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18/01/2007

Juillet 1999 - En route pour Varsovie

Le temps a passé et que de kilomètres parcourus !
Horizons lointains de l'Asie où la mémoire m’entraîne de temps à autre, mais déjà mon regard est tourné vers ce qui vient.
Tant de kilomètres avalés, pour se retrouver à nouveau dans notre fidèle bus, qui cette fois nous emmène à Varsovie.
La Pologne, maintes fois passée au crible de notre regard, absorbée tant bien que mal par nos foies sous sa forme la plus liquide : vodka ! Cette fois, c'est la capitale qui nous attend avec son lourd passé. Et moi ? Je rêve déjà d'une autre destination, plus lointaine, le Brésil ou peut-être ailleurs...
Dehors sous le ciel gris de rage contenue, une éolienne tourne ses bras immenses. Campagne allemande, douce, fleurie, reposante, ordinaire, qu'importe ! Une fleur est belle, quelle que soit la terre qui la porte. Son pollen n'a pas besoin de papiers pour traverser les frontières.
Moi papillon, j’aime toutes les fleurs. Chacune a sa beauté particulière et le poème de son parfum. Je ne demande qu’à rêver, écouter et raconter à mon tour les histoires que le vent colporte.
Je n’ai pas peur, je n’ai pas perdu l'amour, il accompagne chacun de mes pas, juste à peine plus vaste, plus mûr et encore moins saisissable.
Rien ne sert de vouloir le retenir, l'amour ne se retient pas, il coule comme l’eau entre les doigts, il imprègne tout, mais ne demeure en rien.
Une brève éternité.
En Asie, l'instant présent prenait tellement de place, que j’ai peu écrit à propos de ces villes débordantes de vie, de misère, au flux et reflux du grouillement humain, ces lieux que je ne connais finalement que par quelques mirages.
L'écriture semble superflue au cours de ces lointains et trop brefs voyages, alors j’écris après, mais peut-être qu'un jour je voyagerai à un autre rythme.
J’accorderai le voyage au rythme de ma plume jusqu’à finir peut-être par n’être plus qu’une plume voyageuse.
Certains mots-clés marquent les contours de mon existence, mots chevillés à mon âme, comme des lieux où l’on se sent bien une clairière, un flanc de colline, un désert, une chapelle dans la tête ! Des mots-pouvoirs qu’il ne faudrait pas révéler sous peine de les voir perdre leur sens.
J'aime, je n'aime plus et j'aimerai encore tant que le souffle voyagera dans mon corps ! 
Je ne ressens plus aussi fortement le besoin d'être comprise, vivre me suffit amplement et qu'une seule personne comprenne, et tout est gagné !
Qu'importe son nom, ses différents visages, une seule personne suffit : l'Autre !
La route, toujours la route, mouillée maintenant, car ici le ciel pleure. Curieusement, je ne trouve pas ça désagréable, je peux voir de la gaîté sous l'encre chargée des nuages, de petits soleils poussant sur les talus et tous les verts de l'alphabet des peintures se sont donnés ici rendez-vous.
Terre, planète Terre, je t'aime d'un amour toujours grandissant, inépuisable !
Je suis pleine de toutes ces images que tu m'offres encore et encore, sous tant de cieux différents. Je n'ai pas de pays, je n'ai qu'une Terre. Minuscule boule bleue qui tournoie sur elle-même autour d'un astre à la chaleur inconcevable.

