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30/08/2020

Le Chemin des âmes de Joseph Boyden

 

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(titre original : Three-day road, 2004), Albin Michel 2006. 475 pages.

 

Je viens de terminer ce livre inoubliable, dont la fin m’a fait pleurer. Un hymne tordu de douleur, mais puissant, à la vie arrachée aux champs de mort. Un chant de mort aussi et un chant de guérison. J'y ai appris encore des choses sur cette première guerre mondiale et notamment sur les soldats amérindiens qui y ont pris part. Ici, ce sont deux amis d‘enfance de la nation Cree. En cherchant un peu plus sur le sujet suite à cette lecture inspirée de faits bien réels, j'ai appris, sans surprise hélas, la façon dont ces recrues (comme les autres minorités) ont été traitées, avant, pendant, après...  Mais entre les hommes jetés dans cette grande boucherie, les soldats de base rampant, pataugeant et crevant dans la même soupe de boue et de sang, il n'y avait plus beaucoup de différences. Les deux jeunes Cree vont se distinguer sur le terrain par leurs qualités de chasseurs mais ils en paieront le prix fort : quelque chose les sépare et cette séparation va peu à peu se transformer en gouffre. L’un, abandonné par sa mère qui avait sombré dans l’alcoolisme, avait été sauvé du pensionnat tenu par de rudes religieuses, missionnées pour bouter le païen hors de ces corps de sauvageons, par sa tante, une des rares Cree à perpétuer la vie d’avant à l’écart de la ville et des wemistikochiw et qui l’a pris avec elle au fond des bois, pour lui enseigner tous les savoirs et traditions de son peuple, celles du monde visible mais aussi du monde invisible, elle qui était une des dernières chasseuse de wendigos. L’autre, orphelin, a passé trop d’années dans ce pensionnat, avant que la tante de son ami d’enfance, ne vienne lui aussi le chercher. Le Chemin des âmes force une réflexion sur l'humain dans l’enfer de la guerre, le meurtre autorisé, les limites (y en a t-il ?), mais aussi sur les conséquences de la colonisation et de l’acculturation, leur violence et heureusement il y a cette sagesse ancestrale, qui malgré tout, palpite encore, resurgit quand on la croit disparue à jamais sous la pression de la culture qui se voulait et se veut encore dominante et qui a envoyé des milliers d’hommes colonisés finir en morceaux de viande faisandée au fond d’une tranchée, dans des pays qui leur étaient totalement étrangers. Un livre qui m’a vraiment bouleversée.

 

 

Joseph Boyden, né en 1966, est canadien avec des racines amérindiennes, écossaises, irlandaises. Le chemin des âmes est son premier roman. D’autres ont paru depuis, le dernier : Dans le grand cercle du monde, 2015.

 

En savoir plus sur l'auteur :

https://www.etonnants-voyageurs.com/spip.php?article2344

 

 

 

 

1914-1918 - Des Amérindiens dans les tranchées

 

Je l'ai découvert dans le superbe et terrible livre que je viens de terminer, "Le chemin des âmes" de Joseph Boyden dans lequel il est mentionné.

"Le soldat amérindien le plus médaillé durant la Première Guerre mondiale a été le caporal Francis Pegahmagabow. Né le 9 mars 1891 et décédé le 5 août 1952, il a reçu trois fois la Médaille militaire et a été blessé sérieusement deux fois au combat. Membre d’un commando d’attaque des tranchées et tireur d’élite, celui que ses camarades appellent « Peggy », reste le soldat amérindien le plus décoré de l'histoire militaire canadienne."

Il est ensuite devenu un des premiers à lutter pour les droits des peuples autochtones.

"S’il est si difficile de retrouver la trace des combattants amérindiens du conflit de 14-18, c’est notamment parce lors de leur engagement, ils le faisaient sous un nom d’emprunt, à consonance francophone ou anglophone, héritage des écoles blanches obligatoires. Il n’était pas de bon ton en effet, dans le Canada de l’époque, de mettre en avant la part que prenaient ces populations à la Première Guerre mondiale. "

Assez bon pour mourir, mais pas assez sous leur propres noms....!!!

