platanes où la population aisée se presse pour aller se divertir. C’est aussi la Vienne de jeunes intellectuels et artistes qui se retrouvent au Café Central pour refaire la société : la Jung Wien que fréquentait le jeune Arnauld Esterhazy, le futur professeur Haze, mais cette Vienne est aussi celle qui ne se préoccupe pas de sa population la plus miséreuse et celle d’un tout nouveau maire, Karl Lueger, qui assoit sa popularité en exploitant les idées nauséabondes d’un antisémitisme insidieux et montant.

 

Il semble très vite évident à Wheeler, alors âgé d’une cinquantaine d’années, que ce voyage dans le temps, bien que des plus improbables, ne s’est pas fait complètement au hasard. Cela deviendra une évidence, bien que toujours plus ahurissante, quand on découvrira en même temps que Wheeler, que bien des personnes auxquelles il est apparenté, sont également à Vienne à ce moment là. En effet, l’Américain dans la chambre d’hôtel duquel il va dérober vêtements et argent juste après sa rocambolesque arrivée, n’est autre que son futur grand-père et Weezie, la jeune américaine dont il va tomber follement amoureux, n’est autre que sa future grand-mère, le jeune Haze y est également. Plus fou encore, Wheeler va y rencontrer Dilly, son père, qui lui aussi vient de voyager dans le temps pour arriver au même lieu, en cet automne 1897, alors qu’il était en 1944, mourant aux mains de la Gestapo, après avoir été arrêté et torturé. Il travaillait pour les services anglais en aidant la résistance française et détenait des informations aussi cruciales que la date et le lieu du débarquement. Son fils Wheeler qu’il avait eu avec Flora, une anglaise militante et pacifiste, avait alors 3 ans.

  

Selden Edwards pour un premier roman, nous offre donc un spectaculaire enchevêtrement d’histoires, un tissage réalisé de main de maître dont le motif apparaîtra peu à peu dans son ensemble et révélera bien des secrets d’une famille peu ordinaire, c’est le moins qu’on puisse dire, elle-même directement liée aux grand évènements de l’Histoire et dans lequel apparaissent d’autres personnages tel que Freud, le seul à qui Wheeler racontera toute la vérité, sachant qu’il ne le croirait pas mais serait suffisamment intéressé par les mécanismes inconscients pouvant pousser un homme à raconter de telles invraisemblances, pour lui procurer en échange le gite et la nourriture, mais aussi le compositeur Gustav Mahler, le peintre Klimt et l’écrivain américain Mark Twain sans oublier Adolf Hitler, que Dilly veut absolument retrouver, qui vit alors dans un village non loin de Vienne. C’est encore un enfant de 6 ans, maltraité par son père.

  

Plein de suspens et de rebondissements, c’est un roman qui ne cessera de nous étonner tout en nous faisant parcourir un pan entier de l’Histoire contemporaine avec ses dessous plus ou moins reluisants. Il ouvre un abime de réflexion sur la place du temps, de la fatalité, de la mort et du risque ou pas de changer les évènements en se retrouvant comme Wheeler et son père dans un temps antérieur à leur propre naissance.  C’est un roman impossible à résumer, à la fois très documenté, doté d’une époustouflante inventivité, qui en racontant le destin de personnages pris dans le flux de plusieurs époques, idées, principes et croyances, interroge aussi et surtout les tréfonds de l’humain et les valeurs auxquelles nous nous accrochons, ouvrant grand la porte à la réflexion sur le sens que chacun des personnages peut ou veut donner à sa vie.

 

Cathy Garcia

 

  

selden_edwards-18950.jpgNé en 1945, Selden Edwards est professeur. Il vit en Californie, à Santa Barbara. L’Incroyable Histoire de Wheeler Burden est son premier roman. Il y a travaillé pendant près de trente ans.