Les éoliennes se dressent, immobiles cette fois, comme des albatros géants suspendus en plein vol. La campagne docile a été découpée à la machine. Un vol de pigeons gris nargue le pylône enfoncé de ses quatre pieds dans le sol. Ici l'esprit de la nature a disparu, arraché, vaincu !
Le paysage se couvre de moisissures publicitaires, de béton.
Une pensée m'emporte à Singapour et la vie me semble alors à cet instant, extraordinairement amusante.
Un champ de tournesols auquel succède un océan de tournesols, puis la campagne reprend son air triste, celui du vieux livre d'images que pas un enfant n'a feuilleté depuis longtemps. La pluie installée, efface peu à peu les parfums de l'Asie. Ne restera bientôt plus que fumées de rêves.
Ailleurs j'étais, ici j'écris, en attendant un nouveau dépaysement, la dégringolade des repères, afin de me rencontrer encore sous une autre lumière.
Un panneau indique Leipzig, puis Bad Duremberg, un nom qui m'évoque une aristocrate rigidité, un orchestre aussi ennuyeux que pédant... Des mots, rien que des mots !
Plus tard, après un arrêt sur un énième parking, près de l'un de ces affreux « ma queue donald ! » cette fois (j’attends toujours la chaîne de slow food mes couilles mickey), le soleil a réapparu au-dessus d’une campagne verte et boisée.
La route file et les arbres s'espacent, se tassent dans les recoins du paysage, à la lisière des champs, accrochés aux talus fleuris.
Chantier ! Les hommes n'ont de cesse de transformer cette planète en un vaste chantier. Ils espèrent sûrement aller un jour domestiquer les étoiles !
Ce voyage est long, une boucle dont le sens m'échappe. À peine le temps de revenir d'Asie, que déjà nous revoilà sur la route…
Au fond, c'est toujours la même, n'est-ce pas ?
Plus tard, bien plus tard, après la frontière et les longues formalités, en transit dans un no man's land, herbata insipide... Après le premier souper polski, pas vraiment la fête pour les papilles, arrosé à la vodka que nous offrait un camionneur polonais, désireux de communiquer. Il nous exposait les difficultés du métier dans le pays : la vie pas facile, trop peu d'argent, et l'espoir que ça s'améliore une fois que la Pologne aura intégrée la CEE. Je le souhaite, pour lui et pour tous les autres, mais sans y croire vraiment...
La nuit est tombée, claire, la lune s'y baigne tout en demeurant invisible.
Une brume de légende flotte sur les champs, le repère des saisons s'est égaré.
Qu'est-ce que la réalité lorsque nous bougeons sans cesse ?
Qu'est-ce qui ne change pas ? Le mouvement, le courant ?
Traversées d'agglomérations anonymes, petit supermarché encore ouvert, des passants qui se promènent, puis la campagne à nouveau, et dans les replis de l'obscurité, des petits points lumineux clignotent. Un pylône de télévision braque sa multitude de prunelles rouges sur le ciel sans couleur et sans étoile.   
 