 

"Fins tireurs, éclaireurs exceptionnels, leurs qualités de chasseurs résistants et rusés trouvèrent à s’employer tout naturellement au combat. Pour ceux qui revinrent à la vie civile, la reconnaissance de la patrie s’était arrêtée en 1918. De retour chez eux, plusieurs ont constaté que leurs terres avaient été attribuées à d’anciens combattants blancs…"................

 

Lire le document en entier :

https://webdoc.rfi.fr/amerindiens-grande-guerre-1914-1918...

 

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Tranchée allemande abandonnée - Bataille du bois Delville - Picardie - septembre 1916

 

 

[…] Quelqu’un que j’connais pas avec
une rivière un moulin
avec une femme comme toi
qui chérit aussi bien
Demain j’vas l’tuer pour rien […]

Richard Desjardins, auteur-compositeur québécois dans sa chanson Vimy, 2017

 

 

 

 

 

L’histoire oubliée de la contribution des Noirs à l’édification du Canada

 

Questions et réponses avec l’historien Amadou Ba

Des musiciens noirs du «2e bataillon de la construction» canadien de la Première Guerre mondiale. Photo: archives de la Citadelle d'Halifax.
 

En ce Mois de l’histoire des Noirs, l’auteur de l’ouvrage L’Histoire oubliée de la contribution des esclaves et soldats noirs à l’édification du Canada (1604-1945), aux Éditions Afrikana, a répondu aux questions de Francopresse.

Le Dr Amadou Ba éclaircit des chapitres négligés de l’histoire du pays. Chargé de cours à la Nipissing University de North Bay et à l’Université Laurentienne de Sudbury, ce passionné d’histoire africaine souhaite ainsi contribuer à réconcilier les Canadiens et Canadiennes avec leur passé.

 
Amadou Ba et son livre.

Qui étaient les premiers arrivants noirs au Canada?

Le premier arrivé remonterait au tout début de la colonie. Mathieu da Costa serait venu lors du premier voyage avec Samuel de Champlain en Acadie à titre d’interprète.

Il parlait plusieurs langues et il a permis à Champlain d’entrer en communication avec les autochtones micmacs. On sait qu’il avait été recruté et qu’il avait un contrat pour accompagner Champlain et, après, il est retourné en France.

Après lui, de premiers esclaves sont arrivés en 1628. Le premier qui a été répertorié est Olivier Lejeune qui est amené par des marchands anglais, les frères Kirke, qui l’ont ensuite vendu à Québec.

 

Après, nous allons voir l’arrivée d’esclaves ici et là, mais le groupe le plus important est arrivé lorsque le roi de France a autorisé, en 1689, les habitants de la Nouvelle-France à avoir des esclaves.

Des soldats canadiens noirs pendant la Première Guerre mondiale. Photo: archives du Black Cultural Centre for Nova Scotia.

Avez-vous noté d’autres importants mouvements de population?

Après la guerre d’indépendance américaine, beaucoup de loyalistes britanniques étaient venus, et beaucoup avaient fait des promesses aux esclaves américains qui s’étaient engagés comme soldats.

Plusieurs sont venus au Canada, dans les Maritimes et au Québec. On parle de 5 000 Noirs, composés d’esclaves et de soldats engagés avec les Anglais. La majorité est allée en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. D’autres sont partis vers le Haut-Canada (l’Ontario).

Une autre vague est celle des Marrons de la Jamaïque arrivés en Nouvelle-Écosse en 1796. Ils s’étaient révoltés contre les Anglais en Jamaïque qui les ont exilés. Ils ne sont pas restés très longtemps et ils ont été ramenés en Afrique.

Affiche pour le recrutement de Noirs dans l’armée canadienne pendant la Première Guerre mondiale.

Qu’est-il arrivé avec l’abolition de l’esclavage?

Quand l’esclavage a été aboli au Canada en 1833, ce ne l’était pas encore aux États-Unis. Beaucoup d’esclaves quittent le Sud et beaucoup d’entre eux se retrouvent au Canada avec le «Underground Railroad», le chemin de fer clandestin.

