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29/04/2020

Le Corps-marché de Céline Lafontaine

 

103888_couverture_Hres_0.jpgLe Corps-marché La marchandisation de la vie humaine à l'ère de la bioéconomie

Sang, tissus, cellules, ovules : le corps humain, mis sur le marché en pièces détachées, est devenu la source d’une nouvelle plus-value au sein de ce que l’on appelle désormais la bioéconomie. Sous l'impulsion de l'avancée des biotechnologies, la généralisation des techniques de conservation in vitro a en effet favorisé le développement d'un marché mondial des éléments du corps humain.

Ce livre passionnant éclaire les enjeux épistémologiques, politiques et éthiques de cette économie particulière. Ainsi montre-t-il que la récupération des tissus humains promulguée par l’industrie biomédicale et l’appel massif au don de tissus, d’ovules, de cellules ou d’échantillons d’ADN cachent une logique d’appropriation et de brevetage. De même fait-il apparaître que, du commerce des ovocytes à la production d’embryons surnuméraires, l’industrie de la procréation assistée repose sur une exploitation du corps féminin. Et inévitablement dans notre économie globalisée, le capital issu de la « valorisation » du corps parcellisé se nourrit des corps des plus démunis, avec la sous-traitance des essais cliniques vers les pays émergents, ou le tourisme médical. Ainsi, ce n’est plus la force de travail qui produit de la valeur, mais la vie en elle-même qui est réduite à sa pure productivité.

Un livre essentiel sur les implications méconnues de l’industrie biomédicale.

 

Céline Lafontaine est professeure agrégée de sociologie à l'université de Montréal. Elle a notamment publié L'Empire cybernétique. Des machines à penser à la pensée machine (Seuil, 2004, prix Jeune Sociologue) et La Société postmortelle (Seuil, 2008).

 

Seuil éd. 10/04/2014
21.50 € TTC
288 pages
EAN 9782021038880

 

 

 

28/04/2020

"Robots tueurs" : le rôle d’Amazon et Microsoft dans le développement des armes autonomes pointé du doigt

Publié le 22/08/2019

Sudouest.fr avec AFP

 

 

Les américains Amazon, Microsoft et Intel font partie des géants technologiques qui pourraient mener une gigantesque course aux armements dans le secteur de l’intelligence artificielle, selon un rapport d’une ONG sur les armes de destruction autonomes.

L’organisation néerlandaise PAX a sondé les principaux acteurs de ce secteur hautement stratégique et a classé 50 entreprises selon trois critères : développent-elles des technologies permettant de créer des "robots tueurs" ? Travaillent-elles sur des projets militaires liés à ces technologies ? Ont-elles promis de s’abstenir d’y contribuer dans le futur ?

 
 

L’usage de l’intelligence artificielle pour permettre à des systèmes d’armement de choisir automatiquement et d’attaquer des cibles a provoqué d’importants débats éthiques au cours des dernières années. Pour certains critiques, on pourrait même assister à la troisième révolution de l’art de la guerre après les inventions de la poudre et de la bombe nucléaire.

 

"Pourquoi est-ce que les entreprises comme Microsoft et Amazon ne nient pas qu’elles sont actuellement en train de développer ces armes hautement controversées qui pourraient décider d’elles-mêmes de tuer, sans implication humaine ?", demande Frank Slijper, principal auteur du rapport publié lundi.

21 entreprises dans la catégorie "haute inquiétude"

Vingt-deux entreprises représentent une "inquiétude moyenne" pour les auteurs du rapport, dont l’analyse se porte sur 12 pays à travers le monde. Parmi elles, le japonais SoftBank, notamment connu pour son robot humanoïde Pepper. La catégorie "haute inquiétude" compte 21 entreprises, dont Amazon et Microsoft, qui essaient tous les deux de passer un contrat avec le Pentagone pour fournir à l’armée américaine l’infrastructure de son "cloud" (service de stockage de données en ligne).

"Les armes autonomes deviendront inévitablement des armes de destruction massives", prédit Stuart Russell, professeur de sciences informatiques à l’université californienne de Berkeley. "Des travaux sont actuellement entrepris pour que tout ce qui constitue actuellement une arme – chars, avions de chasse, sous-marins – ait sa version autonome", ajoute-t-il.

