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27/05/2010

L'insouciance d'un instant...

"Aujourd'hui, dans mon ermitage, j'éprouve un sentiment profond d'osmose avec la nature. Tout espace intérieur possède une ouverture sur l'extérieur. La sève des arbres, le passage fugitif des saisons, la richesse et les variations sans fin de la lumière participent étroitement à la vie intérieure. J’aime mon « aquarium de sérénité », sa relation permanente avec le jardin qui entoure la maison. (...) Je vis comme au XIXe sicècle : une cuisinière à bois et, entre maison et atelier, une source vive. La géomancie du lieu est parfaite, j'y prends racine.

(...) Pour aider à la concentration, je me suis retirée du monde. Les temps de vacuité, de perception intime sont propices au détachement. Plus j'avance, plus je recherche une banalité de la vie au quotidien qui m'offre une solitude joyeuse. Cette quête de simplicité éveille en moi une profonde réceptivité aux manifestations du vivant et de ses lectures, même infimes. C’est seulement dans cet état de sérénité quo'n peut capter la source de son coeur. Cette ascèse, j'ai mis du temps à la saisir, à la pratiquer vraiment. Entre la théorie et l'éveil réel aux mystères de la vie, l'apprentissage est si long qu'on à peine à y croire. Une chose est certaine : c'est la pratique quotidienne de l'éveil qui donne accès à l'authentique connaissance.

(...) Ce n'est que récemment que j'ai compris le principe interne, l'alchimie qui donne la vie. Pour atteindre cette peinture, plus sublime, plus divine encore, je dois toucher à une vérité intime, indicible. Travailler l'insipide. Rechercher encore l'humilité, la liberté vis à vis de la maîtrise acquise. Il faut que je devienne bendan comme on dit en chinois : « idiote » ou « bécasse »... grande théorie des maîtres taoistes. Avec le temps et l’ivresse, qui sait ? Peut-être y parviendrai-je...

Peu à peu je me suis familiarisée avec cette vie, le compagnonnage du silence et la présence du non-dit. Il devenait nécéssaire d'oublier le temps, de s'oublier soi-même ainsi que toutes pensées, opinions, cultures acquises. Je puis alors devenir "bois brut", "herbe au vent" ou "brise du printemps". (...) On se rend compte que, derrière le vide apparent du silence, la vie grouille de toute parts et c'est alors, avec pudeur et émerveillement, qu'on saisit la pense poétique. (...) Quelle puissance, quelle connaissance savante quelle complexité dans le "presque rien" d'un bourgeon ! (...) Acceuillir sur le pas de sa porte la beauté du monde, libre et sans entrave, l'insouciance d'un instant...."

 

 

 

Fabienne Verdier in Passagère du silence

 

Lieu du larcin : mon exemplaire de ce récit paru chez Albin Michel en 2003 et que je viens de terminer, j'ai beaucoup aimé.

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