 

On parle de plus de 60 000 Noirs qui vont vers le Nord et une bonne partie se retrouve au Canada jusqu’à la guerre de Sécession.

À tous ces Noirs qui arrivent dans les Maritimes et ailleurs au pays, on leur fait croire que le Canada est un paradis, mais ils ont vécu beaucoup de racisme avec des écoles et des églises séparées.

Après la guerre civile américaine, 60% des Noirs en Ontario et 50% de ceux au Québec vont retourner aux États-Unis.

Des soldats canadiens noirs pendant la Première Guerre mondiale. Photo: archives du Black Cultural Centre for Nova Scotia.

Bien des Canadiens seront surpris d’associer le mot «esclavage» à l’histoire du pays…

On est dans un pays qui a voulu se montrer différent, l’exception par rapport aux autres pays. On essaye de faire croire que la question de l’esclavage est plus la question des États-Unis et que le Canada a aidé les esclaves à se libérer.

Mais le fait est qu’il y a eu de l’esclavage, du racisme et de la souffrance des Noirs au Canada. Ce n’est pas enseigné et les gens ne sont pas habitués à l’entendre.

 

J’aimerais bien que les enseignants en parlent dans les écoles et que les journalistes en parlent aussi. L’esclavage était là. C’était une «business» de l’époque.

Votre livre mentionne la contribution de soldats canadiens noirs…

On voit des Noirs dans toutes les guerres du Canada, du moins depuis 1812 avec le «coloured corps» qui avait plus de 400 recrues avec Richard Pierpoint.

On voit des Noirs s’engager durant les rébellions de 1837-1838. Même dans les guerres où le Canada s’engage ailleurs, on voit des soldats noirs, comme à la guerre de Crimée ou encore pour la révolte des Cipayes en Inde en 1857.

Je mentionne William Neilson Hall, un soldat noir qui a reçu la Croix de Victoria remise aux soldats qui se sont le plus illustrés. Il était seulement le 3e Canadien et le premier Noir à la recevoir. Les Noirs ont souvent vu l’armée comme une voie vers la liberté et l’émancipation.

William Neilson Hall

Dès les débuts de la Première Guerre mondiale, il y avait des engagements de soldats noirs qui sont allés à Vimy, à Passchendaele et à toutes les batailles en Europe. Dans mes recherches, j’ai trouvé beaucoup de Noirs morts au front.

 

En 1945, les Noirs s’engagent dans l’armée et ils sont moins ségrégés. Les frères Carty, de la Nouvelle-Écosse, se sont tous engagés dans l’armée canadienne durant la Deuxième Guerre mondiale. Leur père avait fait la Première Guerre mondiale: cette famille est un exemple d’engagement et de patriotisme.

Pourquoi pensez-vous que la contribution des Afro-Canadiens a été négligée des livres d’histoire du Canada?

Plus de 99% des gens diront qu’ils ne connaissent pas cette histoire. Il existe quelques livres sur le sujet, mais on n’a pas voulu les populariser.

La participation des Noirs au monde moderne est systématiquement niée et le Canada n’y fait pas exception.

Depuis la colonisation de l’Afrique, on refuse de voir les belles choses, l’apport et la contribution des Noirs, pour se concentrer sur le côté négatif.

Soldat du 104e régiment du Nouveau-Brunswick. Peinture de Robert Marrion au Musée canadien de la guerre: Collection d’art de guerre Beaverbrook.

Que pourrions-nous faire pour mieux reconnaître la contribution de ce segment de notre population?

La première des choses est d’ajouter cela dans le curriculum des programmes scolaires. Nous avons besoin de visibilité politique, de voir plus de gens noirs élus pour que nous nous sentions plus acceptés.

 

Nous avons besoin de plus de visibilité dans les médias et plus d’accès aux postes de responsabilité. Toutes ces sources donnent de la valeur à une communauté.

Il faut préparer les Canadiens et Canadiennes à mieux connaître les Noirs, et les nouveaux arrivants aussi, pour qu’ils soient acceptés dans une société plus ouverte.

Aussi, le gouvernement fédéral doit demander pardon pour le racisme et la souffrance des Noirs au Canada pour qu’ils soient acceptés à part entière dans ce pays.