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08/04/2008

Salines, par Nathalie Riera

Au cœur de La Grande Saline

 

avec Cathy Garcia

 

 

Quand les longs doigts du rêve

 

pénètrent le réel

 

le frottement crée

 

des étincelles

 

des jouissances qui flambent

 

comme des allumettes

 

 

(…)

 

 

profite, profite

 

des souffles ultimes

 

petite sœur

 

et ne joue pas avec les allumettes

 

 

mais il fait froid aujourd’hui

 

le monde est froid

 

 

 

 

Avec Cathy Garcia la poésie se passe de fioritures, mais pas des plaies de l’animal et de l’humain dont nous sommes investis. Dans le recueil Salines, qui précède Ombromanies, pas de discours dans les poèmes, mais plutôt l’énergie féroce, le désir intense à vouloir nous écorcher vif, et nous dépouiller à la manière d’un peintre qui dépossède ses modèles, les spolie de leurs faux-semblants. Alors le poème ne nous est plus étranger, parce qu’il nous ressemble, profondément, activement, et parfois monstrueusement. En poésie, la férocité est indispensable, et chez Cathy Garcia cela semble être de première nécessité.

 

 

 

Dans le désordonné de nos amours se mêlent les fleurs du cœur aux fortes exhalaisons. C’est le printemps et l’été des corps, l’amour acclamé dans son éclat de sel, sa portée musicale en fièvre, mais les saisons se refroidissent vite, et lorsque tout pourrait nous sembler paisible, il en est absolument rien : pour Cathy Garcia, il s’agit plutôt de « balafrer la plénitude », « laisser jaillir//la fontaine de vivre », et ne cesser d’épargner à l’amour des odeurs de parjure, ainsi que

 

 

le sinistre sérieux

 

de nos serments théâtraux

 

la camisole du manque

 

nos angoisses toxiques

 

 

 

Chez la Grande Saline , l’amour nous invite à ses danses et ses rythmes de nomades, mais tôt ou tard l’amour s’en va sans regret rejoindre les eaux profondes et  leurs « algues amnésiques » ; s’en va  naviguer l’amour comme pour retrouver son feu, l’entretenir, et nous ravir des jouissances qu’il procure, comme pour recommencer « le geste toujours neuf», la grande fraîcheur d’aimer.

 

Chez la Grande Saline , ce qui est mot, ce qui est geste, ce qui est avoir peur, ce qui est rire « sans savoir pourquoi », ce qui est sel, épice, sang, langue, sève … ne cessent de cafouiller des « je t’aime », profondément, activement, et parfois sauvagement. 

 

Jean-Marie Magnan, au sujet de Picasso, écrivait : « C’est un lieu commun assez mesquin que d’affirmer qu’un créateur ne ressemble pas à sa création ». Dans le débordement de l’amour, Cathy Garcia nous dit le désastre qui est le sien qui est le nôtre, sa hantise qui est la sienne qui est la nôtre, sa démesure de femme « Unique Multiple », et en même temps sa grande déception à errer à la même rive maligne, où l’horrible et le minable nous serrent la gorge :

 

 

Se mettre à l’abri

 

en hauteur

 

ne pas se prendre

 

le plein fouet

 

le versant nu de nos extrêmes

 

fragilités

 

 

Chercher l’autre rive

 

des yeux seulement

 

paysages projetés

 

crachés au visage

 

 

Chez elle, le crépuscule n’est pas en chute libre, mais « en chute froide ».  Et que peut le poète contre ça ? à part ne pas l’ignorer, à part ne rien attendre. C’est le crépuscule qui floue la soie de l’âme, la soif des chiennes, et leur extirpe le soleil.

 

La solitude lui est-elle « un feu//à la langue exaspérante », la solitude est action, où écrire nous enracine, nous déterre, arrache, sarcle, déporte, éloigne. Gratitude de la solitude. Ingratitude de l’aveu. Peu importe. Il n’y a pas forcément de l’altruisme dans la lumière. Seulement de la buée sur les mots. Et puis de l’écume et du sel. Et puis du venin et de la lie comme excrétions contre toutes les mascarades, les violations, les reniements.

 

 

 

Le futur recommence au ras du sol

Claude Esteban

 

 

Nathalie Riera

Une étape dans la clairière du 8 avril

http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com

 

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