20/10/2006
Septembre 1997 - Direction Palerme
Je suis fatiguée, étrange fatigue qui m’ôte le sommeil. Levée avant 3 heures du matin, j’ai dormi peut-être une heure dans le bus vers 7 ou 8 heures…
Mes pensées s’emmêlent, bouillie indescriptible.
Retrouvailles avec mon homme sur la route, étranges comme d’habitude. Peut-être parce que j’essaie de donner un sens à ce qui n’en a pas, à savoir : l’amour…
Le bus est plongé dans la léthargie. Il y a de l’absurdité dans l’air, moi la première, je me sens absurde… Rideaux tirés sur le monde, pourtant dehors il fait très beau.
l
Sicile
Après Palerme, sa splendeur déchue, ses ruines intactes depuis la guerre, ses quartiers populaires et bruyants, le plaisir de jouer dans ses rues pleines de vie et de chaleur, me voici assise sur une marche de pierre, adossée à une grille ancienne, pleine de rouille. C’est l’entrée d'un hangar à bateau, vieilles pierres, voûte, pénombre et fraîcheur. Sur ma gauche, accrochés à la falaise, les vestiges d’une tour de guet, des figuiers de Barbarie, des figuiers arbres et des arbustes dont je ne connais pas le nom croulant sous des fleurs mauve éclatant. Face à moi, la grande bleue ! Eau limpide, rochers ocres. Au pied de Scopello, petit hameau juché sur un promontoire dominant la mer, à l’entrée d’une vaste réserve naturelle.
A l'horizon se dressent des montagnes, aquarelles noyées de brume.
Calme, sérénité, invitation à se laisser bercer par la douceur de vivre.
Provision d'images pour l'hiver.
Petit coin de paradis pour déposer les armes…
Et comme tout bon paradis a son serpent, je n’ai pas manqué de sursauter en croisant au bord de la route, le tentateur des lieux : diablement long et diablement noir !
Scopello
Déjà, il nous faut partir et c'est bien dommage…
Deux jours riches de baignades, galets précieux plein les poches !
Comme il serait bon de rester ici à jouer les sirènes, dormir, rêvasser, compter les geckos sur les murs, savourer les pâtes au pistou, les olives délicieuses, le poisson, les figues, toute la cuisine du soleil !
Méditerranée... Je n'oublie pas la mer qui m'a vu naître.
Il y a des lieux, des façades blanches, des murs épais, des odeurs de marée, de friture, des courants d'air à l’heure de la sieste qui me parlent de ma grand-mère paternelle. J'aime retrouver de quoi je suis faite ! Panser un peu les coupures…
C'est elle qui sourit dans les yeux de ces vieilles femmes du sud, Espagnoles mais aussi Italiennes, Siciliennes, Portugaises... Ces aïeules vêtues de noir, aux rides profondes, assises devant leur pas de porte, graves et généreuses. Même si la vie les a courbées, le feu qui couve dans leur regard ne faiblit jamais. Mères éternelles.
Sur la route de nouveau
Paysages secs, les vignes grignotent le flanc des montagnes.
Petites maisons aux murs blancs de chaux, toitures plates, grandes masures en pierre, à demi délabrées. Pins parasols, oliviers, joncs, figuiers, partout la caillasse. Lauriers roses en fleur, taches de couleur ivres de soleil.
Des cabanons en vieilles planches s'écroulent au flanc des ravins.
Les montagnes sont coiffées de gros nuages, galop silencieux des ombres.
Nous fonçons vers Palerme. La route surplombe des gorges étroites, minuscules écrins de verdure. Des enclos de pierre sèche avec des taureaux fiers et efflanqués, leur robe noire luisante. Elle passe maintenant au pied de falaises grèges et ocres où s'accrochent trois buissons rachitiques. Des pans entiers se sont effondrés n'ayant rien pour les retenir.
A droite ce paysage désolé, à gauche la mer, ses flots chatoyants.
Au bas des escarpements nus, quelques maisons aux jardins extraordinaires, fleurs vives, cactus gigantissimes, splendides palmiers et toujours les figuiers de Barbarie, chargés de fruits à la chair farineuse mais pas si mauvaise si l'on oublie les pépins.
Comme cela va sembler étrange, le retour en France et à l'automne, aux jours humides et maussades, au vent triste balayant les dernières feuilles et puis partir en Pologne où l'automne doit être plus lugubre encore…
Profiter du ciel bleu d'Italie avant de sombrer dans une flaque de pluie sale…
Mon cœur appartient au sud, définitivement !
Petit camion rouge et sa remorque débordant de raisins blancs.
Septembre, saison des vendanges… Moi je grappille des images au temps qui passe et j'en fais du vin d'amour pour les soifs inextinguibles.
Amour cannibale qui dévore tout, même la colère.
Toujours moribond, toujours renaissant. Amour puissant si fragile pourtant...
Après le bateau entre Palerme et Naples, nous roulons maintenant vers Foligno, en pleine chaleur.
Paysage montagneux, petits villages agrippés ci et là, quelques églises au clocher plat.
Le ciel de cobalt dilué, effiloche ses nuages ventrus sur le sommet crépu des montagnes. Des cyprès sombres, quelques peupliers aux troncs noueux abritent une petite boutique à souvenirs, étalage de poteries aux couleurs éclatantes.
Des trattorias longent la route, vieilles bâtisses, promesses de fraîcheur et de cuisine au parfum d'olive. Les champs de maïs s’étendent, brûlés par le soleil. La mer me manque déjà.
22:57 | Lien permanent | Commentaires (0)
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