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14/09/2007

Pourquoi Sarkosi va échouer

par Xavier Théry, publié dans Vendémiaire n°26

http://www.geocities.com/actpol/V26.html

Hier soir j'ai regardé la soirée électorale à la télévision. Pour la première fois depuis 30 ans, j'ai coupé au bout de 10 minutes. Pourtant j'ai eu à subir par le passé bien des déconvenues et je suis prêt à les affronter. Mais là, j'ai réellement pris conscience que Sarkozy et son idéologie césaro-libérale avaient anéanti le débat républicain pour de nombreuses années. Encéphalogramme plat chez les commentateurs et chez tous les opposants potentiels. Il n'y a plus rien en dehors de l'UMP et il n'y a plus rien en dehors de Sarkozy au sein de l'UMP. Même Poutine n'est pas encore parvenu au même résultat en Russie.
Certains - et ils sont nombreux (au moins 45% des Français apparemment) - vont s'en réjouir car ils y voient un gage de succès. Je pense exactement l'inverse car je suis convaincu que Sarkozy va échouer. Voici pourquoi :

Au plan institutionnel
Tous les commentateurs politiques et les hommes les plus sages au sein de chaque parti étaient tous convaincus jusqu'à une période récente qu'il fallait revivifier le débat politique au sein du parlement. Comment ?
- En réformant en profondeur le Sénat qui ne représente plus rien sinon une France rurale qui n'existe plus depuis 40 ans
- En redonnant l'initiative des lois et de l'ordre du jour des sessions parlementaires aux députés conjointement au gouvernement
- En garantissant une véritable représentativité à tous les courants de la vie politique par une dose de proportionnelle et une refonte du découpage des circonscriptions
- En engageant le renouvèlement des élus par la limitation drastique du cumul des mandats
La chambre la plus à droite que l'Histoire de France ait connu depuis la grande guerre va bientôt prendre place et aucune des mesures urgentes qui s'imposaient ne va être prise. L'Assemblée Nationale va devenir la chambre d'enregistrement des ordonnances sarkoziennes. Le dialogue entre le gouvernement et les représentants du peuple - comme dans toutes les démocraties occidentales - va définitivement s'effacer pour laisser la place à un dialogue de Sarkozy avec lui-même : miroir, mon beau miroir... La présidentialisation à outrance du régime ne s'accompagnera à aucun moment d'un renforcement des pouvoirs de contrôle de l'Assemblée (comme aux USA).
Qu'en résultera-t-il ? Un divorce encore accru entre les élites (les édiles en l'occurrence) et le peuple. Sur les 45 % de voix accordées au parti du président, on peut considérer qu'il y en avait 30% de sincères. 15% se sont ralliées parce que l'offre en face était nulle. Quand les difficultés vont venir, Sarkozy va bien se retrouver face à 70 % des Français qui n'auront pas voté pour lui ou qu'il l'auront fait par dépit. Ils seront représentés par seulement 10%de députés dans la nouvelle chambre. Où croyez-vous que les débats vont avoir lieu ? Dans la rue bien sûr.

Au plan politique
Les problèmes exposés plus haut pourraient être limités si l'ouverture affichée par le gouvernement était réelle et sincère. Si nous avions affaire à un vrai gouvernement d'union nationale.Mais en fait d'ouverture qu'avons-nous ? Un inconnu (Eric Besson) surgi de l'anonymat du PS où il rongeait son frein depuis des années ? Un Kouchner dont chacun a pu constater depuis 5 ans la dérive à droite en même temps que l'adhésion aux thèses néo-conservatrices (le droit d'ingérence prôné par Kouchner n'est rien d'autre que le droit d'intervention défendu par Bush en Irak... Une élucubration de gauchistes reconvertis au néo-libéralisme) ? Quelques ringards (Tapie, Séguéla...) qui n'ont jamais honoré le débat public ? Non, il n'y a aucune ouverture. Juste un simulacre.
Dans ces conditions, comment va évoluer l'idéologie au pouvoir ? Mal. Il ne faut pas compter sur les ministres "d'ouverture" pour contrebalancer quoi que ce soit ; quand on a trahi son camp on se fait jusqu'au-boutiste On a cru un instant lors de la campagne présidentielle que Sarkozy allait obliquer, sous l'influence de Guaino, vers une forme de social-libéralisme fortement teinté de patriotisme économique. Les premiers signaux envoyés - j'en ai déjà parlé - ne vont absolument pas dans ce sens. Airbus s'apprête à fermer 4 usines en France et à démanteler tout le tissu industriel dans le secteur aéronautique. Le gouvernement ne bougera pas malgré les inquiétudes évoquées par Sarkozy lors de la campagne. La puissance de la "chambre introuvable" ne résidera pas dans sa capacité à installer un débat public fort. Elle ne servira qu'à donner l'illusion à Sarkozy qu'il est porté par une immense ferveur et que les Français partagent son idéologie. L'homme est psychologiquement fragile. Il n'a jamais accepté la contradiction. Ça tombe bien il n'y aura plus aucune contradiction.
Le débat politique dans les prochains mois va se résumer aux "bulletins de la Grande Armée" que le service de presse de notre petit caporal va diffuser dans les médias. On ne parle même plus d'état de grâce mais d'apesanteur : porté par les louanges, Sarkozy entre en lévitation. Les syndrome Ceaucescu n'est pas loin.

