Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/03/2014

J'emmerde... de Marlène Tissot

Préface de Fabrice Marzuolo.

 

ob_1cb64f_tissot-jpg.jpg

 

éditions Gros Textes, 2014

90 pages, 6 €

 

 

J’emmerde… Déjà le titre a quelque chose de jouissif en soi, une petite revanche à lui tout seul, mais Marlène Tissot rajouterait certainement : j’emmerde la revanche et elle aurait bien raison. Ce recueil s’il vous tombe entre les mains, attention il colle et si vous l’ouvrez, juste histoire d’y jeter un œil, en attendant d’avoir le temps de le lire, vous saurez que déjà vous emmerdez « le temps de…. ». Ce sera de suite et maintenant, et vous ne le lâcherez pas tant que vous ne serez pas arrivés au bout, à la fin, avec ce magistral « j’emmerde les fins de moi difficiles »…

 

De ce recueil, on serait tenté de citer chacune des déclarations d’emmerde, chacune percutant le lecteur en trois phrases et un seul round. Aucune ne parait inutile, surfaite, et chaque lectrice-lecteur y trouvera forcément résonnance avec son ressenti propre, voire avec le sale…

 

J’emmerde l’équitation

 

On ne galope pas très loin

en étant à cheval

sur ses principes

 

Marlène Tissot a ce don qui ne cesse d’enchanter, ce don de la pirouette tout en emmerdant la pirouette. L’art du paradoxe, la nécessité surtout de la contradiction, écorchant au passage tout ce et ceux qui se voudrait ceci ou cela… Ne se prenant elle-même pas au sérieux (surtout pas, quel ennui !), elle a ainsi une intégrale liberté que bien des jaloux-jalouses pourraient lui envier.

 

J’emmerde la haute couture

 

Broder ce qui faut de dérision

sur le bord des jours

pour éviter qu’ils ne s’effilochent

 

Et sage avec ça… C'est-à-dire dotée d’une compréhension profonde et in-situ de la complexité et de la vanité humaine.

 

J’emmerde l’aqua-bonisme

 

Mettre les poissons dans un bocal

et les laisser nous regarder

tourner en rond

 

*

 

J’emmerde les proverbes

 

Quant on veut, on peut

mais quand on peut

souvent, on ne veut plus

 

 

Un mélange goûteux de désespoir et de jubilation...

 

J’emmerde les grands discours

 

Rester fidèle à cette petite voix

qui chante des berceuses

à nos terreurs

 

*

 

J’emmerde les courbes de croissance

 

En devenant adulte on ne grandit pas

on ne fait que rétrécir

notre aptitude à nous émerveiller

 

 

Avec une pointe d’acidité…

 

J’emmerde les évidences

 

Les choses parlent d’elles-mêmes

les gens aussi

assez souvent

 

 

Pour le plaisir, en guise d’amuse-bouche, comme on dit dans les restaurants qui n’osent pas dire amuse-gueule,  voici donc quelques-unes des perles de ce recueil qu’il faudrait garder toujours en poche, un genre de spray antidépresseur, voire pour éloigner quelques emmerdeurs et emmerdeuses. Marlène pourrait rajouter : j’emmerde l’égalité des sexes, et elle aurait bien raison, car elle est basée sur de fausses données, il y en a toujours un qui finit avant l’autre.

 

J’emmerde le strip-tease intégral

 

Je préfère la vérité

débraillée

à la vérité nue

 

 

Mais trêve de….

 

J’emmerde les blablas

 

Les mots sont des adultes consentants

on peut les coucher là, l’un par-dessus l’autre

et leur faire dire ce que l’on veut

 

 

Procurez-vous vite ce livre et osez donc…

 

J’emmerde la chasse au trésor

 

Chercher

ce qu’il reste de bonté

en chacun de nous.

 

 

Parce qu’en plus l’éditeur fait partie de ces artisans fous du monde de l’édition indépendante qu’il faut absolument soutenir, et donc acheter ses livres.

 

 

Cathy Garcia

 

 

 

Une partie de ce recueil a été publié sous le même titre « J’emmerde… » dans le Mi(ni)crobe n°43, de la revue belge Microbe http://courttoujours.hautetfort.com/

 

 

 

f36881_d52e90571b2cc9f39ec344470ae53c12.jpgMarlène Tissot est venue au monde inopinément le 10 juin 1971. A cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi. Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Écrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des sujets un peu moins osés.

 

 

Biblio :

Sous les fleurs de la tapisserie, éd. Le Citron gare, 2013.
Les Choses ordinaires, Kiss my Ass éd., 2013.
Buk You, collectif, éditions Gros Textes, 2013.
Je me souviens, c'est dimanche, éd. Asphodèle, coll. « Confettis », 2013.
Mailles à l'envers, éd. Lunatique, coll. « Roman », 2012.
Mes pieds nus dans tes vieux sabots bretons, éd. La Vachette alternative, coll. « 8pA6 », 2011.
Nos parcelles de terrains très très vagues, éd. Asphodèle, coll. « Minuscule », 2010.
Celui qui préférait respirer le parfum des fleurs, éd. La Vachette alternative, coll. « 8pA6 », 2010.

