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17/04/2020

Jean Ziegler : Pourquoi il faut détruire le capitalisme ?

 

 

 

 

03/01/2020

The turning point par Steve Cutts

 

 

 

 

 

21/10/2019

La démocratie des modestes contre la République des immodestes

 

Par ALBIN WAGENER - article du 14 janvier 2019

 

Face à l’une des crises politiques les plus importantes de son histoire récente, la France doit choisir un modèle politique basé sur une démocratie réinventée, loin d’un logiciel dépassé et boursouflé par un système inégalitaire. La population n'en veut plus et veut renouer avec la politique – la vraie, pas celle des petites phrases ou de la langue de bois convenue qui cache mal l'injustice.

 

La République française va mal, non pas parce qu’elle soit fondamentalement mauvaise dans son ambition séculaire et ses envolées humanistes historiques, mais parce qu’elle a été dévoyée, petit à petit, par la création et la structuration d’élites – à savoir, pour le définir, des individus qui ont les moyens de pouvoir exercer la circulation de l’information et l’exercice du pouvoir. Ce pouvoir ne s’est pas structuré de manière nécessairement consciente : il ne faut y voir ni machiavélisme, ni complotisme. Simplement, sociologiquement, il est tout à fait usuel que ceux qui exercent une forme de pouvoir et récoltent les fruits d’un système souhaitent conserver le premier et les seconds, et mettent en place des stratégies pour ce faire. Il s’agit là d’une déviance humaine qui s’observe dans plusieurs domaines.

Mais ce qu’inspirent les faits de ces dernières semaines, et particulièrement de ce mois de janvier 2019, plongent les citoyens dans la sidération. Une sidération devant les mots totalement inconsidérés d’un Emmanuel Macron aux abois sur le « sens de l’effort ». Une sidération devant un Christophe Castaner qui assimile désormais tout à fait officiellement manifestants lambda et casseurs. Une sidération, encore, devant une Marlène Schiappa qui n’hésite plus à prendre quelques libertés avec le droit le plus élémentaire lorsqu’il s’agit de juger les récoltes de dons pour les frais de justice d’un prévenu, avant sa condamnation – je ne vais pas réexpliquer ici ce que plusieurs juristes ont déjà brillamment commenté par ailleurs.

Puisque désormais, la guerre du pouvoir se fait à grands coups de cagnottes Leetchi et de Facebook live, comme pour tenter de courir désespérément avec les moyens numériques d’interaction utilisés par les gilets jaunes, il convient de se pencher sur quelques chiffres fondamentaux. D’abord, l’ampleur : le nombre de policiers et gendarmes déployés, le nombre de gilets jaunes interpellés, le nombre de mois de prison qui commencent à tomber de manière relativement ahurissante, le nombre de blessés par tir de flashball à la tête ou grenade de désencerclement. On pourrait continuer, mais toutes ces données nous indiquent que nous avons affaire à quelque chose d’inédit depuis longtemps : il ne s’agit pas simplement d’un mouvement populaire, mais aussi des réflexes sécuritaires et « borderline » d’un pouvoir qui se protège.

Et c’est d’abord un pouvoir qui se protège contre sa population, contre ses citoyens – j’allais dire : contre ses électeurs. Barricadé dans les institutions, criant à l’agression de la « maison France », amalgamant ministres et institutions de la République, ce pouvoir, dans un dernier sursaut, manie avec véhémence ses mots creux en tentant vainement d’agiter les symboles dont il pense être les gardiens. Mais les élites au pouvoir ne sont pas les gardiennes de nos institutions : elles en sont les locataires temporaires, ce qui est très différent. Benjamin Griveaux, par exemple, n’a jamais été et ne sera jamais un gardien des institutions, et son ministère ne sera jamais la maison France, comme l’a par ailleurs déjà souligné Frédéric Lordon.

Car le voici, le vrai problème : les dépositaires actuels des mandats que nous leur avons confiés, tout simplement, souhaitent rester là où ils sont, jusqu’au bout. Pourquoi ? Parce que notre système de démocratie représentative, en tout cas le système que nous avons mis en place dans ce pays, est basé non pas sur la participation du peuple aux délibérations, mais une confiscation du pouvoir. Pour faire court : le peuple est appelé, tous les cinq à six ans par exemple, à choisir des élus qui vont le représenter. Ces élections, ce sont les seuls moments de respiration démocratique. Entre les élections, les mandats sont des longues phases de confiscation du pouvoir. Pendant ces phases, les élus peuvent littéralement prendre les décisions qu’ils veulent, sans jamais avoir de compte à rendre devant les électeurs – si ce n’est en imaginant, un an avant la prochaine échéance, comment trouver la bonne communication pour valoriser leur bilan et envisager une ré-élection, pour une nouvelle confiscation de la démocratie.

Ainsi avance donc notre République. Elle n’est pas une démocratie pleine et entière, au sens où le peuple serait invité à participer à sa vie même ; elle est un état de fait politique ponctué de respirations démocratiques, au cours desquelles notre droit est de choisir ceux qui vont parler et agir à notre place. En quelque sorte, nous nous achetons la quiétude et la tranquillité : nous n’avons pas à nous occuper de politique, puisque d’autres le font pour nous – fort mal pour certains, en ne prenant pas les décisions politiques élémentaires qui sont urgentes pour la planète, pour la répartition des richesses ou pour la dynamisation de notre économie, mais trop tard : ils s’en occupent.

