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24/07/2007

Le Tour vu par Andy Verol

En ce mois de juillet, et pour quelques jours encore, il y a un sujet de conversation très imposant. Le Tour de France. Il y a beaucoup de mecs qui parlent du Tour, rarement des femmes (elles sont généralement toutes exténuées des soldes et se goinfrent des magazines consacrés aux régimes et aux lectures de l'été, non je ne caricature presque pas). Les mecs, quand ils parlent du Tour, c'est du sérieux. Ils se prennent l'équipe pour connaître les classements, la situation de tel et tel coureur. Tu en as d'autres qui ne lisent que les pages consacrées au dopage. D'autres se tapent des branlettes (j'en suis sûr) dans les chiottes de l'entreprise, en matant les nibards des salopes qui remettent le maillot jaune, le maillot à pois, le maillot vert, le maillot blanc (putain j'en connais un rayon). Si les mecs ne lisent pas les journaux, qu'ils ne s'inquiètent pas, ils auront droit au résumé à la radio, à la télé, sur toutes les chaînes.

On pense ce que l'on veut de la « grande boucle », mais il est évident que c'est assez chiant à regarder, surtout pour tous les mecs qui bossent, qui n'ont pas un accès aisé à la télé et à la radio. Ce qui serait vraiment super, c'est de programmer les étapes le soir, après 20h00. Les coureurs auraient des phares à leurs biclous et feraient les danseuses sous la pleine lune. Ce serait beau, et les casses-gueule promettraient de belles fractures ouvertes, les peaux écorchées et brûlées sur tout le corps, et en quantité suffisante pour happer le spectateur dans le chalumeau de l'action.

C'est sur cette base que j'ai donné mon avis sincère sur le Tour et le dopage. On en était à nos assiettes crudités et œufs mayonnaises (moi je prend toujours un pichet de rosé pour être un peu bourré) quand l'un des trois collègues avec qui je becquetais s'est mis en tête de s'insurger contre ce phénomène qui pourrirait le Tour.

« Ce sont des tricheurs ! Putain ! Mais ça me dégoûte ! Après ce qui s'est passé en 1998, ils ont pas compris la leçon, surtout les coureurs étrangers ! » Je tique un peu, mais ne relève pas encore. J'ai chopé une frite dorée, l'ai plongée dans le petit tas de mayo déposé en coin d'assiette, et j'ai croqué le tout goulûment, en pensant qu'il faudrait bien que je pense à maigrir un de ces jours (On ne sait pas tellement pourquoi on souhaite maigrir. En tout cas, ça a souvent un rapport avec le « plaire », « se plaire », « lui plaire », mais rarement avec ces essoufflements intempestifs dans les escaliers, qui font de nous des grosses vaches en fin de vie). Le gueulard continuait : « ce Michael Rasmussen, c'est un tricheur. Je déteste les tricheur. Il a été exclu dans son pays, mais nous, on fait comme si de rien n'était... » ça m'agaçait. Je mangeai une frite vite fait. Sûr que les autres seraient trop froides lorsque j'achèverais mon laïus sur le Tour.

Il fallait que je me lance :

« Mais le Tour de France, c'est pas du sport mon vieux. C'est de la compétition. Le sport où tu inscris tes gosses pour les mercredis, c'est pas la même chose. Bien sûr, il y a les matchs et les compétitions, mais ça se fait dans un esprit « bon enfant ». Encore que tu as certains pères qui foutent la honte à leurs gosses à force de brailler comme des chefs nazis dans les camps ou comme ces crétins de la légion étrangère qui insultent le mec qui est en train de se noyer dans un marécage de merde... Bref, le Tour de France, c'est comme tous les « sports » de haut niveau : c'est de la compétition qui sert essentiellement à distraire les péquenots que nous sommes, pour remplir les caisses d'autres péquenots, plus mondiaux, ceux-là. Tu regardes cette compétition et tu as l'impression d'être au boulot. Le peloton est bien serré. Les mecs déconnent, discutent, blah blah blah... Pendant ce temps-là, t'as un vieux con en voix off qui te fait chier avec ses descriptions des églises, abbayes, châteaux, centrales nucléaires... Une église romane, c'est une église romane, basta ! y a pas un seul péquenot qui mate le Tour qui apprécient d'aller visiter des monuments quand il est en vacances. Généralement ça le gonfle, au bout de 5 minutes chrono.