Google et six autres entreprises figurent quand à elles dans la catégorie "bonne pratique". L’année dernière, Google a renoncé à candidater pour le contrat du Pentagone sur le "cloud", car il pourrait être en contradiction avec ses "principes" en matière d’intelligence artificielle. Le géant californien avait expliqué ne pas vouloir s’impliquer dans des "technologies qui sont ou pourraient être nocives" et "des armes ou d’autres technologies dont le but principal ou la mise en oeuvre causeraient ou faciliteraient l’atteinte physique aux personnes".

Comment encadrer ces armes ?

Mardi, aux Nations unies à Genève, un panel d’experts gouvernementaux a débattu des options politiques pour encadrer les armes autonomes, même s’il s’est avéré jusqu’ici très difficile de parvenir à un consensus autour de cette question.

Selon le rapport de l’ONG PAX, des employés de Microsoft ont également signalé leur opposition à un contrat avec l’armée américaine concernant des lunettes de réalité augmentée HoloLens destinées à l’entraînement et au combat. Beaucoup d’inquiétudes entourent également le futur de l’armement autonome, des armes qui n’ont pas encore été inventées mais sont présentées dans certains films de science-fiction, comme les mini-drones.

"Avec ce genre d’armes, vous pourriez en envoyer un million dans un container ou un avion-cargo et elles auraient la capacité destructrice d’une bombe nucléaire, mais laisseraient tous les immeubles intacts derrière elles", notamment grâce à la reconnaissance faciale" Stuart Russell

En avril, la Commission européenne a proposé une série de règles éthiques pour le secteur de l’intelligence artificielle. La liste de propositions fournie rappelait le besoin de placer "l’humain" au cœur des technologies liées à l’IA et la nécessité de favoriser la "non-discrimination", ainsi que le "bien-être de la société et l’environnement". Pour Stuart Russell, le prochaine étape est une interdiction internationale des intelligences artificielles tueuses. "Les machines qui peuvent décider de tuer des humains ne doivent pas être développées, déployées ou utilisées", résume-t-il.

 

 

 

 

 

Tous surveillés : 7 milliards de suspects, documentaire de Sylvain Louvet (2019)

 

 

 

De la Chine aux États-Unis, de Tel-Aviv à Washington en passant par Londres, Paris et San-Francisco cette investigation internationale montre pour la première fois comment sous couvert de lutte contre le terrorisme ou la criminalité, les grandes puissances se sont lancées dans une dangereuse course aux technologies de surveillance. Caméras à reconnaissance faciale, détecteurs à émotions, système de notation des citoyens, drones tueurs autonomes…Cette enquête nous entraine dans les rouages de cette machine de surveillance mondiale et donne la parole aux premières victimes de ce flicage hors norme. Une obsession sécuritaire qui dans certains pays, est en train de donner naissance à une nouvelle forme de régime : le totalitarisme numérique. Le cauchemar d’Orwell.

Visible jusqu'au 19 juin sur ARTE +7

 

 

 

25/04/2020

Contre  la 5G  :  la  PAC  -  Pétition Action Collective

Nouvel outil collectif, la PAC vise l’efficacité pour résoudre un litige. Dès 10.000 signatures, les adversaires sont informés des reproches qui leur sont faits.
Faute de solution sous 30 jours, une action en justice est ouverte à ceux qui le souhaitent.

La signature de la PAC est gratuite, une contribution n’est à prévoir que si vous allez au-delà. Les reproches étant vérifiés par nos avocats, les adversaires savent ce qu’ils risquent : un procès sérieux s’ils ne trouvent pas de solution.