Mais voilà, les citoyens ont maintenant envie de politique. Ils s’en réapproprient d’ailleurs matériellement les symboles ou les émanations : car n’importe quel chercheur en sociologie ou en sémiotique le dira, tagger un arc de triomphe ou défoncer la porte d’un ministère au transpalette, c’est d’abord et avant tout, symboliquement, une forme de réappropriation des lieux symboliques de la République. Mais en face de la Démocratie des Modestes, en face de ceux qui souhaitent simplement reprendre leur destin en main sans avoir à passer maintenant par des grandes sessions de confiscation périodique du pouvoir, il y a la République des Immodestes. Et chez les modestes, je compte d’ailleurs aussi les petits élus locaux trop peu rémunérés pour le travail qu’ils font (notamment les maires des petites communes rurales), ou encore les journalistes pigistes payés au lance-pierre qui se retrouvent obligés de travailler chez BFM TV pour pouvoir simplement vivre.

J’utilise cette terminologie à dessein : car j’entends à la fois une immodestie de rémunération - là où les modestes ne peuvent décemment pas en dire autant, eux qui se demandent pourquoi leur pouvoir d’achat n’augmente pas, et pourquoi leur fiscalité toujours plus lourde sert à financer des services publics qui disparaissent, s’appauvrissent ou croulent sous le manque de moyen. Mais les immodestes ne s’arrêtent pas là : comme certains d’entre eux tiennent ou trustent les plateaux de télévision, ils expliquent aux modestes ce qu’ils doivent penser, quelles images ils doivent retenir, et quelles interprétations ils doivent faire de la réalité. Une interprétation qui leur permet à eux, les immodestes, de pouvoir très simplement poursuivre leur vie. Ainsi, éditorialistes au verbe creux, femmes et hommes politiques qui se gargarisent de symbolisme républicain sali et volé, ou encore analystes économiques en pleine fièvre néolibérale dépassée s’imaginent en tenant de la vérité et de l’ordre juste.

Beaucoup de choses ont été écrites sur le concept de violence ou sa perception. C’est heureux, car cela permet de redécouvrir de nombreux auteurs sur la question, mais cela permet également de voir à quel point le gouvernement que nous avons aujourd’hui, et qui pense représenter l’Etat et la République, est prompt à utiliser violence, surenchère et fermeté – tout en faisant semblant d’écouter les citoyens à travers l’organisation d’un débat qui n’aurait jamais vu le jour sans les gilets jaunes (c’est dire le cynisme), et en sélectionnant les sujets en fonction de l’attachement du Président ou non à telle ou telle marotte (l’ISF, pour ne citer que ce sujet).

Mais les signes du changement sont là, puisqu’il n’est pas plus fébrile et incertain qu’une petite élite politique qui se sent obligée de jouer du bruit des bottes pour conserver son rôle totalement usurpé de « défenseur de la République ». Comme si les citoyens et électeurs qui défilent chaque samedi étaient des terroristes qui menacent l’ordre public, tout simplement parce qu’ils souhaitent qu’on les entende, eux et eux seuls, sans devoir passer par des formations syndicales ou des élections intermédiaires. Parce que la parole d’un citoyen n’a pas moins de valeur si son expression n’est pas encadrée par une manifestation déclarée ou non relayée par une corporation comme la CGT.

Source : https://blogs.mediapart.fr/albin-wagener/blog/140119/la-democratie-des-modestes-contre-la-republique-des-immodestes?fbclid=IwAR09habl9i-YwN9eWyvUMIqgNK_Db4JcBKCrLw10dFfL3uPWJ8aigi9nS4k

 

 

 

 

 

 

18/09/2019

La « ville sûre » ou la gouvernance par les algorithmes

Source :

https://www.monde-diplomatique.fr/2019/06/TREGUER/59986

 

 

« Résister à la mise sous surveillance totale de nos villes et de nos vies » : c’est l’ambition de la plate-forme Technopolice, lancée par plusieurs associations de défense des droits humains afin de documenter les projets de villes dites « intelligentes ». Pour mieux s’y opposer collectivement. En juin dernier, Félix Tréguer, membre de La Quadrature du Net, décrivait quelques-unes de ces « villes sûres », pointant la « privatisation sans précédent des politiques de sécurité » qu’elles favorisent, et fustigeant le « laisser-faire indolent » de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Surveiller, analyser, prédire, contrôler

La « ville sûre » ou la gouvernance par les algorithmes

Les outils policiers fondés sur le big data et l’intelligence artificielle se déploient dans de nombreuses villes françaises. À travers des expérimentations pilotées par des groupes privés qui cherchent à se hisser au niveau de la concurrence américaine ou chinoise, la « ville intelligente » révèle son vrai visage : celui d’une cité sous surveillance.

