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10/07/2012

Tryptique du veilleur de Louis Raoul

Note publiée sur : http://www.lacauselitteraire.fr/tryptique-du-veilleur-lou...

 

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Cardère, 2012, 58 pages, 12 €

 

 

Parce que la vie nous pousse de l’avant tout en nous dépouillant, vient ce temps où il nous faut prendre de la hauteur, de cette nécessité-là peut-être est né Triptyque du veilleur. Une tour, une barque et une archère. Non pas un, mais une, selon le choix de l’auteur. Une archère, qui est aussi la flèche envolée, et la cible invisible de l’au-delà.

Il y a donc une tour dans la première partie, intitulée L’approche de la hauteur. Une tour de pierre, de chair et de vent.

 

« Prisonnier et gardien

Tu n’habites pas la tour

Tu es ses assauts et sa défense

Le poème qui la fonde ».

Mais voilà, « Entrer dans la tour n’est pas tout, il faut se faire accepter de la hauteur ».

Et qui dit tour, dit sentinelle, celle qui veille quand tout le monde dort.

 

« Les tours fécondent la nuit

Les sentinelles oubliées. »

 

Il est question de solitude dans ce recueil à l’écriture très concise, dépouillée, polie comme les pierres qui doivent s’ajuster parfaitement pour former une tour et on songe au Désert des Tartares de Buzzati. Au cœur de cette solitude, qui est le lot de chacun d’entre nous dans le voyage de l’existence, l’auteur se raccroche au poème, pierre de fondation, point d’ancrage et nous embarque dans la seconde partie du recueil, la Barque. C’est au lecteur qu’il s’adresse, un autre lui-même.

 

« Il faut rester là longtemps

Jusqu’à que ce que cette barque qui est vous

Prenne âge de toute part

Et le chant cèdera

Qui vous retenait au monde »

 

Qui dit barque dit traversée, se détacher des rives, du connu, se préparer à la grande fonte du soi.

 

« Il reste à mettre de l’ordre

Dans cette débâcle du dire

Vous n’êtes pas encore

De ceux qui signent d’une noyade

Au bas de l’eau ».

 

Il y a alors récapitulation, souvenance.

 

« Un portail

Vous attendait

Au bout de l’enfance

Que vous ne saviez pas

Tous ces temps d’orage

À jouer

Quand le ciel perdait ses clés

Sur les toits ».

 

Et puis,

 

« Vous entrez dans un autre pays

Une autre saison

La parole se fait maintenant plus lente

Elle peut dire ce bruit de paille

Dans le vent

D’une pluie coupée ».

 

Et c’est cette barque qui conduit

 

« Au pied de la tour

Qui est vous

Il vous faut rejoindre la hauteur »

 

S’ouvre alors la troisième partie du triptyque, l’Archère. Ce terme évoque la tension qui vise un ailleurs plus vaste, « cette nuit je me suis inventé une rupture », qui cherche à percer peut-être un secret, celui qui ne peut nous être dévoilé de ce côté-ci.

 

« J’ai attendu

Un improbable retour

 

(…)

 

Enfermé

Dans l’épaisseur

D’une vitre ».

 

Il est question de « cette quête du passage », de « rêve de voyage », un appel d’air, on pense à la symbolique du sagittaire, mais il nous faut redescendre de la tour et « Reprendre taille humaine »

 

« Avec la soif

Qui un des lieux du poème ».

 

Une solitude que l’auteur désire et ne désire pas, hantée par le manque.

 

« Je te cherche encore

Sachant l’inutile

J’interroge les rues de tes pas

J’essaie des portes

Dans la chambre-seconde

Où ton souffle habitait ».

 

L’auteur voudrait sans doute trouver une issue à cet enfermement dans le temps, se libérer des frontières.

 

« J’aimerais bien partir d’ici

Retrouver l’empreinte d’une crinière

Dans le vent

Un galop d’avant la parole

Il me suffirait pour cela

De siffler

Lascaux

Un cheval y manquerait ».

 

Il y a beaucoup de noblesse et de fierté dans ce recueil, taillé par un verbe d’artisan, quelque chose d’intemporel justement, l’ombre d’un chevalier qui demeure droit et digne, le regard fixé sur l’horizon et Louis Raoul le ponctue d’un final à la hauteur.

 

« Puis vient l’heure

D’une lance claire

Et haute

Saison d’orgueil

Et de victoire

Avec le vent

C’est une offrande de feuilles

Au pied de la tour ».

 

Cathy Garcia

 

louis-raoul.jpgLouis Raoul est né en 1953 à Paris où il réside toujours. Il a publié une quinzaine de recueils et a obtenu en 2008 le Prix de la Librairie Olympique pour son livre Logistique du regard publié chez N&B/Pleine Page. Parmi ses autres publications : Par peur de l’équilibre (L’Harmattan), Préface aux confins (Opales/Pleine Page), Sources du manque (Ex Aequo), Démantèlement du jour (Éclats d’encre).

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