 

NOUS, citoyens conscients et informés – exposés à d'innombrables radiofréquences et technologies espionnes – entendons rappeler quelques principes simples et incontestables, destinés à promouvoir l’intérêt de tous plutôt que la spéculation de quelques-uns :

  • Le respect de la santé ainsi que le principe de précaution ont valeur légale et constitutionnelle ;
  • Le droit à l'autodétermination s'oppose à la soumission d'une population à des industriels adeptes du contrôle des citoyens ;

OR, la 5G a pour conséquences :

  • D’augmenter l’exposition globale cumulée avec celle générée par les réseaux 2G/3G/4G ;
  • De transformer le réel en un « Internet des objets » gouverné par des industriels dans leur propre intérêt sans contrôle démocratique ;

DÈS LORS, il est demandé :

  • La suspension du déploiement de la 5G dans l'attente de réaliser toutes les études nécessaires ;
  • La réalisation des études sanitaires et sociétales complètes sur les conséquences de la 5G ;

SAUF véritable solution :

  • 30 jours après que la pétition ait atteint 10.000 pétitionnaires ;
  • Les pétitionnaires se réservent le droit de saisir la Justice.

 

à signer ici :

https://5g.mysmartcab.fr/?fbclid=IwAR3a5CKbUqlBRlWhi9oQmY...

 

 

 

11:38 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

Crise sanitaire : la liste des atteintes à la protection de l'environnement s'allonge

 

Hier est paru au journal officiel un décret permettant des enquêtes publiques au rabais pour autoriser plus vite des projets destructeurs. Depuis le début de la crise sanitaire, plusieurs textes étaient déjà venus malmener la démocratie et le droit de l’environnement, en complète contradiction avec le discours du gouvernement. France Nature Environnement dénonce ce piétinement de la consultation citoyenne et appelle le Gouvernement à la raison : le « monde d’après » ne peut pas se construire de cette façon.

Non, des consultations « en ligne » ne peuvent pas suffire

Pour France Nature Environnement, les procédures de participation nécessitant des réunions (enquêtes publiques notamment, avis d’instances de concertation…) ne peuvent avoir lieu dans de bonnes conditions durant le confinement. En effet, si les procédures numériques peuvent être utiles, elles ne peuvent en aucun cas se substituer aux échanges humains permettant le débat argumenté car contradictoire. Surtout elles excluent de la participation les personnes non-voyantes ou malvoyantes ou celles qui subissent la fracture numérique. La participation du public en matière d’environnement est pourtant un droit protégé par la Constitution.

Une première ordonnance au début du confinement a prévu la suspension des délais de ces procédures. Mais quelques jours et de nombreuses pressions des lobbys plus tard, de nouveaux textes ont été pris afin de raccourcir les délais de suspension et créer des dérogations…

Des projets destructeurs pourraient voir le jour

Certains entendent ainsi profiter du confinement pour faire passer en force des projets destructeurs, comme la construction d’une route dans l’Allier, projet vieux de 25 ans qui devient subitement urgent, ou encore une centrale de production d’électricité au fioul dans les mangroves de Guyane ! De même, le ministère de l’agriculture a autorisé les agriculteurs à épandre des pesticides tout près des habitations, sans attendre la concertation promise sur les « chartes riverains » qui devaient définir les conditions de dérogation aux distances légales, déjà minimalistes[1]. Dans la même veine, une autre ordonnance « d’urgence » a permis de faciliter l’implantation de nouvelles antennes relais téléphoniques, sans concertation, avec une possibilité de les pérenniser par la suite. N’en jetez plus !

Pour Emmanuel Wormser, juriste de France nature Environnement, « il est inadmissible que l'administration et certains lobbys profitent de cette période troublée durant laquelle les citoyens ne sont pas vraiment en mesure de donner leurs avis pour faire passer des projets en force. Nous demandons donc que ces dérogations soient supprimées pour que le confinement ne soit pas synonyme de régression démocratique et environnementale ; et de toute puissance de la loi du marché. »

La loi à la carte, ce sont les préfets qui cuisinent !

