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10/12/2014

LGV Lyon-Turin : soutien à l’écrivain italien Erri De Luca menacé d’un procès

Une pétition apporte son soutien au grand écrivain italien Erri De Luca, opposant notoire au projet de ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin. Motif : la société franco-italienne Lyon Turin Ferroviaire a annoncé une action en justice contre lui à la suite d’un entretien publié le 1er septembre sur le site de l’Huffington Post.

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Signe d’une volonté d’en passer par les tribunaux contre les opposants au grand projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, le maître d’ouvrage franco-italien, Lyon Turin Ferroviaire (LTF), a annoncé aux médias italiens qu’il envisageait une action pénale contre le grand écrivain napolitain Erri De Luca, lequel n’a jamais fait mystère de son soutien au mouvement No-TAV (treno a alta velocità).

Les propos recueillis dans un entretien publié le 1er septembre par l’Huffington Post (lire ici), sont à l’origine de l’action en justice, a déclaré LTF. La menace d’un procès a suscité une pétition de soutien d’écrivains, d’éditeurs et de journalistes, intitulée : « NON à la ligne à grande vitesse Lyon-Turin : soutien à l’écrivain Erri De Luca » (voir ici).

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Les signataires de la pétition de soutien à Erri De Luca

« Nous sommes dans un contexte de criminalisation du mouvement d’opposition, alors que nous disons qu’il y a des sociétés liées à la mafia qui ont travaillé sur le chantier du Lyon-Turin, que son directeur général a été condamné en première instance, ainsi que son directeur des travaux. Lyon Turin ferroviaire ne respecte pas la loi ! », explique un militant de la Coordination des opposants au Lyon-Turin (voir notre enquête publiée ici)

Voici le texte de soutien à Erri De Luca :

Parce que l’écrivain Erri De Luca a réagi quand les autorités ont qualifié de « terroristes » les populations qui se battent depuis des années contre le projet franco-italien de la Lgv Lyon-Turin de plus de 30 milliards d’euros qui nécessite le percement d’un tunnel de 57 Km qui provoquera de manière irréversible le tarissement des sources (équivalent à 250 millions de mètres cubes d’eau par an), alors que la ligne ferroviaire existante est exploitée à 17% de ses capacités.

Parce que l’écrivain Erri De Luca a dit « Je suis convaincu que la Ligne à Grande Vitesse Lyon-Turin est un projet inutile… Il ne s’agit pas d’une décision politique, mais d’une décision prise par les banques et par ceux qui veulent réaliser des profits aux dépens de la vie et de la santé d’une entière vallée. La politique a simplement et servilement donné son aval… Maintenant toute la vallée est militarisée, l’armée occupe les chantiers et les habitants doivent présenter leurs cartes d’identité s’ils veulent aller travailler dans leurs vignes ».

Parce que l’écrivain Erri De Luca a répondu lors d’une interview à l’Huffington Post « Quand il s’agit de la défense de sa propre vie et de ses enfants, n’importe quelle forme de lutte est admise », la LTF, société en charge du projet, a annoncé aux médias qu’elle envisageait une action pénale contre l’écrivain.

Parce que nous partageons les déclarations de l’écrivain Erri De Luca, nous lui exprimons notre soutien inconditionnel et nous réaffirmons avec force l’inutilité, l’aberration, la dangerosité du projet de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin.

 

 

18:34 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

Les nombres, Viktor Pelevine

 

 traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain

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Alma Editeur  septembre 2014

380 pages, 19 €

 

 

Qu’arrive-t-il à un homme quand il soumet sa vie et son destin tout entier au pouvoir d’un nombre ? C’est ce que fait Stopia, alias Pikachu pour les intimes, antihéros de ce roman amoral qui est avant tout une impitoyable satyre d’une ex-URSS décadente et libérale, qui n’a cependant pas lâché les bonnes vieilles méthodes de l’époque KGB.

« Je me demande bien Tchoubaïka, pourquoi on traite la bourgeoisie libérale de libérale. Elle est porteuse d’une idéologie totalitaire extrême. Si on l’y regarde de près, tout son libéralisme se réduit à la permission donnée aux travailleurs de s’enculer à volonté pendant leurs heures de repos » et Tchoubaïka répondait : « Excusez-moi Zouzia, mais c’est un grand pas en avant si on compare avec le régime qui percevait même cette activité comme sa prérogative ».

Ainsi, après quelques tâtonnements, c’est au numéro 34 que Stopia va confier la totalité de sa vie, de ses choix, décisions et orientations, privés ou professionnels, et le 43 deviendra donc par conséquent l’anti-nombre, le nombre d’entre tous dont il faudra le plus se méfier.

Cette apparente folie obsessionnelle numérologique, qui fait tout le régal et l’originalité de ce roman, conduira cependant Stopia au sommet. « Or, les autres devenaient des bêtes sauvages à cause de leur aspiration à agir rationnellement, alors qu’il était un homme sensé du fait de son obéissance à une règle irrationnelle que tout le monde ignorait. C’était la plus réelle des magies et elle était plus forte que toutes les constructions de l’intellect ».

Devenu un des banquiers les plus influents du pays, défiant les lois de la concurrence et du marché, protégé, c’est-à-dire aussi surveillé par un agent des services secrets qui avait fait éliminer auparavant ses premiers protecteurs, des Tchétchènes, Stopia s’en remet toujours plus à son nombre fétiche et développe une hantise de plus en plus forte pour son opposé. Angoisse cristallisée par l’approche de son 43è anniversaire et comme l’illustre à merveille le proverbe qui dit que plus un singe monte haut, plus il montre son cul, Stopia apprendra à ses dépens qu’aucun nombre, ni aucun système dogmatique et donc totalement rigide, ne protègeront jamais un homme contre les tortueux revers du destin et que les tirages du yi-king du maître spirituel d’un club de thé, doté de la plus grande collection de porno bouddhiste de Moscou, ne lui seront d’aucune utilité, Stopia ne saisissant pas le message premier et essentiel du yi-king, qui signifie Le Livre des changements.

Amoral et d’une froide lucidité, Les nombres est aussi un roman succulent, comique, cynique et absurde à souhait.

 

Cathy Garcia

 

 

 

viktor0.pngNé en 1962 à Moscou, Viktor Pelevine suit un séminaire littéraire à l’université Gorki après une formation d’ingénieur en électromécanique à l’Institut de génie énergétique de Moscou. De ce jour, il écrit. D’abord dans la presse, puis son premier roman en 1992. Puis, entre autres, L’Ermite et Sixdoigts et La Mitrailleuse d’argile. Il a reçu de nombreux prix littéraires et fut élu en 2009 intellectuel le plus influent de la Russie à l’issue d’une grande enquête menée par Open Space.ru. Lue par plus de 3 millions de Russes, traduite dans 33 pays, son œuvre est particulièrement appréciée au Japon, en Chine et en Angleterre. Après Les Nombres en 2014, deux autres brefs romans (Opération Burning Bush et Les codes anti-aériens d’Al-Efesbi) paraîtront en 2015 chez Alma.

 

Cette note a paru sur le Cause Littéraire :http://www.lacauselitteraire.fr