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Nathan Lerner. — « Eye on Window » (L’œil à la fenêtre), 1943
© Kiyoko Lerner - ADAGP, Paris, 2019 - Centre Pompidou - RMN-Grand Palais

En ce 28 décembre 1948, dans Le Monde, le logicien Dominique Dubarle publie l’un des tout premiers articles consacrés aux nouveaux calculateurs mis au point aux États-Unis durant la seconde guerre mondiale. D’emblée, il tente d’anticiper les effets politiques de ce qu’on appellera bientôt l’informatique. La cybernétique balbutie, et le capitalisme de surveillance n’est pas encore d’actualité (1), mais il comprend déjà que, à terme, cette technologie est appelée à muter en une « machine à gouverner » : « Ne pourrait-on imaginer, écrit-il, une machine à collecter tel ou tel type d’informations, les informations sur la production et le marché, par exemple, puis à déterminer, en fonction de la psychologie moyenne des hommes et des mesures qu’il est possible de prendre à un instant déterminé, quelles seront les évolutions les plus probables de la situation ? » Dubarle prédit que, au gré de l’accroissement des capacités de stockage et de traitement des données, l’informatique conduira au « surgissement d’un prodigieux Léviathan politique ».

Soixante-dix ans plus tard, les projets de « ville intelligente » (smart city) essaiment dans le monde. Après les États-Unis, la Chine, les pays du Golfe ou le Royaume-Uni, c’est en France que de grands groupes industriels se positionnent sur ces marchés en s’alliant à des élus locaux adeptes du solutionnisme technologique (2). Comme en écho aux prédictions de Dubarle, ils entendent faire proliférer les outils informatiques dans l’espace public urbain pour surveiller, analyser, prédire et contrôler les flux de personnes et de marchandises. Le gouvernement des villes passe ainsi à l’ère de la gouvernance algorithmique. Et, en dehors de quelques initiatives en matière de mise à disposition des données, de gestion « intelligente » de l’éclairage public ou des bennes à ordures, la « ville intelligente » se définit surtout par son volet sécuritaire. À tel point que les industriels parlent désormais de « ville sûre » (safe city).

Les documents administratifs liés à ces projets témoignent de la porosité entre la gouvernance urbaine et les doctrines issues du monde militaire. Ainsi, la convention d’expérimentation conclue en juin 2018 entre la mairie de Nice et un consortium de quinze entreprises dirigé par Thales part du constat d’une « urbanisation galopante à la surface du monde ». Évoquant des « menaces de plus en plus importantes », elle met sur le même plan les « risques naturels », qui peuvent être liés au dérèglement climatique, et les « risques d’origine humaine » (criminalité, terrorisme, etc.). Pas question de s’interroger sur les ressorts économiques, sociaux, politiques de ces phénomènes, et encore moins d’agir sur eux. Il importe avant tout d’« évaluer chaque situation pour pouvoir anticiper les incidents et les crises », d’identifier les « signaux faibles »afin de fournir une « aide à la planification », de proposer des « prédictions sur base de scénarios », le tout dans le cadre d’une « gestion en temps réel » à travers l’exploitation du « maximum de données existantes » au sein d’un « centre d’hypervision et de commandement » (3).

Les « risques » sont ainsi réduits à un état de fait dont la puissance publique se contente de gouverner les effets. Chez les concepteurs de la « ville sûre », la police recouvre sa vieille fonction théorisée au XVIIIe siècle : produire un savoir sur la population, orienter sa conduite en agissant sur les variables qui la déterminent, assurer sa docilité et sa productivité. La nouveauté tient à l’abandon de l’horizon décidément trop fuyant de l’« ordre public ». On se contente désormais de gérer le désordre. Grâce à la surenchère technologique, les technocrates croient pouvoir repérer dans la nuée du chaos certaines caractéristiques ou régularités statistiques à partir desquelles on pourra catégoriser, trier, corréler et, in fine, anticiper, prévenir, préempter, ajuster — mais aussi, quand cela sera nécessaire, cibler et réprimer.

Pour ce faire, la « ville sûre » s’appuie sur deux grandes innovations technologiques. D’abord, la possibilité de réunir et d’analyser divers jeux de données, comme les fichiers de police, les informations personnelles glanées en ligne — et en particulier sur les réseaux sociaux —, etc., afin de produire des statistiques et de l’aide à la décision dans une logique de police prédictive. Les outils de surveillance expérimentés depuis dix ans par les grandes agences de renseignement se généralisent à l’ensemble des activités policières...

À Marseille, le projet d’observatoire big data de la tranquillité publique, confié depuis novembre 2017 à l’entreprise Engie Ineo, vise à intégrer des sources issues des services publics municipaux (police, régie de transport, hôpitaux, etc.), mais aussi des « partenaires externes », tels que le ministère de l’intérieur, qui centralise de nombreux fichiers et données statistiques, ou les opérateurs télécoms, dont les données relatives à la localisation des téléphones portables permettent de cartographier en temps réel les « flux de population ».

Détection des expressions faciales

Par ailleurs, les citoyens seront appelés à contribuer en fournissant directement des informations (textos, vidéos, photographies, vitesse de déplacement, niveau de stress…) à travers « une application sur smartphone ou des objets connectés ». La surveillance des conversations sur les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook est aussi de mise, que ce soit pour « récupérer les publications dont les thèmes ont un intérêt pour la sécurité de la ville », pour « anticiper la menace » et évaluer le « risque de rassemblements dangereux par analyse des tweets », ou encore pour procéder à « l’identification des acteurs » en repérant « qui parle, qui agit, qui interagit avec qui » (4). Pour héberger et traiter ces immenses volumes de données, la ville de Marseille a acquis plusieurs serveurs auprès de l’entreprise Oracle. Elle dispose désormais d’un espace de stockage de six cents téraoctets, soit une capacité équivalant à celle de la Bibliothèque nationale de France pour sa politique d’archivage d’Internet.