Au plan budgétaire
Tout le monde est d'accord. Il faut réformer en profondeur la fiscalité française qui est compliquée, souvent inefficace et parfois inutilement confiscatoire. Il existe des centaines de niches fiscales aberrantes. Une réforme en profondeur, une remise à plat s'impose. Un grand débat national aurait pu avoir lieu. Mais faute d'opposition, faute de véritable espace de délibération public, le débat n'aura pas lieu. Il y a eu une esquisse de débat... entre le ministre du budget et le président de la République sur la question de la déductibilité des intérêts financiers. Ce débat a été tranché en 5 minutes... par Nicolas Sarkozy. Fermez le ban !... Qu'aurons-nous donc en guise de réforme ? quelques mesures qui vont satisfaire environ 2 à 5% des Français les plus avantagés ; et accabler les autres puisque ces mesures vont coûter 15 milliards d'euros et qu'il va falloir combler le déficit. Comment ? Borloo l'a annoncé hier soir sous la pression de Fabius (ou du moins ne l'a pas démenti ce qui revient au même dans les circonstances présentes) : par le relèvement du taux de la TVA. Ce relèvement sera déguisé dans un semblant d'innovation sur la question de la TVA sociale. mais là encore aucun débat, aucune réforme de fond. On fera semblant de favoriser le développement durable, mais il s'agira surtout de faire payer à tous les Français les cadeaux qui auront été faits à quelques uns. Idem pour les heures supplémentaires. Quelques dixièmes de pourcents accordés aux salariés, mais 1 ou 2 pourcents imposés aux consommateurs.
Une fois de plus une occasion de mettre tous les problèmes sur la table aura été perdue. Pourquoi ? Parce que parmi ces problèmes, il y avait la question du déséquilibre évident entre la taxation des revenus du travail et des revenus de la rente. C'était la question centrale et la droite ne veut surtout pas l'aborder. Parce que Sarkozy a été élu majoritairement par les vieux et les rentiers, il est hors de question d'aller au fond des choses; on n'ira donc pas.
Mais la TVA ne suffira pas à combler les trous. Et les déficits vont continuer à se creuser. Fillon et Woerth l'ont avoué : "on va ralentir l'effort"... Là encore, ce sont les jeunes qui paieront pour les vieux. Parce que Sarkozy ne fera rien adopter pour contrebalancer les mesures déflationistes de la Banque Centrale Européenne. Seule un peu d'inflation peut atténuer l'impact de la dette. La concurrence fiscale que se livrent les pays européens - y compris à l'intérieur de la zone euro - est suicidaire. Les gouvernement n'ayant plus la possibilité de dévaluer, il font de la défiscalisation compétitive... Et ils vont assécher toutes les ressources fiscales en Europe. Sarkozy n'en a pas pris la mesure. Il va vite déchanter. Et nous avec.

