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17/01/2010

Nous poètes ratés

de Fabrice Marzuolo

 

 

Parfois on écrit pour se donner des idées. Le pire. Alors on n’écrit plus pendant un bon moment. On attend les jours plus mauvais, c’est toujours possible.

 

(Histoire de cas ou le cabinet d’écriture : j’ai envie d’écrire mais rien ne vient. Situation aussi pénible que lorsque j’ai envie de faire et que je n’y arrive pas. Mais quand j’y parviens, si le résultat est dans les deux cas semblable, le soulagement n’opère que dans un seul cas.)

 

Si on connaît la date des soldes, le résultat du match de foot, le palmarès des meilleures ventes de portables alors on a déjà plus de raisons d’écrire que n’importe quel poète.

 

 Parfois on écrit pour tuer l’ennui qui survient avec le manque de pouvoir d’achat. On fréquente les ateliers d’écriture où on apprend à tailler des phrases de prisonnier à vie.

 

On continue d’écrire un poème qui ne tient même pas la place d’un fait divers. Rien.

 

On pourrait s’unir, tous ceux qui sont effacés à mesure…Ceux qui ne correspondent jamais à ce que les éditeurs recherchent…On pourrait s’unir mais pas sûr qu’on se supporte longtemps.

On sauterait de joie sur nos bonnes mines.

 

On continue d’écrire parce qu’on a ouvert un journal, lu qu’un type a tué ses enfants, qu’un autre s’est pendu, qu’il a brûlé sa maison, qu’avant il a étranglé sa femme. Qu’une autre est devenue reine de Roland Garros, on lit aussi le succès du réveillon des seniors et des personnes seules –auquel pourtant on n’était pas.

 

On n’écrit plus, on reste les mains dans les poches. Et on écrit à nouveau parce que c’est moins éprouvant en définitive que de regarder la télévision non stop.

 

On écrit car on essaye d’être poète. On écrit et les autres vous répondent : non !

 

Parfois on lit les poètes des oui ! (ceux qu’on entend) A travers eux, on essaye de comprendre le non à soi. Puis on rature ce qu’on a écrit. Parfois on ne rature même plus, directement  on déchire les feuilles. Il n’y a plus rien. Il n’y a jamais rien eu ou le poète tu.

 

On n’écrit plus. On marche sans trop réfléchir …Hélas, on a pris le mauvais pli des pensées qui tirent les mots du stylo. Voire le pli des mots qui précèdent les pensées !

Parfois on crache ces mots sur les trottoirs. Les trottoirs qui sont pourtant plus respectables que les pages noircies.

 

Parfois on écrit encore après avoir arrêté d’écrire. Comme on continue d’avancer quand on a freiné…Il est trop tard.

 

On continue d’écrire par ennui de tout. Parce que normalement on est mort.

On continue d’écrire parce que les autres font tout pour qu’on arrête d’écrire. Ils nous jettent leur silence, leurs insultes, leur indifférence ou leurs génies à la figure, c’est pareil.

 

On écrit comme un clodo se pose devant une parfumerie. Pour que le monde se sente avant la parfumerie. Mais le monde aime se sentir bon.

On écrit comme on sort in extremis du cercueil, en époussetant sa veste.

Et plus ils nous taisent plus on écrit. Qu’ils ne nous sans taire ! Tu pues le monde !

 

On écrit qu’on n’est pas lu dans l’espoir d’être lu. Et plus on écrit qu’on n’est pas lu, moins on est lu (il arrive qu’on écrive pour le plaisir de ne pas être lu sachant que ceux qui ont lu et n’ont pas aimé nos écrits vont réagir comme s’ils ne nous avaient pas lus)

 

On n’a pas attendu d’écrire pour être rejetés. On écrit comme pour forcer un barrage de police avec des faux papiers comme pour essayer d’entrer par la fenêtre après qu’on nous a claqué la porte au nez. On noircit du papier pour se blanchir.

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(NdE : bon alors ça va mieux maintenant ?)

 

22:31 Publié dans COPINAGE | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Je ne sais pas si ça fait du bien, mais en tous cas, moi j'aime bien !

Écrit par : co errante | 20/01/2010

Les commentaires sont fermés.