Second soubassement technique de la « ville sûre » : l’analyse automatique des flux de vidéosurveillance. Alors que l’État et les collectivités françaises ont investi des centaines de millions d’euros dans l’achat de caméras depuis 2007, et ce pour des résultats dérisoires (5), l’automatisation promet monts et merveilles — et, cerise sur le gâteau, sans embauche de fonctionnaires employés au visionnage. Des projets de vidéosurveillance dite « intelligente » se mettent en place à Toulouse, Nice, Marseille, Valenciennes, Paris, ou encore dans les départements du Gard et des Yvelines.

Le maire de Nice, M. Christian Estrosi, compte parmi les responsables politiques les plus enthousiastes quant au potentiel de ces technologies. En décembre 2018, il faisait adopter par le conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) une délibération autorisant l’expérimentation de portiques de reconnaissance faciale dans deux lycées afin de surveiller les entrées et sorties, en collaboration avec l’entreprise américaine Cisco. Le dernier carnaval de la ville a d’ailleurs servi de laboratoire pour l’expérimentation de dispositifs similaires.

Nice fait également partie de ces municipalités françaises qui entendent coupler la vidéosurveillance à des algorithmes de reconnaissance des émotions. Les édiles ont approché la start-up Two-i pour déployer sa solution dans les tramways de la ville. À Nancy et à Metz, Two-i travaille avec un bailleur social pour évaluer le ressenti des habitants. À Irigny, près de Lyon, la gendarmerie a préféré un concurrent, l’entreprise DC Communication, pour analyser l’« état d’esprit » du public accueilli dans ses locaux. Ces outils issus du « neuromarketing » détectent les expressions faciales associées à la joie, à la tristesse, à la peur ou encore au mépris. « L’algorithme va ensuite tourner pour mesurer ces émotions et faire ressortir la plus présente », explique M. Rémy Millescamps, fondateur de DC Communication et gendarme réserviste.

Si les usages potentiels de la vidéosurveillance « intelligente » ne manquent pas, l’identification automatique d’individus ou de comportements suspects fait figure de priorité. En juin 2018, dans un discours consacré aux doctrines de maintien de l’ordre, l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb annonçait des outils d’intelligence artificielle bientôt capables de « repérer dans la foule des individus au comportement bizarre ». Une perspective à nouveau évoquée au Parlement français cet hiver, à l’occasion du débat sur la loi antimanifestation adoptée par le gouvernement en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». À travers des amendements finalement rejetés, des députés Les Républicains ont tenté de légaliser le couplage des images de vidéosurveillance avec divers fichiers afin d’automatiser « l’identification des individus dangereux au sein d’une manifestation ». Outre le cas des militants politiques jugés dangereux ou des personnes suspectées d’activités terroristes, la multiplication des fichiers biométriques — notamment ceux liés à l’immigration, ou le fichier des titres électroniques sécurisés (TES), qui, depuis 2016, agrège les données de tous les demandeurs de carte d’identité et de passeport — rend possible une extension rapide de la reconnaissance faciale à des catégories toujours plus larges (6).

Avec le Royaume-Uni, la France fait aujourd’hui figure de leader européen dans l’utilisation de ces technologies de contrôle social. Alors que, en 2016, ses services de renseignement avaient dû acheter les outils d’analyse de données à l’entreprise américaine Palantir, l’émergence de champions nationaux en matière de big data sécuritaire apparaît désormais comme une priorité. Les projets de « ville sûre » permettent aux sociétés de services aux collectivités, à l’instar d’Engie Ineo, ou de la défense-sécurité, comme Thales, de se positionner sur ces nouveaux marchés face à la concurrence américaine ou chinoise, avec les encouragements de l’État, qui demeure le premier actionnaire de chacun de ces deux grands groupes (23,6 % et 25,8 % des parts respectivement, et plus d’un tiers des droits de vote dans les deux cas).

Outre les collectivités commanditaires, de nombreux organismes publics participent à ces évolutions. De ce point de vue, le projet de « ville sûre » mené par Thales à Nice est emblématique. Conçu pour suivre les axes thématiques identifiés par le Comité de la filière industrielle de sécurité — qui assure l’interface entre gouvernement et secteur privé —, il bénéficie d’un label délivré par ce même organisme. Au titre du Programme d’investissements d’avenir, la Banque publique d’investissement (Bpifrance) lui a versé une aide de 11 millions d’euros sous forme de subventions et d’avances récupérables, pour un coût total du projet de 25 millions en trois ans. Enfin, plusieurs des technologies proposées ont été mises au point grâce à des projets de recherche associant des acteurs industriels et des organismes publics, comme l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), à travers des financements de l’Agence nationale de la recherche ou de la Commission européenne.

Sur le terrain aussi, la « ville sûre » engage une privatisation sans précédent des politiques de sécurité. L’expertise technique est tout entière confiée aux acteurs privés, tandis que les paramètres qui président à leurs algorithmes resteront selon toute vraisemblance soumis au secret des affaires. Sur le plan juridique, il n’existe à ce jour aucune analyse sérieuse de la conformité de ces dispositifs avec le droit au respect de la vie privée ou avec la liberté d’expression et de conscience, pourtant directement mis en cause. Pour l’heure, seuls les juristes des entreprises concernées veillent, sans zèle excessif, au respect de la législation en vigueur, révisée en 2018 mais déjà dépassée. Les effets politiques de tels déploiements s’annoncent significatifs : surenchère dans le traitement policier de certains quartiers, aggravation des discriminations que subissent déjà certaines catégories de personnes, répression des mouvements sociaux. Ils ne sont, bien entendu, jamais évoqués par les promoteurs.