Au plan des relations internationales
Il y a deux sujets structurants actuellement pour les affaires étrangères françaises. Le système anti-missile construit en Europe et l'affaire du Kosovo. Dans le premier cas, aucune instance européenne n'est en mesure de donner son avis sur cette affaire hormis le conseil politique de l'Otan qui n'est qu'une chambre d'enregistrement des décisions européennes. Les déclarations de Poutine laissent accroire qu'on pourrait s'acheminer vers une crise forte entre l'Europe et la Russie. Alors que depuis 17 ans les liens se resserraient. la manœuvre américaine est habile.
Souvenons-nous que lors de la crise des missiles de Cuba en 1963, ce sont bien les Américains qui joué les provocateurs : ils avaient installé des missiles à courte portée et à tête nucléaire en Turquie juste à la frontière soviétique. Les missiles russes à Cuba n'avaient d'autre objectif que de rétablir l'équilibre et les Soviétiques ont obtenu ce qu'ils voulaient : que les Américains retirent leurs missiles de Turquie ce qu'ils ont fait immédiatement par un accord secret signé avec les Russes. On peut se demander aujourd'hui si comme en 1963, les Américains ne prennent pas des initiatives intempestives et délibérées pour nous éloigner systématiquement des Russes. (En 1963, l'ouverture vers l'ouest initiée par Kroutchev a été stoppée nette suite à cette affaire de Cuba). L'affaire du Kosovo et les déclarations de Bush ce week-end invitant les Kosovars à proclamer leur indépendance va placer les pays de l'Union Européenne dans une situation impossible : ils seront obligés d'appuyer les Kosovars contre les Serbes et leurs alliés russes et ce en contradiction formelle avec le droit international. La man?uvre américaine est claire.
Dans ce cadre, quelle politique suivra Sarkozy ? L'avez-vous entendu prendre une position intelligible sur ces questions ? Non bien entendu. Lui et son ministre atlantiste vont occuper le terrain en donnant le change dans deux domaines :
- sur le terrain de l'ingérence humanitaire au Darfour
- sur le terrain des accords de Kyoto et de leur application
Dans les deux cas, ils vont "chatouiller" un peu les Américains et leur donner quelques leçons de morale à pas cher. Mais toute cette gesticulation à venir masquera l'essentiel à savoir que les Américains vont décider du sort de la sécurité européenne et de ses rapports avec ses voisins immédiats que sont la Turquie et la Russie. Les rétractations récentes de Sarkozy sur l'affaire turque montrent d'ailleurs bien que sur ce dossier ses rodomontades de campagne ne tiennent pas un instant face au pressing américain.
Sarkozy va donc gravement échouer en politique étrangère. Il va peut-être briller à bon compte avec son nouvel ami Kouchner en allant décharger un ou deux sacs de riz au Darfour sous les sunlights, mais sur le fond des problèmes la diplomatie française va marquer le pas. Le choix de Lévitte comme sherpa est éclairant à ce titre. Cet atlantiste convaincu avait été choisi par Chirac pour tenter de recoller les morceaux avec Washington (mais après que Chirac avait su prendre suffisamment de distance pour dénoncer ce qui devait l'être). Ne comptez pas sur lui pour conseiller à notre président la moindre prise de position indépendante. La création du "conseil national de sécurité" par Sarkozy qui le placera sous la responsabilité de Lévitte est tout à fait significative : c'est un décalque du NSC américain. La seule différence, c'est qu'on y parlera français (est-ce bien certain ?...) et qu'on n'y priera pas le Seigneur chaque semaine. Mais cette transposition est tout un symbole : on en revient à la situation ante 1958. Désormais et il faudra s'y habituer, c'est bien à Washington que s'ordonnera le destin de l'Europe.

Au plan des affaires européennes
Sarkozy se prépare à nous faire avaler une mauvaise pilule : le traité constitutionnel rebaptisé "mini-traité" va rentrer par la fenêtre du vote au parlement alors que les Français l'ont évacué par la grande porte du référendum. Mépris démocratique complet, mais bien dans la logique du personnage complètement égocentrique, auto-centrique même. "Vous m'avez élu, vous saviez ce que je voulais faire, alors ne vous plaignez pas"... "Le référendum c'est moi" en quelque sorte : version réactualisée de l'absolutisme louisquatorzien.
C'est vrai, ne nous plaignons pas. Il ne fallait pas voter Sarkozy. En attendant, le traité va entrer en fonction d'ici un an ou deux et Sarkozy va ainsi parachever complètement du côté français le grand œuvre libéral : plus aucune politique alternative ne sera possible. Ne refaisons pas le débat , les arguments sont connus. Sachons toutefois en mesurer les conséquences : il faut définitivement faire notre deuil de toute politique industrielle ambitieuse. Le laminage par le bas de nos intérêts industriels à l'échelle planétaire. Alors on verra petit Cesar s'agiter, serrer les mains des ingénieurs, consoler le "délocalisé". Mais il ne fera rien car il a définitivement renoncé à faire quoi que ce soit. Son logiciel en la matière est celui de la droite la plus classique.

