04/11/2008
Tchernobyl génétique
La contamination génétique du maїs dans la province de Chihuahua au Mexique est une nouvelle gravissime et met une fois de plus en exergue les méthodes les plus basses auxquelles sont disposées Monsanto et les multinationales de la biotech pour s’emparer de l’agriculture, de l’alimentation et de la souveraineté du Mexique.
En Septembre déjà, la Sargapa, le ministère mexicain de l’Agriculture, avait reconnu l’existence d’une plantation illégale de 70 hectares de maїs transgénique à Chihuahua, tout en annonçant qu’elle prendrait des mesures pour sanctionner cet acte. Une mesure tardive et hypocrite puisque cela fait déjà plus d’un an que le Frente Democrático Campesino de Chihuahua (FDCCh) et El Barzón, avec l’appui de Greenpeace, avaient détecté et dénoncé les cultures illégales dans l’Etat du Chihuahua mais le gouvernement n’avait rien fait (voir cet article). En fait, il a fait beaucoup. Les autorités du Sargapa ont initié une campagne interne en faveur des OGM afin d’obtenir des autorisations pour Monsanto et la mise en culture de son maїs transgénique, ce qui reviendrait à légaliser a posteriori la contamination. Greenpeace a même dénoncé le ministère de l’Agriculture pour avoir réalisé illégalement des essais d’OGM en plein champ, alors même que la loi Mexicaine l’interdit.
Cette fois la fraude est encore plus grave. Selon des témoignages de producteurs locaux recueillis par la FDCCH, les vendeurs de semences de la région auraient re-emballé plus de 3000 sacs de graines de maїs pour y mélanger illégalement des graines transgéniques. Les organisations de protection de l’environnement estiment que la contamination génétique pourrait toucher jusqu’à 25000 hectares de culture.
Il s’agit d’un véritable Tchernobyl génétique puisque le Mexique est le centre historique et originel du maїs, sa contamination pourrait avoir des effets potentiellement destructeurs non seulement pour le pays et sa biodiversité mais il s’agit aussi, comme le pointe Victor Quintana de la FDCCH, « d’un coup féroce contre l’agriculture paysanne et indigène». Le maїs est cultivé par les populations mexicaines et indigènes depuis plus de 10 000 ans, il est le coeur de leur économie, de leur autonomie et de leur culture.
Mais quel est l’intérêt de mélanger des graines transgéniques avec les semences traditionnelles alors que les graines transgéniques sont plus chères ? Cette fraude serait vraiment le pire coup économique en terme de rentabilité. Malheureusement, le but de cette fraude n’est pas de s’enrichir dans l’immédiat, non, cette fois il s’agit de la volonté délibérée de provoquer une contamination généralisée des semences de maїs pour en forcer la légalisation de fait et ouvrir un nouveau marché pour les semences transgéniques, qui sera cette fois très lucratif pour Monsanto.
La contrebande et la contamination intentionnelle font parties du répertoire de Monsanto qui, non content de contrôler 87% du marché des semences transgéniques, cherche à s’imposer par tous les moyens dans les pays récalcitrant aux OGM. C’est ainsi que le soja transgénique a déjà été introduit illégalement au Paraguay et au Brésil, pour créer une situation de fait ne laissant plus aucun choix aux gouvernements sauf celui légaliser les cultures (voir cet article). Une fois cette formalité entérinée, Monsanto se retourne alors contre l’Etat et les producteurs pour réclamer les royalties qui lui sont dues au nom des brevets qu’elle possède. Une situation qui ne manquera pas de se reproduire au Mexique.
Pour Monsanto, il est fondamental de contrôler le marché mexicain du maїs puisque il s’agit du quatrième producteur mondial. Bien que l’entreprise dispose aussi de semences non transgéniques, avec de meilleurs rendements d’ailleurs, elle veut vendre son maїs GM à tout prix car ses semences sont sous brevet ce qui justifie un prix plus élevé et permet d’empêcher la conservation des semences pour la saison suivante. Monsanto n’oubliera pas de vendre au passage quelques milliers de litre de Roundup aux agriculteurs mexicains.
L’assaut des entreprises de biotechnologie contre le marché des semences est un véritable acte de vandalisme. Alors qu’il y a moins de quarante ans, les semences circulaient librement et étaient encore dans les mains des paysans ou d’institutions publiques, aujourd’hui 82% du marché des semences commerciales est sous le régime de la propriété intellectuelle (Brevet ou Certificat d’Obtention Végétale). De ces 82%, Monsanto, Syngenta y DuPont contrôlent quasi la moitié (47%) du marché mondial.
La collaboration – par action ou inaction- dont font preuves les autorités mexicaines à l’égard de ces multinationales, pour les aider à mettre la
main sur le maїs et la vie des habitants du pays, est un véritable crime historique. En un mandat, ce petit groupe de fonctionnaires se prétend en droit d’offrir à six entreprises multinationales non seulement l’héritage de 10 000 ans de culture et de traditions des peuples d’Amérique centrale mais aussi la souveraineté alimentaire du Mexique.
Cependant la majorité du patrimoine des espèces de maїs (rouge, noir,…) reste dans les mains des peuples indigènes qui les ont créées. Comme l’ont déjà annoncé les organisations du Chihuahua et beaucoup d’autres « s’ils continuent de nous pousser à bout, il ne nous restera d’autre solution que de nous lancer à l’assaut des champs infestés par les transgéniques. »
Source : Journal La Jornada (Mexique), 11 octobre de 2008 par Silvia Ribeiro Grupo ETC
16:30 Publié dans LATINA AMERICA | Lien permanent | Commentaires (0)
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