Quant à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), elle s’en tient à un laisser-faire indolent. Abritée derrière son manque de moyens et derrière le fait que le règlement européen sur la protection des données personnelles lui a ôté son pouvoir d’autorisation a priori, elle appelle à un « débat démocratique » afin que « soient définis les encadrements appropriés » (7). Et reconnaît par là l’absence de tout cadre juridique spécifique, ce qui, en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, suffit pourtant à démontrer l’illégalité pure et simple de ces projets. Le gouvernement, qui a annoncé une révision de la loi relative au renseignement pour 2020, pourrait quant à lui profiter de ce texte pour blanchir sur le plan législatif les expérimentations en cours, et préparer la généralisation de ces dispositifs de surveillance policière. À moins que des mobilisations citoyennes ne parviennent à les tenir en échec.

Félix Tréguer

Chercheur et membre de La Quadrature du Net.

(1Lire Shoshana Zuboff, « Un capitalisme de surveillance », Le Monde diplomatique,janvier 2019.

(2Cf. Evgeny Morozov, Pour tout résoudre, cliquez ici. L’aberration du solutionnisme technologique, FYP Éditions, Limoges, 2014.

(4« Création d’un outil big data de la tranquillité publique et prestations d’accompagnement (2 lots). Cahier des clauses techniques particulières (CCTP) » (PDF), délégation générale adjointe du numérique et des systèmes d’information de la ville de Marseille.

(5Cf. Laurent Mucchielli, Vous êtes filmés ! Enquête sur le bluff de la vidéosurveillance,Armand Colin, Malakoff, 2018.

(6Lire François Pellegrini et André Vitalis, « L’ère du fichage généralisé », Le Monde diplomatique, avril 2018.

17/07/2019

Où est Steve ? (et où va la police ?) par Frédéric Lordon

 Source : https://blog.mondediplo.net/ou-est-steve-et-ou-va-la-police - 15 juillet 2019


On peine à le croire et pourtant il le faut. Dans la France de Macron, il est désormais possible d’aller à une fête et de n’en pas revenir. Dans la France de Macron, la police a tout pouvoir. Éborgner du manifestant, on savait ; jeter à la noyade du teufeur, on découvre. En réalité, avec ce pouvoir on n’arrête pas de découvrir. De découvrir vraiment, ou de voir révélé ? — des essences : ici le macronisme comme essence du pouvoir néolibéral, c’est-à-dire de l’État du capital quand le capital pousse tous les feux. Comme souvent, l’essence est indiquée par le premier mouvement, le plus chargé de vérité, ici celui du préfet : l’intervention de Nantes s’est déroulée « de manière proportionnée ». Nous voilà donc informés des proportions en vigueur sous le macronisme : une fête, un mort. La proportion, le tarif — de même que : un acte de « gilets jaunes », tant d’éborgnés.

On le sait en toute généralité : l’essence des institutions commande le mensonge. Car les institutions ne vivent plus pour ceux qu’elles sont censées servir : elles vivent pour elles-mêmes, et n’ont plus cas que d’elles-mêmes. Si la persévérance requiert de mentir, on mentira. Et comme les institutions sont des lieux de pouvoir, ça requiert beaucoup. Alors on ment beaucoup.


Lire aussi Vincent Sizaire, « Maintien de l’ordre, les faux-semblants du modèle français », Le Monde diplomatique, avril 2019.Cependant il y a tout de même des variations historiques. Lorsque la légitimité s’effondre, l’institution n’a plus que le recours de se mettre à mentir chroniquement, et puis énormément. Non seulement la fréquence, mais la taille des mensonges n’en finissent plus de croître, jusqu’au tragico-grotesque — registre caractéristique du macronisme : l’ignoble gorafisé. Par exemple, le cas de Geneviève Legay (1). Contre le procureur, qui bien sûr s’était empressé de mentir, les vidéos ont fini par faire voir la vérité. Dans les coordonnées de la langue préfectorale-policière, évidemment validée comme telle par les médias (« on ne fait que rapporter, c’est plus objectif »), tout le débat a tourné autour de la question de savoir si Geneviève Legay a, ou non, « été en contact avec la police ». Dans une langue qui n’aurait pas encore été martyrisée, « être en contact avec » signifie plutôt quelque chose comme « avoir pris langue pour se présenter ». Dans la police de Macron, les présentations se font par bouclier interposé. On se met en rapport avec le bouclier — ou avec la matraque, c’est selon (un tir de LBD, non, c’est autre chose, il reste une distance, il faut encore briser la glace).