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 Varsovie.
Dans un petit bungalow en bois, en plein milieu d'un camping, à deux pas d'une piscine bondée et crasseuse. Qu'est-ce que je fais là ?
Le charme est rompu, quelques-uns des "rescapés" de l'Asie semblent partager le même sentiment de non-sens. Ezili appartiendrait-elle à un passé révolu ?
Mon ex me retrouve et moi je trouve ça agréable parce que je fais semblant de me croire libre.
Toujours des idées de longs voyages qui nourrissent mes fantasmes, et peut-être finiront-elles un jour par mûrir...
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La route du retour qui n'en finit pas de s'étirer, et si peu de satisfactions...
Conflits souterrains, si difficiles à débusquer, toujours et encore ces non dits qui nous étouffent. J'aspire à la clarté et je sème la tempête !
Je suis déçue. Une mauvaise fatigue m'envahit, avec cortège de doutes grimaçants quant à l'avenir. Je ne regrette pas d’avoir mis les pieds dans le plat comme on dit, mais je doute que cela serve à quelque chose… Je suis déçue.
Mon oreille droite ne veut toujours pas se déboucher depuis le dernier avion au retour de l’Asie – que ne veut-elle pas entendre ?
Ma voiture est en panne… Beaucoup de lassitude.
J’ai besoin d'être en règle, avant tout avec moi-même. Je cherche ceux avec qui partager, besoin de réelles affinités. La diplomatie me pèse car elle a le goût nauséeux de l'hypocrisie...
Appel d'un « ailleurs », envie de passer à quelque chose de plus essentiel, plus fort.
J'en ai parfois par-dessus la tête des bonnes apparences qui dissimulent  les moisissures. Je ne peux que me révolter, et tant pis pour la forme, si le fond me parait juste ! Je fais confiance à l'humain qui dort en chacun de nous.
Je désire le meilleur mais pour cela il me faudrait sans doute commencer par cesser de désirer ! Hélas, je fais partie de ces maudits passionnés, amoureux de la vie, de ces fous qui rêvent toujours et encore, cherchant des trésors sous les hardes misérables.
Étranges visionnaires en quête de véritable beauté humaine. Un joyau si difficile à reconnaître... Les Hommes excellent dans l’art de l’imitation.
La route défile et mon moral s’assèche.
Une nouvelle vie me tend peut-être les bras, mais je ne la vois pas !
Il y a encore des peaux mortes qui recouvrent mes yeux, des peurs, des lâchetés, et surtout un manque de confiance.
C'est toujours après que je réalise avec quelle intensité j’ai vécu certains moments de ma vie, au point de croire qu'il n'en serait jamais plus autrement.
Les émotions fortes laissent toujours place à un grand vide, et malgré qu'elles ne soient qu'illusions, il est difficile de s’en détacher.
Nous allons maintenant à Arcachon avant d’aller à Tours, et ma motivation bat franchement de l'aile. Rien ne semble pouvoir inverser le processus qui m'appelle vers un "autre chose" dont je ne distingue même pas les contours, juste un désir resté en suspens. Il me faut rompre avec ce qui n'est plus qu'habitude, sans saveur, sans surprise.
Plus tard, après un énième pique-nique dans le bus, celui-ci tombe en panne sur un parking près de Nîmes... Un voyage interminable, j'en deviendrais agressive !
Je rumine mes déceptions, ce conflit inévitable et je sais que je suis en quête de libération.
Je la cherche cette complicité mille fois fantasmée ! Je la cherche dans les reflets changeants du ciel, sur le tableau noir des nuits étoilées, dans le murmure du vent, le frisson des feuilles, le mouvement de l'eau et la chanson des alcools rares...
Le soleil couchant balise le ciel de ses feux de cinabre.
Thierry partage les mêmes soupirs que moi. Ca pépie, ça grignote ou bouquine dans la volière ambulante. Il y a des oiseaux plus tristes que d'autres, chacun pousse son rêve, projette ses illusions sur le blanc du chemin, toujours plus en avant sans savoir vers où !
Un petit verre de vin pour allumer les regards et peut-être donner un peu de gaieté à ma plume. Les paysages du sud que nous traversons me laissent froide.
Arcachon
Jetée de Leyrac, tout au bord de l'océan. La plage, les vacanciers... Pourtant c'est agréable et malgré mon peu de sommeil, je me sens d'humeur sereine. Baignade et ramassage de coquillages après le montage, pour échapper un peu à l'électricité, voire à une franche agressivité qui règne au sein du groupe.
Je flotte au-dessus de tout ça. Savoir que très bientôt je vais faire une pause vacances, me permet de me détendre, de prendre la vie comme elle se présente. Je sors à nouveau de ma coquille, le "choc" de l'Asie s'estompe, la beauté de l'aventure reste.
 

Tours
Dans une chambre du CROUS.
L'ambiance est toujours aussi électrique, c'est à la limite du supportable ! Fatigue...
Nous sommes tous épuisés, avec de bonnes raisons de l'être, mais en ce qui me concerne, je n'ai pas envie de me laisser embarquer dans des situations qui dégénèrent aussi vite. Rester neutre, pas toujours facile...
Je me sens vraiment lasse, et ma vie hors de tout ça n'est qu'un grand point d'interrogation… Je me détache peu à peu du passé, parfois cela fait mal, une petite douleur là où ça ne veut pas lâcher...
C'est si facile de s'illusionner ! J'essaye de prêter une attention continue à ce qui me traverse, mais c'est fatigant.
Élargir le joug des émotions, des pensées pernicieuses, du conditionnement permanent afin de pouvoir mentalement accéder au plus grand nombre de points de vue possibles, tout en sachant qu'il y en a une infinité.
La multiplication des possibles permet d'entrevoir la trame de l'illusion, et en poussant plus loin, de réellement comprendre la vanité de tout conflit. Ce n’est pas tout de le dire !
 

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