 

Son site : http://monnuage.free.fr/

 

Les éditions Gros Textes : http://grostextes.over-blog.com/

 

 

 

 

 

URUGUAY • Pepe Mujica n'est pas qu'un original

O Globo | Editorial

  • 24 mars 2014

relayé par Courrier International

On a beaucoup glosé sur le président uruguayen, sa simplicité, ses discours qui semblent exotiques, son atypisme. Mais l'ancien guérillero devenu président est un véritable homme d'Etat, dont devraient s'inspirer les dirigeants latino-américains.
Le président de l'Uruguay, Pepe Mujica, photographié dans sa ferme aux alentours de Montevideo, le 27 novembre 2009, pendant la campagne présidentielle - AFP/Pable Bielli Le président de l'Uruguay, Pepe Mujica, photographié dans sa ferme aux alentours de Montevideo, le 27 novembre 2009, pendant la campagne présidentielle - AFP/Pable Bielli

José "Pepe" Mujica, 78 ans, est le 40e président de l'Uruguay. Ancien membre de la guérilla tupamaro, il a lutté contre la dictature qui régna sur son pays de 1973 à 1985. Il a participé à des offensives, à des enlèvements et à la prise de Pando, en 1969, lors de laquelle les Tupamaros s'étaient emparé du poste de police, de la caserne de pompiers, du central téléphonique et de plusieurs banques de cette ville à 30 km de Montevideo. Il a purgé 14 années de prison, dont il est sorti en 1985.

Au départ, son extrême simplicité avait quelque chose de pittoresque : sa modeste maisonnette sur une petite propriété rurale non loin de la capitale ; sa voiture, une vieille Coccinelle ; sa façon simplissime de s'habiller, y compris lors des manifestations officielles ; les 90 % de son salaire reversés à des organisations caritatives ; un seul véhicule de police pour assurer la sécurité de son domicile. C'était un acte de contestation, révèle-t-il dans un entretien qu'il nous a donné : "Les républiques n'ont pas été inventées pour qu'on y recrée une petite cour : elles sont nées pour affirmer que nous sommes tous égaux."

Un homme qui ignore tout du revanchisme

En 2013, il a fait du petit Uruguay un pionnier en légalisant l'avortement, le mariage gay et le cannabis. "Nous ne faisons qu'appliquer un principe simple : prendre acte de la réalité", a expliqué le président.

Une phrase qui illustre aussi bien ces trois initiatives audacieuses que l'attitude même de José Mujica : l'homme ignore tout du revanchisme qui trouble la vision politique de tant d'autres dirigeants actuels venus de la gauche radicale, et qui fait obstacle au consensus et à la gouvernabilité. Le président uruguayen manifeste un sens des réalités qui fait défaut, notamment, de l'autre côté du Río de la Plata, dans la Casa Rosada de la présidence argentine.

"Il y a 40 ou 50 ans, nous pensions qu'en arrivant au gouvernement nous pourrions inventer une nouvelle société, dit-il de son passé de guérillero d'extrême gauche. Nous étions candides : une société, c'est complexe, et le pouvoir, plus encore." S'il porte un regard bienveillant sur les mouvements d'opposition, comme ceux du printemps arabe ou même les manifestations au Brésil, c'est pour s'empresser de souligner ensuite qu'"ils ne mènent nulle part".

Un des rares hommes d'Etat

Selon lui, "ils n'ont rien construit. Pour construire, il faut inventer une nouvelle mentalité politique, collective, voir à long terme, avec des idées, de la discipline, de la méthode. Ce n'est pas nouveau, ça a l'air vieux même. Mais sans intérêt collectif, il est difficile de changer." Le président uruguayen n'a pas l'arrogance qu'affichent certains transfuges de la gauche latino-américaine des années 1970 parvenus aujourd'hui au pouvoir.

Et force est de reconnaître que sous des gouvernements d'une gauche qui se révèle moderne et forme une coalition (Mujica a succédé à Tabaré Vázquez [au pouvoir de 2005 à 2009], qui devrait revenir à la présidence [l'élection présidentielle aura lieu en octobre 2014]), l'Uruguay, sans exaltation, ni mythe du salut, ni esprit vengeur, est un pays qui sort du lot sur notre continent.

Des faubourg de Montevideo, "Pepe" Mujica envoie un message : "Nous, Latino-Américains, devons avoir la sagesse de chercher à nous accorder pour peser, ensemble, dans le monde. Nous avons besoin du Brésil, mais le Brésil lui aussi a besoin de nous tous, car les défis se posent à l'échelle continentale." Si Mujica était davantage entendu au sein du Mercosur, peut-être le Brésil ne serait-il pas acculé dans une véritable impasse idéologique, coincé entre l'Argentine et le Venezuela. José Mujica est peut-être l'un des rares hommes d'Etat du paysage politique latino-américain.