Non seulement la fréquence, mais la taille des mensonges n’en finissent plus de croître, jusqu’au tragico-grotesque
Voilà où nous en sommes. Vienne le corps de Steve (2) à être retrouvé, on peut déjà redouter ce qui suivra de l’expertise médico-légale — qu’il était alcoolisé ou sous substance, et que telle est la raison. Comme telle avait été la raison d’Adama Traoré, dont on ne souvient plus bien d’ailleurs si elle était celle de l’infection généralisée (procureur) ou des 400 mètres courus en 20 minutes (expertise médicale d’État). Par quoi, au passage, on mesure aussi l’extension du périmètre des menteurs. Par cercles concentriques : le président « il n’y a pas de violences policières », le ministre de l’intérieur « il n’y a pas de violences policières », donc forcément à leur suite le collaborateur de TF1 « il n’y a aucun blessé grave », puis logiquement, les préfets, les procs (idéalement il faudrait écrire « procureurs » en entier car, avec « procs », une typo peut avoir des effets regrettables), l’IGPN « il n’y a pas de violences policières », et donc également la médecine légale « 400 mètres c’est tout de même un effort », et puis, dans son genre, la chefferie de l’AP-HP qui, comme à la belle époque, fiche les amochés de la police, en jurant n’avoir rien fait de tel, la preuve c’est qu’elle promet de ne pas livrer les fichiers à la police.

En bout de chaîne les médias. Cas plus retors, qui ne ressortit pas toujours au mensonge à proprement parler. Certes, on peut toujours compter sur le collaborateur de TF1 (on n’a pas souvenir que, de l’intérieur du champ journalistique, la moindre condamnation sérieuse ait été émise à l’endroit de Georges Brenier), et puis aussi sur un épisode propice qui fait revenir le naturel (« les casseurs envahissent la Pitié-Salpêtrière »). Pour le reste, s’exonérer du mensonge d’institution (du mensonge du bloc des institutions hégémoniques) ne demande que de ne pas parler. Rien dit, pas menti.

On ne peut pas dire qu’on se soit bousculé pour parler de Steve. Plus exactement, et c’est presque pire, « on en a parlé » — se récrieront les médias. Qui ont depuis longtemps appris à cultiver cet art paradoxal de parler en ne parlant pas : on « en parle », c’est-à-dire on rapporte, factuellement, alors on peut se dire à jour de tous ses devoirs « d’informer », mais dans un articulet, voire une simple dépêche bâtonnée, enfouie dans les profondeurs du journal ou du site Web, et on n’y revient pas. De sorte qu’on en a parlé sans en parler — du grand art. On écrira désormais : on en a « parlé ». Quand la presse veut parler de quelque chose, nul n’en ignore. La canicule, les pitreries one-man-show-grand-débat de Macron : on en a parlé. Le référendum Aéroports de Paris, on en a « parlé ». La mort de Steve, « parlé », pareil.

On ne peut pas dire qu’on se soit bousculé pour parler de Steve
Il arrive aussi qu’inexplicablement, après une longue catatonie, la chape se soulève. Après deux mois de déni des violences policières contre les « gilets jaunes », la presse, soudain, s’était décidée à en parler, mais sans guillemets. Réveil étrange au demeurant, essentiellement focalisé sur les LBD — aller au plus spectaculaire — pour laisser dans l’ombre la cohorte des « petites violences », celle, misérable, qui dit pourtant l’arbitraire de l’État dans l’État, et indique une tendance installée, un nouveau régime. Et puis rendormissement. Ici pareil : après trois semaines de silence, Le Monde fait un article sur Steve, mais un vrai article qui, étonnamment, dit quelque chose. Libération ne veut pas être en reste : une « couv » dès le lendemain. La pompe mimétique est amorcée : d’autres devraient suivre. Et le cycle énervé de l’imitation concurrentielle parcourue, le sentiment du devoir accompli, on passera sans doute à autre chose. On se retiendra donc de pavoiser prématurément, car parler vraiment, parler pour amener un gouvernement policier à s’expliquer, requiert plus que de parler : de faire campagne. « Allô Place Beauvau, c’est pour un signalement », ça, c’est parler. Mais après tout on ne sait pas, ça pourrait s’étendre. Les journalistes en sont venus au point d’avoir dû rédiger un « guide de survie » pour aller dans les manifs sous le macronisme. Les éditocrates et les vedettes du micro/écran ne cillent pas, mais dans les soutes, en plus de la précarisation, ça commence aussi à « détester la police ».

C’est nouveau. Quoique d’une nouveauté conforme aux enseignements d’une sociologie ordinaire : ce que vivent les autres classes, tant que vous ne l’avez pas expérimenté vous-même, rien ne rentre. Les violences policières, l’abus et l’arbitraire extrêmes, tant que c’était confiné aux quartiers des banlieues : rien. Énorme progrès avec les « gilets jaunes », s’il est cher payé (atrocement pour certains) : des couches bien plus larges de la population — y compris des journalistes ! — savent désormais ce qu’il y a lieu de penser de la police : une milice fascistoïde.

Ce que vivent les autres classes, tant que vous ne l’avez pas expérimenté vous-même, rien ne rentre
Dans un texte méconnu, de ceux qu’on dit injustement « secondaires », Bourdieu, dialoguant avec Jacques Maître (3), évoque ces transactions étranges qui se jouent entre les institutions et les individus qui les rejoignent (« qui les choisissent parce qu’elles les ont choisis » dirait-il), transactions implicites par lesquelles les individus trouvent dans l’institution une solution d’assouvissement de certaines pulsions, et les institutions un matériel pulsionnel à exploiter à leurs propres fins. En quelque sorte un échange de bons procédés entre les nécessités fonctionnelles des unes et les nécessités pulsionnelles des autres. Il n’est probablement pas d’institution qui, mieux que la police, illustre cette forme de troc inavouable, dont on trouverait sans doute la trace de bas en haut de la hiérarchie.

