14/03/2011
Nos systèmes pensent pour vous !
Votre attention s’il vous plait vous venez d’entrer dans une zone PIB.
Poésie Intérieure Brute
Zone non sécurisée
Zone sauvage
Il est encore temps de fermer le livre et de rejoindre en TGV votre espace aseptisé habituel.
Non ?
Adepte de la prise de risque ?
Ok
Poursuivez donc la lecture. Mais attention : soyez vigilant ! Si en cours de route vous apercevez une émotion abandonnée. Eloignez-vous en ! Sur la pointe de la langue. Et référez-en à nos penseurs à sens unique ! Avant qu’elle ne vous pète à la gueule ! Et ne vous ravage ! Vous laissant alors fragile. Et nu. Bon à moins que rien.
Non ?
Vous restez ?
Vous choisissez, dites-vous, de vivre dangereusement ?
Le cœur battant ?
L’intelligence à l’affût ?
Et l’œil aux aguets ?
C’est cela !… Usez donc de votre liberté !… Sachez cependant qu’aucun dégât ne sera remboursé par vos assureurs. Et que l’abus de poésie crée la dépendance. En effet. Au delà de deux vers nos détecteurs de réflexion autonome virent au rouge. Et vous êtes passible d’une amende. Pour vie en état de profondeur avancée. Et d’un retrait du permis de lecture.
Même un seul vers par jour. Qu’il soit régulier ou libre conduit à la dépendance.
Poésie égale subversion.
Ici et maintenant. Dans le cadre de notre lutte sécuritaire. Sous les lames du grand sécateur souriant. La subversion est naturellement intolérable. Méfiez-vous des poètes ! Fuyez-les ! Dénoncez-les !
Ces grains de sable !
Leurs mots chargés d’âme à fragmentation cachent leurs pouvoirs de destructions massives sous les ballasts de leurs lignes ! Leurs cartouches encrent à bout portant vos cervelles. Leur pouvoir d’étonnant n’attend que la flamme de votre regard pour exploser les certitudes que nos dir.com. ont patiemment ancrées en votre esprit. Pour votre bien-être.
Vous continuez à lire ?
Humain sans conscience ! Humain sans confiance !
Comment préférer le doute à notre béatitude pasteurisée ?
Pourquoi chercher à vivre au-delà des glissières de sécurité dans les zones incertaines de mort possible alors que nous faisons tout pour anesthésier en vous toute incertitude ?
Tout désir d’indépendance ?
Toute pulsion d’amour sans préservatif ?
A l’ère atomique quel feu voulez-vous donc dérober ?
Celui qui animait les chandelles des temps obscurs ?
Allons donc ! Soyez un peu raisonnable ! Fermez ce livre ! On ne peut faire table rase des acquis du progrès !
Non ?
Vous persistez ?
Comment vous faire comprendre qu’il n’est plus temps de jouer avec les mots ?
Soyez sérieux !
Revenez à vos claviers soigner notre Produit Intérieur Brut ! Vous n’en serez que plus heureux ! Revenez à vos claviers ! A vos textes analphabètes ! A vos vies sous écran de contrôle ! A vos désirs aseptisés ! Ici vous ne risquez aucun virus ! Revenez à vos claviers !
Identifiez-vous ! Code personnel ! Confirmez votre code !
Aucune panne à craindre ! Nos groupes électrogènes veillent ! Vos vies glissent sur nos rails sécurisés ! Aucune agression ne vous guette : nos systèmes de surveillance fonctionnent à 177 % ! Soyez tranquilles ! Ecoutez penser vos écrans ! Ne vous fatiguez plus ! Consommez ! Dormez ! Consommez ! Dormez ! Nos systèmes de surveillance veillent sur vous ! Nos systèmes pensent pour vous !
(c)Patrick Joquel
http://joquel.monsite.orange.fr
Texte que j'ai lu et beaucoup apprécié dans Pages Insulaires n°17 - Février 2011, et que Patrick Joquel m'a bien gentiment fait passer pour ce blog.
09:39 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
j'avais cette nuit décidé de fermer mon blog. pour rompre ma dépendance, pour déchirer le lien qui m'accroche, pour me tuer parce qu'inutile ou présomptueuse... et me voilà à lire ce texte et à me dire: non...encore.
Écrit par : annaj | 16/03/2011
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