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24/03/2012

Remise de la médaille : Chevalier des Arts et des Lettres à Gérald Bloncourt

 

Mairie du XIe – Paris – Le 23 Mars 2012

 

 

Honneur et respect

Mesdames, Messieurs, Chers amis, Chers Camarades,

 

J’ai conscience ce soir de m’adresser à vous en une période tendue de notre histoire.

 

Des évènements d’une gravité poignante ont marqué cette semaine.

 

La violence et le crime, plus que jamais, ont resurgi sur notre terre de France., déjà tant éprouvée au cours de son histoire.

 

Nous sommes, je l’espère, de ceux qui luttons pour une vie meilleure, empreinte de justice, de tolérance et d’espoir en une humanité fraternelle et solidaire.

 

Après les intervenants qui m’ont présenté, et de quelle façon élogieuse, je vais tenter de vous dire quelques mots. Quelques mots pour témoigner de ma volonté de dire : Oui à la vie.

 

Je me permets de citer en préambule, le grand poète, Jacques Prévert :

 

…Nous, nous resterons sur la terrre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la Trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son Océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuilleries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-mêmes d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Avec leur tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons.

 

Pour poursuivre mon propos, je remercie le Ministre de la Culture et de la Communication, Monsieur Frédéric Mitterand, qui m’a décerné cette décoration, sans doute, comme je le suppose, pour mon travail aux côtés des travailleurs, des humbles, des sans papier. Ceux que l’on a un jour qualifié : « la France d’en-bas ».

 

Je remercie, avec sans doute plus d’affection, mon Député, Maire du 11e, Monsieur Patrick Bloche, et à travers lui, tous ses camarades, qui m’ont accueilli un jour, fraternellement, un certain lendemain du 1er mai 2002.

 

Je n’oublierai donc pas de remercier également : Michel Puzelat, Philippe Ducloux, François Vauglin, Stéphane Martinet, les élus du Conseil d’Arrondissement et ceux qu’il m’est impossible de tous citer ici, qui ont conforté en moi l’Espérance d’une France enfin fraternelle et digne de sa grande Révolution.

 

Je dis merci aussi au maire de Paris, Monsieur Bertrand Dalanoë qui m’a distingué, il y a deux ans, par la Médaille Vermeille de la Ville de Paris qui est une reconnaissance qui me tient à cœur.

 

Je n’ai jamais eu l’occasion officielle de le lui dire. J’en profite aujourd’hui.

 

Je dirai avec émotion : merci au peuple d’Haïti qui m’a vu naître.

 

C’est en lui que j’ai puisé les valeurs qui m’ont accompagné au long de ma vie.

 

C’est au milieu de ses habitants, héritiers de la première victoire contre l’esclavagisme que j’ai compris le sens des mots : DIGNITÉ, LIBERTÉ, ÉGALITÉ et FRATERNITÉ.

 

C’est dans ce pays, que j’ai appris à connaître et à aimer les sons et les couleurs, les paroles et l’écrit.

 

Je me sens profondément solidaire de ce peuple qui a connu et surmonté tant de souffrances et qui, aujourd’hui encore, se débat, accroché désespérément à l’ESPOIR. Espoir en un monde meilleur et juste.

 

Je veux aussi dire merci à Isabelle.

 

Isabelle REPITON

 

Pour moi : Isabelle de PARIS.

 

Durant mon dernier quart de siècle elle m’a soutenu, réconforté, encouragé. Grâce à elle j’ai pu rester aux créneaux.

 

Merci à mes filles Ludmilla et Morgane Bloncourt, dont l’affection me permet de tenir bon.

 

Merci à ma fille Sandra Bloncourt que j’accueille ce soir, avec beaucoup d’émotion.

 

Merci à Martine Uzan, la maman de Ludmilla, dont je me souviens le soutien lors de mon combat en tant que gréviste de la faim en l’Eglise St Merry, en 1981, et au moment de la Conférence de Panama qui regroupait les opposants haïtiens à la dictature Duvaliériste.

 

Merci aux Dockers du Havre, de Marseille ou de Dunkerque.

 

Merci aux mineurs du Nord, de Trieux ou de Provins.

 

Merci aux ouvrières de Roubaix ou de Valenciennes.

 

Merci aux sidérurgistes de Longwy ou de Gandrange.

 

Merci aux ouvriers des usines Renault dont j’ai suivi les luttes durant plus d’un demi-siècle.

 

Merci aux immigrés portugais, polonais, italiens ou Nord-Africains. J’ai témoigné de leur participation à la reconstruction de la France.

 

Merci à tous ces travailleurs et travailleuses dont j’ai mangé le pain et bu le vin, et dont j’ai tenté de transmettre les luttes, la colère et l’espérance.

 

Merci à tous ceux que j’ai rencontrés et qui m’ont enrichi.

Merci à Jean Lurçat, Pablo Neruda, Georges Brassens, aux innombrables créateurs, aux multiples artistes qui ont contribué à me façonner.