Žižek, pour sa part (4), ajoute que le pervers se caractérise en ceci qu’il peut donner carrière à ses pulsions les plus viles en s’exonérant de toute culpabilité du fait de s’abriter derrière quelque grande Justification, de quelque Autorité requérante : le service de Dieu, la Cause, le Devoir, l’État (protéger son autorité). En haut : dans un échantillon de veulerie journalistique difficilement surpassable, Paris Match nous informe que le préfet Lallement rejoint ses réunions « maintien de l’ordre » « en rangers et en pantalon commando » — mais hésitera peut-être à nous montrer sa pavane glaçante où il faut se retenir pour ne pas voir un sadique en liberté. En bas : la totale détente des flics qui gazent à bout portant les malheureux militants climatiques du pont de Sully, bonheur du corps parfaitement à son affaire gazeuse en main, libéré de toute réserve, jouissant d’une position de domination et d’impunité sans une ombre… jusqu’au moment gorafique où le grotesque reprend le pas sur l’ignoble, et le commandant des CRS perd connaissance sous les gaz qu’il fait lui-même asperger !

Mentir, dans ces conditions, c’est vraiment la moindre des choses. En réalité, on peut tout dire, et tout faire. On peut tuer une octogénaire d’un tir visé tendu et puis refuser de fournir les matériels qui permettraient d’établir des preuves. Non sans avoir bien sûr souillé sa mémoire en prétendant que la grenade lacrymogène n’y était pour rien. En fait on n’en finirait pas de dresser le tableau de l’ignominie policière-judiciaire-préfectorale-gouvernementale qui s’est donnée en spectacle depuis deux ans. Sans doute bien entamé à la fastueuse époque du socialisme pragmatique sous Hollande et Valls. Mais quand même avec un nombre de crans impressionnants franchis depuis lors.


Lire aussi Anna Feigenbaum, « Gaz lacrymogène, des larmes en or », Le Monde diplomatique, mai 2018.On se souvient de ce tour de l’inconscient qui avait conduit Macron à cet aveu échappé, ensuite transformé en élément de langage et retrouvé en bouillie dans la bouche de Griveaux, aveu que le mouvement des « gilets jaunes » faisait un tort considérable à « l’image de la France à l’étranger » (5). Bien sûr dans « le mouvement des “gilets Jaunes” », nous étions invités à entendre, non pas l’épisode, mais les « gilets jaunes » eux-mêmes — « une infime minorité violente » avait dit Macron. Qui pour le reste avait vu assez juste, mais pas comme il croyait. Car il est certain que l’« image de la France à l’étranger » est désormais passablement « détériorée ». L’« étranger » n’en disconvient pas d’ailleurs, il le dit même de manière de plus en plus nette. Die Welt, qui n’est pas exactement une feuille de squatteurs berlinois, titre sur la police française : « La plus brutale d’Europe ». Le moment ne devrait pas tarder où l’on lira — mais dans la presse étrangère seulement — des mises en comparaison de la pratique gouvernementale-policière française et de celle d’Erdoğan. C’est qu’à l’aveugle (sans la reconnaissance des lieux, des tenues, etc., qui identifient), on peine déjà à dire quelles images viennent d’où. Pourtant, d’ici que l’éditocratie française en vienne à lâcher sa scie du « libéralisme » de Macron et de l’« illibéralisme » de Salvini-Orbán-Erdoğan, son théâtre de Guignol préféré, son objet transitionnel, sa certitude du bon dodo, il va en falloir de l’œil crevé et de la main arrachée.

Pendant ce temps, le niveau des eaux boueuses du macronisme n’en finit pas de monter. Une mer de boue en fait, car le délire policier ne trouve ses autorisations que dans un climat d’ensemble — le macronisme, précisément. « Macronisme » est la dénomination française de ce que Tariq Ali, puis Alain Deneault, ont appelé « l’extrême centre ». Il y a quelque chose de très profond dans cette appellation, et pas seulement un effet d’oxymore, quelque chose de très profond qui dit le lieu véritable de la radicalisation dans les sociétés néolibérales. Ça n’est nullement un hasard que ce soit depuis le cœur de ces sociétés, le cœur des dominants, que soit diffusée cette catégorie de « radicalisation », comme de juste sur le mode projectif-inversé : pour en réserver l’application à tout ce qui n’est pas eux quand les véritables radicalisés, ce sont eux.

Les indices les plus accablants ne sont pas forcément les plus spectaculaires. Certes nous savons que nous sommes sous la coupe d’un pouvoir de sociopathes, qui mutile sans un mouvement de conscience, et dont il n’est pas extravagant, au point où nous en sommes, d’imaginer qu’il pourrait faire tirer sur la foule si sa protection l’exigeait. Mais les mouvements collectifs de pensée et de discours de la base des convaincus dont ce gouvernement se fait une ceinture protectrice, quoique moins directement, physiquement, destructeurs, ne sont pas moins inquiétants pour autant. Le malheureux chef des Décodeurs du Monde qui devait sans doute communier dans la représentation centrale de son journal, où la violence est réservée aux extrêmes « usuels » — l’extrême droite et « l’extrême gauche », avec l’avantage indéniable de pouvoir mettre un signe « égal » entre le RN et la France Insoumise — et qui pensait probablement, sur cette base que le macronisme avait l’évidence démocratique du barrage, a découvert à ses dépens la vérité de l’extrême centre, des armées de trolls macroniens, parfois automatisées, parfois décentralisées, d’une morgue, d’une arrogance de classe et d’une violence verbale inouïes — au point de lui faire jeter l’éponge et se retirer des réseaux sociaux. Paradoxe qui, en raccourci, dit tout de l’époque : c’est la macronie qui aura eu la peau de Samuel Laurent !