Ils te font le catalogue touristique de la France... sur le service public, en hélico et en moto. Donc tout est bien cool. Ça roule tranquille et là, un mec s'échappe seul ou accompagné... On appelle ça, une échappée... Souvent, les mecs qui font ça, ce sont pas forcément les meilleurs, mais il faut qu'ils montrent le maillot, sous-entendu les marques inscrites sur le maillot.

D'ailleurs les commentateurs, ils te parlent pas des mecs en bleu ou en rose, ou en vert. Ils te disent les « Banque Populaire », les « Quick step », les « Castorama ». Moi je pensais que la pub était interdite de cette façon-là, mais apparemment avec le Tour, on a le droit (J'ai remarqué que c'était la même avec les courses de voile).

Bref, d'un côté on sent bien qu'on cherche à vendre la France à tout un tas de futurs touristes et qu'on te vend sans vergogne les marques de sociétés qui n'ont pas hésité, pour nombre d'entre elles, à délocaliser, foutre des gens au chômage et refiler un max de dividendes à des connards plutôt que d'investir dans l'appareil de production et dans le travail des salariés. Et puis soudain, c'est parti, fini la visite de la France, terminée l'esprit « bon enfant » de la course, tu les vois tous se ruer comme des bêtes vers la ligne d'arrivée... Depuis peu, tu as des oreillettes dans les oreilles des coureurs, et les directeurs sportifs, qui sont aussi les garants du spectacle, ordonnent à leurs trimeurs de coureurs d'y aller fort. Tout est organisé pour qu'un seul bouffe tous les autres. Il n'y a aucune nuance là-dessus. Et pour agrémenter le tout, on te bousille le moral avec les « records » de vitesse de l'étape.

Ils veulent du record, c'est tout. C'est une course, une compétition. Le langage utilisé est celui de la guerre (une « attaque de... », « l'offensive de l'équipe machin », « c'est un combat pour obtenir la première place », etc. Passons. Ça paraît évident tout ce que je dis. Et ça l'est...

Mais la suite, là, je ne comprend plus. Dans ce contexte-là, pourquoi parle-t-on de tricherie, de mensonge ou de malhonnêteté ? L'honnêteté, c'est simplement de dire qu'il faut, impérativement se doper lorsqu'on est dans une « guerre » comme celle-là. La guerre pour gagner un maximum de prix, de frics, de pouvoir, de notoriété, de prestige, de courses... Gagner. Etre le meilleur. Coûte que coûte. C'est pour ça qu'on regarde le Tour ! C'est pour voir des records, voir des gagnants, des grandes victoires, des mecs qui en chient et qui éliminent les concurrents ! Pour être des chauvins, des nationalistes conscients ou inconscients ! Les tricheurs ! C'est vous les mecs ! Vous gueulez sur des mecs qui ne pourraient dignement pas accomplir les exploits dont vous êtes friands sans la moindre substance ! Triches ? Mais parlons de la triche...

Même la caféine est interdite alors même que tu nous chies un cake tous les matins pour parvenir à commencer à bosser, c'est quand même pas monter un col que de taper sur un clavier d'ordi ! Ben tu as pourtant besoin d'un dopant toi aussi ! Et la clope aussi ! Besoin de cet excitant qu'on appelle Nicotine, « pour tenir , surtout après le repas... » Et moi c'est le pinard. L'alcool. Pour pas sombrer dans la dépression quand je vois vos gueules ! Voilà ! C'est ça se doper ! Se doper, c'est pas tricher, c'est se motiver merde ! C'est tenter de ne pas sombrer ! Pense aussi à ces mecs qui finissent l'étape avec le bras bandé, les autres qui ont une chiasse affreuse sur leurs selles, etc. Ils abandonnent souvent quand toi tu serais déjà mort, limite en état de décomposition avancée.

Il y a des reportages sur des journalistes de RTL ou de Ouest France qui se disent outrés par « ces tricheurs de coureurs ». Mais sans cette « triche », ces cons-là n'auraient pas de boulot. Il n'y aurait plus de 5 ou 6 coureurs qui rouleraient à 10 à l'heure sur les Champs Elysées après trois semaines de course.