 

Merci à mes Editeurs sans lesquels je n’aurais pas pu faire connaître mes différents témoignages. Ils sont trop nombreux pour que je les cite tous ici. Je rappellerai seulement quelques-uns des noms qui me viennent en tête. Ils sont devenu des amis : Medhi Lallaoui, Boris Danzer Kantof, Bruno Doucey, Rodney St-Eloi, Francis Combes, Emmanuel Lemieux, Jean Louis Celati, Lionel Mouraux, Emilie Morel, Yves Chemla, et Thomas Spear. Merci aussi à mes amis de l’Agence Photographique Rue des archives : Catherine Terk, Darius Shepard et Nicolas Patiou, ainsi qu’à toute leur équipe.

 

J’ajouterai encore trois noms :

 

Ceux de mes frères d’images : Gérard Lavalette et Gérard Laurent.

 

Encore celui d’un de mes frère de combat, ici présent, qui a lui seul, représente tous ceux qui sont tombés dans la lutte contre la dictature haïtienne : Max Bourjolly.

 

Et un immense merci à vous tous, amis ici présents, qui m’aidez à être, merci de tout mon cœur. Votre présence me réconforte et m’aide à tenir bon.

 

Merci cette fois, profondément, à Monsieur Patrick Zampa, qui fut directeur général du Conservatoire Libre du Cinéma Français qui m’a remis cette décoration, et qui a bien voulu prendre le temps de m’accompagner aujourd’hui. Nous avons pu auparavant échanger quelques idées. C’est un homme remarquable, pétri d’érudition, et dont le parcours de vie m’a rappelé des évènements que nous avons pu, l’un et l’autre connaître, sous un même angle critique. Merci à lui. Je suis honoré par son soutien.

 

Pour conclure, une petite anecdote :

 

Je disais récemment au cours d’une de mes expositions à St-Junien, non loin de Limoges, à des visiteurs qui m’interrogeaient sur mes images : « Je n’ai aucun mérite, je n’ai fait que recopier ce que j’ai vu. »

 

Mes auditeurs ont eu l’air de s‘étonner.

 

C’est pourtant vrai. Je n’ai été que le témoin de mon époque et ce sont ceux-là même, sur mes photos ou dans mes textes, qu’il faut féliciter.

 

Ce sont eux qui m’ont appris à rêver « aux lendemains qui chantent ».

 

Je ne suis, quant à moi, qu’un passeur de mémoire.

 
 

Gérald Bloncourt

 
 
 
 

Pour compléter mon intervention je donne la parole à mon ami Jean Durosier Desrivière, écrivain et poète haïtien, qui a accepté de vous dire un de mes poèmes : LA PLUIE écrit en Haïti, à Delmas, en 1987.

 

23 Heures - La pluie...

La pluie toutes ces larmes de pluie milliers de gouttes qui claquent éclatent sur les pierres chantent sur les feuilles tapent sur les tôles et par moment changent de cadence chante cette multiplication effrénée obstinée rageuse ample ces coups d’archets profonds de violoncelle ces voix fantômes qui s’entrecroisent et qui semblent livrer la sourde plainte des bidonvilles ruissellements obstinés laborieux infatigables ces cordes de guitares fluides de sons désaccordés la pluie de mon enfance rêveuse de mes yeux étonnés ouverts dans la nuit de mon amour des autres de toi à venir de mon être tendu croisant le désespoir des rues et mes forces à tenir le monde entre mes mains à soutenir l’ennui à saccager la mort à cueillir l’offrande de ma terre de mes premiers émois la pluie tombe dans mon crâne déborde mon âme inonde ma plaine la pluie la pluie qui tombe sur moi entre nous dans ta maison dans ta chambre sur ton coeur sur ton corps la pluie saison-été-caraïbe-éclaboussée la pluie encore ton visage mouillé tes larmes d’hier au soir ta robe bleue si belle tes épaules tes hanches ta taille et la pluie la pluie qui goutte à présent lentement précautionneusement tintinnabule au-dehors frisson humide de tes lèvres la pluie la pluie goutte stalactite de mes mille pensées en vrac en foule de toi pour toi la pluie de tes paupières empierrées de sommeil la pluie sur ta fatigue la pluie douce des mots sur ton front la pluie dors Sabine pluie couleur de mon désir pluie d’espace si grand de ta présence pluie du petit mendiant de ce midi de sa détresse de notre impassible impossibilité pluie de ta fuite en taxi pluie source pluie crevant le roc pour sourdre à tes pieds sous tes pas pluie ma pluie notre pluie qui tombe à genoux devant toi sur nous qui nous aimons sous le ciel d’Haïti dans la nuit sourde de ton baiser fébrilement téléphoné fiévreusement cueilli... Je t’aime mon amour...Bonne nuit...

Gérald Bloncourt

Delmas - Haïti, Mai 1987

 
 

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