Lire aussi Constantin Brissaud, « Les extrêmes se rejoignent… », Le Monde diplomatique, avril 2019.On aurait tort de croire le phénomène strictement français : il a la même généralité que le néolibéralisme international. En mai 2018, une tribune publiée par un chercheur en sciences politiques dans un New York Times sans doute passablement déboussolé avait fait découvrir que, dans un assez large spectre de pays, les électeurs du centre étaient les plus sceptiques en les valeurs de la démocratie, et les plus enclins, s’il le fallait, à en congédier les institutions caractéristiques, notamment les élections et la presse libres, et à soutenir des régimes autoritaires, et ceci dans des proportions plus importantes que même l’extrême droite et l’extrême gauche ! Le macronisme est la parfaite émanation de cette inclination violemment antidémocratique des « démocrates », ce « centre » que la presse célèbre depuis des décennies, dont elle a épousé toutes les positions, et dont on se demande jusqu’où il faudra aller pour obtenir d’elle le premier décollement.

La « République du centre », cet éden de rationalité apaisée et de pragmatisme bien urbain, jadis célébrée par Rosanvallon, Furet et Julliardpour convaincre (avec succès) le PS d’enfin se rendre à la raison, peine, au bout de trois décennies, à masquer son vrai visage : celui d’une bourgeoisie possédante totalement dégondée. Le « centre » a la tête de malade mental de Macron, celle de voyou des plages de Castaner, et celle d’emmuré de Philippe. Il est assis sur un stock renouvelé de munitions LBD, et adossé à une police qui le tient bien plus qu’il ne la tient. Car évidemment, propre de tous les pouvoirs aux abois, le rapport de force hiérarchique interne s’est complètement renversé. Un gouvernement qui ne se maintient plus que par elle tombe nécessairement dans la main de sa police. Aux inclinations spontanées des gouvernants, s’ajoutent les coudées franches qu’une police sûre de sa position leur extorque. De là qu’« il n’y a pas de violences policières ». Où est Steve ? On ne sait pas. On s’en fout.


Frédéric Lordon
 
(1) Geneviève Legay est une militante d’Attac de 73 ans, gravement blessée pour avoir été jetée à terre par une charge de police lors de l’acte 19 des « gilets jaunes », le 23 mars à Nice.
(2) Steve Maia Caniço, un Nantais de 24 ans, disparu depuis qu’une charge de la police le soir de la fête de la musique à Nantes a poussé quatorze personnes dans la Loire.
(3) Pierre Bourdieu et Jacques Maître, « Avant-propos dialogué », in. Jacques Maître, L’Autobiographie d’un paranoïaque, Anthropos, 1994.
(4) Slavoj Žižek, Comment lire Lacan ?, Nous, 2001.
(5) CNews, 20 mars 2019.

 

 

 

 

 

15/07/2019

Thibaut Soulcié

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17/04/2019

Cathédrale

 

 

 

Une pensée pour la cathédrale

TERRE

 

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08/04/2019

Juan Branco - Interview

 

Crépuscule en pdf : http://branco.blog.lemonde.fr/files/2019/01/Macron-et-son...

 

 

 

 

 

02/03/2019

Une écologiste brésilienne a été torturée et assassinée

 

1er mars 2019 


 

Rosane Santiago Silveira, une militante des droits de l’environnement et des droits humains, a été brutalement torturée et assassinée dans la ville de Nova Viçosa (Bahia), au Brésil, le 29 janvier. Elle se battait pour endiguer l’accaparement des terres par les plantations d’eucalyptus dans la réserve extractive environnementale d’Ilha de Barra Velha, une zone protégée où les familles résidentes tirent leur subsistance de produits naturels extraits de la forêt. Ces activités aident à maintenir l’intégrité de la forêt.

Selon le fils de Mme Silveira, Tuian Santiago Cerqueira, Rosane aurait reçu de nombreuses menaces de mort : « L’impunité règne, l’État ne poursuit pas ces crimes. Nous étions avec elle à Noël et tout le monde s’est rendu compte qu’elle était inquiète, elle avait reçu trois menaces de mort ».

Mme Silveira a été retrouvée morte chez elle, les mains et les pieds attachés et blessés, un vêtement serré autour du cou et des coups de couteau à la tête.

Rosane Santiago Silveira voulait créer une association de protection de l’île de Barra Velha - la réserve environnementale extractive où elle vivait - et elle était membre du conseil de la réserve d’extractivistes de Cassurubá.

Le Brésil est l’un des pays les plus dangereux pour les activistes de l’environnement.

- Source : Elisabeth Schneiter avec Global justice ecology via Reporterre

 

 

23/01/2019

Générations sacrifiées - 27 janvier à Bruxelles et ailleurs