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22/05/2011

Des nouvelles du campement de Barcelone, résistance pacifique

 

"Comme vous le savez peut-être, depuis les manifestations du 15 mai appelées par le collectif Democracia real ya!, à l'occasion des campagnes électorales, les soulèvements populaires en Espagne s'amplifient et s'organisent.

On parle beaucoup de la Puerta del Sol à Madrid, qui rassemble plusieurs milliers de personnes chaque jour et nuit ( http://www.courrierinternational.com/article/2011/05/20/u...). Comme dans un grand festival, la place est organisée en différents stands (repos, cuisine, librairie...) et différentes commissions qui s'occupent de l'organisation: infrastructure, communication, économie, débats, contenu des manifestes...

Ayant la chance de vivre au jour le jour le déroulement des évènement à Barcelone, seconde capitale d'Espagne, je me propose d'envoyer un témoignage vivant d'une journée-nuit passée sur la Plaça Catalunya.
Tout d'abord, le site officiel, avec vidéo du direct de la place, la déclaration de principes (en français un peu plus bas sur la page), et beaucoup plus: http://acampadabcn.org/
Ainsi que quelques photos http://www.flickr.com/photos/63145053@N04/

A 20 heures commence la "casserolade" générale: plus de 4000 personnes sur toute la place, soulevées par des vagues de chants et d'applaudissements, tapent en continu sur des casseroles pendant une heure et demie. Une étincelle dans les yeux, le sourire aux lèvres. Il y a des jeunes, des vieux, des jeunes-vieux et des vieux-jeunes, des bébés, des chiens. Les pigeons et les touristes ont étrangement disparus.

Tout autour, les banques et le grand centre commercial font grise mine. D'ailleurs, les énormes publicités qui font partie du paysage "normal" de la place, sont découpées à l'endroit des logos, sous l'approbation enthousiaste (parfois perplexe) de la foule. Voir photos.

Ce qu'on veut? On le sait sans le savoir. Mais ce qu'on sait, c'est qu'un changement devient aujourd'hui plus que nécessaire, à tous les niveaux.

Sur les pancartes et banderoles confectionnées par tout un chacun et affichées un peu partout, aucune étiquette politique ni syndicale. On aborde un peu de tout: ras-le-bol du système en général, Big Brother, brain-storming de la télévision, solidarité aux révolutions islandaise et du Moyen-Orient, écologie, impérialismes américain et européen, chômage, banques et capitalisme, privatisation, immigration...

"Passons de l'indignation à l'organisation et à l'action!"
C'est le premier mot d'ordre de l'Assemblée, qui commence à 22h. Sur la place, les gens se sont assis et un silence respectueux laisse place aux propositions énoncées dans les hauts-parleurs. A l'occasion des débats organisés pendant les jours précédents, la commission de rédaction a mis en place un manifeste qui est soumis point par point à l'avis de l'assemblée. Un langage gestuel permet d'exprimer son accord ou désaccord, ou encore de faire remarquer que le gus au micro s'éternise.
Au loin, j'aperçois même des traducteurs en langage des signes.

Le manifeste, qui sera de nouveau proposé au débat aujourd'hui, aborde, entre autres, (et ici en vrac), les points suivants:
la refondation du système politique: sur la base d'une véritable démocratie au service du peuple et non de l'économie capitaliste; la transparence de toute décision politique, ainsi que celle de la presse; l'annulation de la dette nationale; l'abolition des privilèges (tiens tiens!) des banquiers et des grandes fortunes internationales; la mise en place d'un système social efficace; l'interdiction des paradis fiscaux; des transports publics plus efficaces et écologiquement durables; la refondation de la formation professorale et du système éducatif; l'abolition de la Monarchie; l'extension de la Plaça Catalunya à tous les quartiers de la ville grâce à l'organisation d'assemblées de quartiers; la remise en cause des récentes directives européennes, ainsi que des institutions elles-mêmes; un référendum pour chaque nouvelles loi importante; le respect des êtres vivants sans distinction, et abolition de la loi sur l'étrangeté; et j'en passe.

Alors que, enthousiaste, la majorité donne son approbation aux points les plus importants, je note à plusieurs reprises quelques larmes de reconnaissance sur les joues de mon voisin.

Des solutions concrètes sont plus ou moins énoncées, en fonction du thème abordé ; on sait que tout changement de paradigme prend du temps.
Cependant, aujourd'hui, tous s'accordent pour dire que nous vivons un moment historique: la chose politique semble devoir revenir aux mains de tous, la croyance dans les partis politiques et les médias étant publiquement devenue désuète.
Nous devons "discuter, parler, et affronter les problèmes de face, ensemble, chercher le consensus et oublier la compétition. Ce qui n'a pas été enseigné à l'école, au collège ou à l'université..."

L'Assemblée se termine à deux heures du matin avec un appel à tous les peuples à reprendre leur dignité en main, suivi par une minute de silence générale en soutien aux révoltés de Syrie.

Puis, le campement s'organise. Plusieurs percussions transforment des coins de la place en en fêtes discrètes, des cartons et sacs de couchages s'étendent un peu partout. Des centaines de personnes foncent à la commission "bouffe" autogérée - prix libre, ou gratuit, selon qui veut et qui peut.

Et les micros continuent: 45 min de plus sont proposées à qui veut prendre la parole, comme ça, en vrac. L'ambiance est un peu plus jeune, mais pas moins engagée. On accuse la télévision, les banquiers, les multinationales et les politiques anti-immigration, on remercie ceux qui sont là, le public applaudit ou hue, on propose des petits détails pour l'organisation des prochains jours. A trois heures 45, un communiqué express nous apprend que la police a joint le mouvement dans les îles Canaries. Euphories, chants et embrassades.

Des gens passent avec des sacs poubelles pour essayer de rendre le lieu plus propre. Certains boivent, mais la minorité, et ils sont plutôt mal vus. La police, qui devait venir nous déloger à minuit, n'a pas fait signe. On espère les voir rejoindre le mouvement prochainement.


Aujourd'hui, la Coopérative Intégrale Catalane, initiative inédite pour une véritable porte de sortie au capitalisme, présentera publiquement quelques points essentiels lors de l'assemblée.


Je rappelle qu'Enric Duran, fondateur la Coopérative aussi appelé le "Robin des Banques", viendra en présenter les points essentiels en France lors d'une tournée de conférences en juin. Compte tenu des évènements, les thèmes abordés s'élargiront bien entendu à l'actualité du pays et aux mouvements populaires dans toute l'Europe. "

Salutations

Marie R

 

 

Pour ce qui concerne Madrid, vous trouverez beaucoup d'informations ici:
http://madrid.tomalaplaza.net/manifiesto-2/#fr

A savoir également:
1/ le gouvernement espagnol cherche pour l'instant à stopper ce mouvement en interdisant les rassemblements publics:
http://actuable.es/peticiones/urgente-exige-autoricen-con...
2/ le mouvement est soutenu, relayé par des manifestations et des camps nombreux en Europe de l'Ouest et dans quelques capitales du monde:
http://www.thetechnoant.info/campmap/

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