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25/05/2016

Grotte de Bruniquel : c'est définitif, Néandertal n’était pas la moitié d'un idiot

Prise de mesures pour l’étude archéo-magnétique de la grotte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne). Ces structures sont composées
d’éléments alignés, juxtaposés et superposés (sur 2, 3 et même 4 rangs). 

Prise de mesures pour l’étude archéo-magnétique de la grotte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne). Ces structures sont composées
d’éléments alignés, juxtaposés et superposés (sur 2, 3 et même 4 rangs). 

Photo: Etienne FABRE - SSAC

 
Une équipe franco-belge vient de révéler l'existence d'une structure fabriquée par l'homme 176 500 ans avant notre ère. C'est à dire, bien avant Chauvet ou Lascaux et l'homme moderne.

Avec ses arcades sourcilières proéminentes, son front fuyant et son nez énorme, l’homme de Néandertal n’a franchement pas l’air d’avoir inventé la machine à cambrer la banane. Pendant longtemps, la communauté scientifique a même pris cet être humain petit, trapu et musclé pour un demeuré préhistorique. Délit de sale gueule et jugement trop hâtif. Depuis quelques années, à force de découvertes, les paléontologues redorent le blason de l’homme de Néandertal. Notre cousin maîtrisait le feu, taillait le silex admirablement, utilisait sans doute un langage, enterrait ses morts et … construisait des machins bizarres au fond des grottes !

C'est la nouvelle découverte majeure publiée ce mardi 15 mai 2016 dans la revue Nature. Dans la grotte de Bruniquel (Tarn-et-Garonne), une équipe de chercheurs franco-belge a déniché une étrange structure circulaire constituée de quatre cents morceaux de stalagmites, pesant en tout 2,2 tonnes et âgée de 176 500 ans ! Donc beaucoup plus vieille que la plus ancienne preuve formelle de fréquentation des grottes par des hommes : Chauvet et ses 38 000 ans. De quoi alimenter les débats sur les capacités cognitives de Néandertal !

Bauges d'ours et griffades

L'histoire débute en 1990, quand un jeune spéléologue découvre la fameuse grotte, splendeur souterraine constellée de lac, calcite flottante, draperies translucides, concrétions en tous genres. Les premiers à entrer dans cet espace hors du temps remarquent des ossements de mammifères du pléistocène (rennes, ours, bisons), des bauges d'ours, des griffades... Et puis, à 336 mètres de l'entrée, ils tombent sur un drôle de tas de stalagmites qui semblent former un cercle. Tout autour de la forme circulaire, les spéléologues notent des os calcinés, de la calcite rougie par les flammes : les vestiges de feux. Qui les a allumés ? Quand ? Et cette structure : est-elle naturelle ou bien construite par l'homme ?

En 1995, une première équipe de chercheurs détermine, à partir d'un os brûlé retrouvé sur place et grâce à la technique du carbone 14, que les feux datent de 47 600 ans : cela ne veut rien dire sinon que la limite de datation au carbone 14 a été atteinte. Et puis, curieusement, la grotte est délaissée.

La nature ne dispose pas d'étai

Il faudra attendre une nouvelle campagne de recherche, lancée en 2013, pour aller plus loin, beaucoup plus loin. A l'aide d'un relevé 3D des structures et l'inventaire de la position exacte des stalagmites, l'équipe formée de Dominique Genty, directeur de recherche au CNRS, Jacques Jaubert, professeur de préhistoire à l'Université de Bordeaux et Sophie Verheyden, chercheuse à l'Institut royal des Sciences naturelle de Belgique, prouvent l'origine anthropique de cette drôle de construction qui s'étend sur 29 mètres carré : les stalagmites ont été découpées et déplacées, elles sont agencées et parfaitement calibrées ; certaines structures sont juxtaposées ou superposées sur quatre rangs, on remarque même des étais destinés à caler la construction. La nature ne dispose pas d'étai ! C'est donc l'homme, le constructeur. Quant aux vestiges brûlés, répartis sur dix-huit points de chauffe, selon les chercheurs, ils témoignent de la présence de feux « d'éclairage ».

Que l'homme investisse des grottes, ce n'est pas nouveau, même si c'est déjà très rare. Au début du Paléolithique récent, en Europe, en Asie ou en Océanie, quelques courageux s'aventurent sous la terre, loin de la lumière du jour. La plupart du temps, ils y dessinent ou font des gravures, comme à Chauvet, Lascaux (-22 000 ans), Altamira en Espagne (-18 000 à -15 000 ans). Des structures comme celles de Bruniquel ? On n'en retrouve quasiment jamais. Et c'est toujours l'homme moderne qui signe tout ce qu'on retrouve.

Méthode Uranium-thorium

La formidable découverte, on la doit à la Belge Sophie Verheyden, spécialiste des stalagmites, qui, inspectant la fameuse structure, décide d'en prélever des échantillons très bien placés (au bout des stalagmite arrachées et à la base des embryons de stalagmites qui se sont formées après la construction) pour dater (avec la méthode appelée Uranium-thorium) précisément la construction. Verdict : -176 500 ans ! Ce n'est donc pas homo sapiens qui est dans le coup, mais Néandertal ! Quand Jacques Jaubert, spécialiste des Néandertaliens, apprend la nouvelle, il n'en revient pas : « Avant d'avoir vu les résultats, je n'aurais jamais imaginé que des Néandertaliens étaient capables de s'aventurer si profondément dans une grotte ! »

Forts de cette incroyable découverte, Sophie Verheyden, Jacques Jaubert et Dominique Genty vont maintenant s'atteler à répondre à la question à mille euros : à quoi pouvait bien servir une telle structure ? Etait-ce un lieu de culte ? Une aire de pique-nique pour manger des ours grillés ? Une protection contre le froid de l'ère glaciaire ? Et pourquoi s'aventurer si loin de l'ouverture de la grotte ? Les questions pleuvent sur le front pas si bas de l'homme de Néandertal.

 

Source :

http://www.telerama.fr/monde/grotte-de-bruniquel-c-est-de...