Ce n’est pas tout. Le 8 avril, un décret a étendu et pérennisé la faculté donnée aux préfets de déroger à certaines normes, notamment en matière de protection de l’environnement. Pour France Nature Environnement, ce nouveau pouvoir donné aux préfets est un pas de plus dans une déréglementation sournoise. La fédération a de nombreuses fois constaté que l’autorité préfectorale fait primer une appréciation laxiste et contestable de la réglementation au nom d’un développement économique à courte vue, au détriment des enjeux environnementaux et de l’intérêt général. Pour Antoine Gatet, juriste de France Nature Environnement, « la protection de l’environnement est un impératif pour notre survie, pas une variable que les préfets peuvent décider d’ignorer ! Pour être efficace, le droit de l’environnement doit être appliqué de la même façon sur tout le territoire, ça ne peut pas être ‘à la carte’. »

Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement, conclut : « Les citoyens soumis en ce moment à de fortes contraintes ne peuvent accepter qu’on profite de la crise sanitaire pour faire primer des intérêts économiques sur la protection de leur environnement, sans même leur laisser la possibilité de s’exprimer. Si la démocratie et le droit de l’environnement sont ainsi mis à mal pendant le confinement, c’est de mauvaise augure pour les promesses du Gouvernement sur le « monde d’après » et cela interroge sur sa capacité à changer de logiciel ! Est-il réellement capable de ‘bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience’, comme l’avait appelé Emmanuel Macron le 13 mars, pour les citoyens et la défense des biens communs, plutôt que pour les lobbys ? »

Télécharger le communiqué en PDF
 
Par FNE
Le jeudi 23 avril 2020

19/04/2020

Edgar Morin: «Nous devons vivre avec l'incertitude»

 

06.04.2020, par

Le philosophe Edgar Morin. « Je ne dis pas que j’avais prévu l’épidémie actuelle, mais je dis par exemple depuis plusieurs années qu’avec la dégradation de notre biosphère, nous devons nous préparer à des catastrophes. »
Confiné dans sa maison à Montpellier, le philosophe Edgar Morin reste fidèle à sa vision globale de la société. La crise épidémique, nous dit-il, doit nous apprendre à mieux comprendre la science et à vivre avec l’incertitude. Et à retrouver une forme d’humanisme.

La pandémie du coronavirus a remis brutalement la science au centre de la société. Celle-ci va-t-elle en sortir transformée ?
Edgar Morin : Ce qui me frappe, c’est qu’une grande partie du public considérait la science comme le répertoire des vérités absolues, des affirmations irréfutables. Et tout le monde était rassuré de voir que le président s’était entouré d’un conseil scientifique. Mais que s’est-il passé ? Très rapidement, on s’est rendu compte que ces scientifiques défendaient des points de vue très différents parfois contradictoires, que ce soit sur les mesures à prendre, les nouveaux remèdes éventuels pour répondre à l’urgence, la validité de tel ou tel médicament, la durée des essais cliniques à engager… Toutes ces controverses introduisent le doute dans l’esprit des citoyens.
 
Vous voulez dire que le public risque de perdre confiance en la science ?
E.M. : Non, s’il comprend que les sciences vivent et progressent par la controverse. Les débats autour de la chloroquine, par exemple, ont permis de poser la question de l’alternative entre urgence ou prudence. Le monde scientifique avait déjà connu de fortes controverses au moment de l’apparition du sida, dans les années 1980. Or, ce que nous ont montré les philosophes des sciences, c’est précisément que les controverses font partie inhérente de la recherche. Celle-ci en a même besoin pour progresser.

Malheureusement, très peu de scientifiques ont lu Karl Popper, qui a établi qu’une théorie scientifique n’est telle que si elle est réfutable, Gaston Bachelard, qui a posé le problème de la complexité de la connaissance, ou encore Thomas Kuhn, qui a bien montré comment l’histoire des sciences est un processus discontinu. Trop de scientifiques ignorent l’apport de ces grands épistémologues et travaillent encore dans une optique dogmatique.

Recherches sur le covid-19 à l'Institut Pasteur de Lille. Les récentes controverses scientifiques ont-elles ébranlé la confiance des citoyens dans la science ?

 

La crise actuelle sera-t-elle de nature à modifier cette vision de la science ?
E.M. : Je ne peux pas le prédire, mais j’espère qu’elle va servir à révéler combien la science est une chose plus complexe qu’on veut bien le croire – qu’on se place d’ailleurs du côté de ceux qui l’envisagent comme un catalogue de dogmes, ou de ceux qui ne voient les scientifiques que comme autant de Diafoirus (charlatan dans la pièce Le Malade imaginaire de Molière, Ndlr) sans cesse en train de se contredire…

J'espère que cette crise va servir à révéler combien la science est une chose plus complexe qu’on veut le croire. C'est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées.