Alors si se doper, c'est tricher dans le but de gagner, alors alléger les vélos aussi avec du carbone, se faire masser, avoir un médecin par équipe, être ravitaillé... Mais oui, c'est ça l'exploit. C'est crever en vrai. N'utiliser aucun dopant, aucun masseur, aucun médecin (ou un seul pour tout le monde), plus de ravitaillement (on leur refile un sac à dos avec des victuailles dedans), plus de chaussures et de casques profilés (des godillots, des bons et un chapeau de paille !), fini aussi les routes goudronnées, faut passer par les chemins de boue, de caillasse et de terre (on te fait tellement chier avec les pavés du Paris-Roubaix)... Là y aurait plus de triche. On serait dans la vraie compétition. Ce serait génial ! On verrait s'ils font les malins les dopés ! On verrait ! Et pendant ce temps, les journalistes qui eux, passent leurs journées dans des bagnoles ou sur des terrasses de café à se bourrer la gueule, à se prendre des putes à chaque étape (« je suis l'envoyé spécial de RTL sur le Tour, ça te dit de boire un petit verre ? »). Le dopage, c'est rien. Ils marchaient aux amphétamines, et à la caféine avant. Tu en avais même qui picolaient. Ils font ce qu'ils peuvent pour faire le spectacle, pour avoir une bonne place dans la COMPETITION.

On leur demande des « exploits », alors faisons ce que je viens de dire, et là, ce sera un exploit, mais il faudra accepter de voir des mecs crever sur le bord de la route... Ce qui est navrant là-dedans, c'est que cette compétition n'est que la représentation exacte de celle qui nous oblige à souffrir perpétuellement dans nos âmes. Elle se doit d'avoir les apparences de pureté et de propreté. On se bat dur pour donner une belle image de la compétition. Tout comme on s'acharne à essayer de nous montrer des guerres propres. Voilà ce qu'on essaie de faire. Pour vos âmes de tricheurs, de pauvres mecs de classe moyenne en mal de sensation, en mal de compétition, on vous vend des compétitions « propres », des guerres « propres », etc. Tout doit être clean pour vous. L'exploit doit être pur... Mais l'exploit aujourd'hui, c'est de dire que vous n'êtes tous qu'une bande de gros cons. »

Silence à table. Je m'en doutais. Ils n'auraient sans doute pas apprécié ça. Mais bon. C'était fait. Voilà, j'en ai fini avec le Tour de France, avec les collègues et « leur compétition sans tricherie », et leur « concurrence saine » qui me fait doucement gerber.

Andy Verol

Lieu du larcin : http://andy-verol.blogg.org



 

Commentaires

A la télévision, quelques extraits du Tour de France de la Pharmacomanie. Le chant métallique des roues de vélo jaillit en minuteries sauvages, les différents dossards s’élancent à tour de rôle – c’est le prologue, un contre-la-montre – et sur les berges tremblantes tout un vain peuple admire cet apogée de la came triomphante ! Qu’on me comprenne bien, le dopage en soi m’indiffère, à chacun ses substituts et ses moteurs intimes. Après tout, qui n’a jamais besoin d’un petit coup de pouce ? Mais qu’à chaque nouvelle édition de cette foire aux bestiaux on abatte les cartes alternées de l’amende honorable et de la pureté retrouvée, nonobstant la collection pléthorique de truqueurs pris la main dans le sac, me dégoûte au plus haut point. Jusqu’à nouvel ordre, un grand champion cycliste non dopé est inconcevable.

Écrit par : philippe nollet | 24/07/2007

Cher monsieur Verol,
Je faisais mon tour de piste, comme tout un chacun et je suis arrivé sur votre propos, juste, dont le sujet était le "tour de la pharmacie". Nous nous préchons des vérités qui n'interessent personne puisque chaque rendez vous de cet accabit donne à peu de choses près les même résultats. D'un coté le regard critique, ascerbe, révolté. Et de l'autre l'engouement "populaire" pour le narcissisme nationaliste lié à la compétition, de quelque nature qu'elle soit. Foutons nous ça dans le crane, nous l'avons dans le cul ! Car quelque soit notre degré de liberté, consentie par le système D (comme démo, comme démocratie) nous nous sommons nous même d'exprimer un avis sur la "chose". Et comme ça ne change absolument rien, c'est donc bien de notre impuissance que le système D a le plus besoin. Hors ça, vous avez tant raison. Mon bon salut

Écrit par : lephauste | 31/07/2007

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