Au plan économique et social
La politique économique de Sarkozy découle de ses choix internationaux : alignement sur le modèle libre-échangiste intégral proposé par le traité européen, renoncement à manifester la moindre indépendance. Sarkozy, élève médiocre, avocat d'affaire spécialisé dans les relations avec les collectivités locales ne connaît de l'économie que ce que lui en ont dit ses parrains en économie : les ordonnateurs du grand capitalisme financier et mondialisé. De Gaulle qui avait vu les milieux d'affaire se corrompre totalement dans la collaboration avec l'ennemi savait à quoi s'en tenir sur les leçons d'économie que lui donnaient ceux qu'il était bien obligé de recevoir à l'Elysée. Il ne les fréquentait pas pour autant. Sarkozy, lui, vit avec eux, sort avec eux dîne avec eux. Une fusion totale. pensez-vous un seul instant qu'il soit capable de penser autrement que ceux au service desquels il s'est mis ? Peut-il imaginer que ce qui est désagréable à Dassault ou à Lagardère n'est pas nécessairement nuisible à la France et au Français ? Je laisse cette question à la sagacité de mes lecteurs.
Dans l'immédiat, ses choix économiques auront un effet sur la hausse de l'immobilier qui va repartir de plus belle, sur les bénéfices des banques qui vont être un peu plus subventionnés par le budget de l'Etat et sur les placements financiers. Le gouvernement de Sarkozy est-il en mesure de dynamiser l'emploi ? Même dans son camp , nombreux sont ceux qui craignent que les mesures sur les heures supplémentaires ne favorisent la flexibilité au détriment de l'emploi.
Au plan social, le grand chantier va être celui du pilonnage du contrat de travail et du code du travail. A économie mondialisée, travailleurs précarisés. Pouvez-vous imaginer un seul instant que cette politique soit favorable au développement de l'économie. Il faudra effectivement "travailler plus pour gagner plus" et même dans la plupart des cas travailler plus pour gagner autant. Jusqu'à une période récente, la croissance économique reposait sur l'innovation et sur la valeur ajoutée. Pas sur le travail : on travaille moins en 2000 qu'en 1970 mais on produit beaucoup plus. Dans le logiciel sarkozien, pour gagner plus, il faudra travailler plus, c'est à dire faire l'impasse sur la productivité. Je ne sais pas si vous saisissez bien le changement de paradigme qui s'opère dans l'esprit de notre président (qui n'a d'ailleurs jamais travaillé de sa vie, au sens où nous l'entendons vous et moi, mais seulement organisé des "arrangements"...). Evidemment cela n'aura pas un effet immédiat sur l'économie, mais si vous attendez de Sarkozy qu'il soit un "booster" de l'économie vous allez être rapidement déçu. Son logiciel s'est arrêté en 1860. Au moment ou un autre petit César faisait siennes les théories libérales qui venaient de naître. Tout ce qui est advenu depuis, notamment aux Etats-Unis après guerre apparaît à ces gens-là comme une perversion de l'esprit capitaliste sous la pression des forces communistes extérieures. Le mur tombé et la pression retombée, il faut selon eux expurger le capitalisme de ses éléments délétères que sont l'épanouissement de l'homme et le progrès social. Et renouer avec le travail "libérateur"...

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Voilà pourquoi je crois que Sarkozy va échouer. Il a une vue très succincte de l'économie et sa philosophie repose sur des idées simples. Il n'est pas disposé à penser le monde complexe et les enjeux colossaux qui nous font face.
En ce moment la polémique fait rage sur la vidéo de Sarkozy au G8 où il paraît ivre (1). La première, celle qui semble avoir été diffusée par la TV belge (bien qu'on accuse ce document d'avoir été trafiqué - à vérifier) le fait apparaitre passablement éméché. Mais la seconde (diffusée officiellement par LCI et qui ne porte pas à polémique) n'est pas moins inquiétante : pour sa première sortie internationale d'importance le nouveau président de la République Française apparait complètement flottant, dépassé par les évènements, incapable de prendre de la hauteur par rapport à son sujet, balbutiant un discours improvisé complètement décousu. Et là un effroi vous envahit. Vous vous dites : "ne vaudrait-il pas mieux qu'il eût été saoul" ?

Xavier Théry

(1) http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3220,36-921248@...

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Commentaires

jeudi 24 avril 2008

Voilà, nous y sommes................

Bienvenus dans la rue !!!!!!!!!!!

Écrit par : corinne | 24/04/2008

Sarkouzy va s'ecraser

Écrit par : kirate | 09/05/2008

Pourquoi publiez-vous cet article de moi alors qu'il a été écrit pour Vendémiaire ?

Écrit par : Xavier THERY | 26/03/2009

il me semble que c'est clairement indiqué que c'est écrit pour et dans vendéiaire, c'est une "pub" à la fois pour vous et pour Vendémiaire que je connais, maintenant si vous voulez je supprime l'article, mais je ne comprends pas, est-ce une histoire de fric ? cela fait presque deux ans qu'il est sur ce blog...

Écrit par : Cathy | 26/03/2009

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