La science est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées, bien que ses modes de vérification soient plus rigoureux. Malgré cela, les grandes théories admises tendent à se dogmatiser, et les grands innovateurs ont toujours eu du mal à faire reconnaitre leurs découvertes. L’épisode que nous vivons aujourd'hui peut donc être le bon moment pour faire prendre conscience, aux citoyens comme aux chercheurs eux-mêmes, de la nécessité de comprendre que les théories scientifiques ne sont pas absolues, comme les dogmes des religions, mais biodégradables...

La catastrophe sanitaire, ou la situation inédite de confinement que nous vivons actuellement : qu’est-ce qui est, selon vous, le plus marquant ?
E.M. : Il n’y a pas lieu d’établir une hiérarchie entre ces deux situations, puisque leur enchaînement a été chronologique et débouche sur une crise qu’on peut dire de civilisation, car elle nous oblige à changer nos comportements et change nos existences, au niveau local comme au niveau planétaire. Tout cela est un ensemble complexe. Si on veut l’envisager d’un point de vue philosophique, il faut tenter de faire la connexion entre toutes ces crises et réfléchir avant tout sur l’incertitude, qui en est la principale caractéristique. 

Ce qui est très intéressant, dans la crise du coronavirus, c’est qu’on n’a encore aucune certitude sur l’origine même de ce virus, ni sur ses différentes formes, les populations auxquelles il s’attaque, ses degrés de nocivité… Mais nous traversons également une grande incertitude sur toutes les conséquences de l’épidémie dans tous les domaines, sociaux, économiques...
 
Mais en quoi ces incertitudes forment-elles, selon vous, le lien entre ces toutes ces crises ?
E.M. : Parce que nous devons apprendre à les accepter et à vivre avec elles, alors que notre civilisation nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur, souvent illusoires, parfois frivoles, quand on nous a décrit avec précision ce qui va nous arriver en 2025 ! L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. Toutes les assurances sociales auxquelles vous pouvez souscrire ne seront jamais capables de vous garantir que vous ne tomberez pas malade ou que vous serez heureux en ménage ! Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…  
 
C’est votre propre règle de vie ?
E.M. : C’est plutôt le résultat de mon expérience. J’ai assisté à tant d’événements imprévus dans ma vie – de la résistance soviétique dans les années 1930 à la chute de l’URSS, pour ne parler que de deux faits historiques improbables avant leur venue – que cela fait partie de ma façon d’être. Je ne vis pas dans l’angoisse permanente, mais je m’attends à ce que surgissent des événements plus ou moins catastrophiques. Je ne dis pas que j’avais prévu l’épidémie actuelle, mais je dis par exemple depuis plusieurs années qu’avec la dégradation de notre biosphère, nous devons nous préparer à des catastrophes. Oui, cela fait partie de ma philosophie : « Attends-toi à l’inattendu. »
 

Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…

En outre, je me préoccupe du sort du monde après avoir compris, en lisant Heidegger en 1960, que nous vivons dans l’ère planétaire, puis en 2000 que la globalisation est un processus pouvant provoquer autant de nuisances que de bienfaits. J’observe aussi que le déchaînement incontrôlé du développement techno-économique, animé par une soif illimitée de profit et favorisé par une politique néolibérale généralisée, est devenu nocif et provoque des crises de toutes sortes… À partir de ce moment-là, je suis intellectuellement préparé à faire face à l’inattendu, à affronter les bouleversements.

 

Le philosophe Edgar Morin dans sa maison de Montpellier, en novembre 2018.

 

Pour s’en tenir à la France, comment jugez-vous la gestion de l’épidémie par les pouvoirs publics ?
E.M. : Je regrette que certains besoins aient été niés, comme celui du port du masque, uniquement pour… masquer le fait qu’il n’y en avait pas ! On a dit aussi : les tests ne servent à rien, uniquement pour camoufler le fait qu’on n’en avait pas non plus. Il serait humain de reconnaître que des erreurs ont été commises et qu’on va les corriger. La responsabilité passe par la reconnaissance de ses erreurs. Cela dit, j’ai observé que, dès son premier discours de crise, le président Macron n’a pas parlé que des entreprises, il a parlé des salariés et des travailleurs. C’est un premier changement ! Espérons qu’il finisse par se libérer du monde financier : il a même évoqué la possibilité de changer le modèle de développement…
 
Allons-nous alors vers un changement économique ?
E.M. Notre système fondé sur la compétitivité et la rentabilité a souvent de graves conséquences sur les conditions de travail. La pratique massive du télétravail qu’entraîne le confinement peut contribuer à changer le fonctionnement des entreprises encore trop hiérarchiques ou autoritaires. La crise actuelle peut accélérer aussi le retour à la production locale et l’abandon de toute cette industrie du jetable, en redonnant du même coup du travail aux artisans et au commerce de proximité. Dans cette période où les syndicats sont très affaiblis, ce sont toutes ces actions collectives qui peuvent peser pour améliorer les conditions de travail.
 
Sommes-nous en train de vivre un changement politique, où les rapports entre l’individu et le collectif se transforment ?
E.M. : L’intérêt individuel dominait tout, et voilà que les solidarités se réveillent. Regardez le monde hospitalier : ce secteur était dans un état de dissensions et de mécontentements profonds, mais, devant l’afflux de malades, il fait preuve d’une solidarité extraordinaire. Même confinée, la population l’a bien compris en applaudissant, le soir, tous ces gens qui se dévouent et travaillent pour elle. C’est incontestablement un moment de progrès, en tout cas au niveau national.

Je ne dis pas que la sagesse, c’est de rester toute sa vie dans sa chambre, mais ne serait-ce que sur notre mode de consommation ou d’alimentation, ce confinement est peut-être le moment de se défaire de toute cette culture industrielle dont on connaît les vices.

Malheureusement, on ne peut pas parler d’un réveil de la solidarité humaine ou planétaire. Pourtant nous étions déjà, êtres humains de tous les pays, confrontés aux mêmes problèmes face à la dégradation de l’environnement ou au cynisme économique. Alors qu’aujourd'hui, du Nigeria à Nouvelle-Zélande, nous nous retrouvons tous confinés, nous devrions prendre conscience que nos destins sont liés, que nous le voulions ou non. Ce serait le moment de rafraîchir notre humanisme, car tant que nous ne verrons pas l’humanité comme une communauté de destin, nous ne pourrons pas pousser les gouvernements à agir dans un sens novateur.

Que peut nous apprendre le philosophe que vous êtes pour passer ces longues périodes de confinement ?
E.M. : C’est vrai que pour beaucoup d’entre nous qui vivons une grande partie de notre vie hors de chez nous, ce brusque confinement peut représenter une gêne terrible. Je pense que ça peut être l’occasion de réfléchir, de se demander ce qui, dans notre vie, relève du frivole ou de l’inutile. Je ne dis pas que la sagesse, c’est de rester toute sa vie dans sa chambre, mais ne serait-ce que sur notre mode de consommation ou d’alimentation, c’est peut-être le moment de se défaire de toute cette culture industrielle dont on connaît les vices, le moment de s’en désintoxiquer. C’est aussi l’occasion de prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie. ♦

 

Source : 

https://lejournal.cnrs.fr/articles/edgar-morin-nous-devon...

 

 

 

 

17/04/2020

Jean Ziegler : Pourquoi il faut détruire le capitalisme ?

 

 

 

 

Pensées pour Luis Sepúlveda

 

 

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Un auteur qui m'est très cher s'est envolé, bon voyage Monsieur Sepúlveda, votre plume et votre belle âme va nous manquer !

 

Vous trouverez sur ce blog cinq notes de lectures, dont trois pour la jeunesse, consacrées à cet écrivain

 

 

 

05/04/2020

Carlos Latuff - Rio de Janeiro - 2019

 

 

Carlos Latuff_o.jpg

 

de très sinistre actualité...