16/07/2012
Promesse achevée à bras nus, Éric Barbier
Editions Rafael de Surtis, Collection Pour une Terre interdite, 2011,
56 p. (tirage limité et numéroté), 15 €
Écrire, effraction dans la voix de l’autre »
La poésie d’Eric Barbier puise à une source limpide comme celles des montagnes qu’il affectionne. Dans ce recueil, il se livre à un questionnement qui n’attend pas de réponse. Le poète semble même s’être délivré du besoin de réponse, pour être simplement le témoin d’une nature où se concentre l’essentiel de l’Homme.
« De quoi témoigner ?
l’esprit se déposant en limon
sur la croyance de l’automne
croit ensemencer ce qui n’attend rien »
Eric Barbier sait à merveille capter les langages de cette nature, pour entrer peut-être encore plus profondément en communion avec elle, et s’en faire l’écho. Une poésie d’altitude, à la fois terrienne et transcendante, qui vise le détachement sans l’indifférence.
« Il restera paisible dans son ordre
Chaque nuit retrouvera de quoi occuper le ciel »
Le poète s’abandonne à la nature pour guérir aussi ses douleurs d’homme, les saisons de l’une font les saisons de l’autre, la nature se fait miroir pudique des émotions.
« Il faudra adoucir l’œil pris dans l’hiver
Pour enfanter à nouveau
Les usages du temps »
Mais, il n’est en vérité d’autre temps que celui de l’instant présent, « l’aujourd’hui, seul aujourd’hui », et le questionnement du poète est plus une façon de se livrer à la contemplation, qu’un interrogatoire angoissé.
« Ici
s’attarde un présent anachronique
(…)
demain s’y devine dans les soupçons
des valérianes détrempées d’aurore »
et
« entre les pages pliées
du matin qui s’avance
viennent des semences d’or libre »
L’or du temps peut-être, cher à Breton, mais ici, point de surréalisme, la réalité est suffisamment riche pour que l’on ne ressente nul besoin de s’en évader. La poésie naît de caresses inattendues entre les mots et ce que l’œil perçoit. La contemplation ouvre une porte sur l’éternité.
« La reprise lumineuse d’un œillet
vient m’absenter de ce temps
langueur longée de houx
la paix construit son regard »
Il y a, oui, comme une grande paix dans ce recueil, qu’on a envie de lire et relire afin de mieux s’en imprégner. Une paix cependant non exempte d’ombres, comme la montagne, l’homme a son ubac, ou son ombrée comme on dit dans les Pyrénées. Cela dit, chez Éric Barbier, même l’inquiétude est calme.
Toujours cette quête d’équilibre, grâce au recul, celui que permet justement l’ascension d’une montagne.
« retrouver une distance
se tenir sur le fil
encore lâche du jour
s’y dresser encore à nu
dans l’équilibre empierré de la mémoire »
Ainsi, dans la plus grande simplicité, toute la magnificence du monde s’offre au regard du poète, en « vol fou des hirondelles dans le ciel de cuivre bleu ».
On note au détour d’un mot, d’une phrase, un vide, une absence. L’auteur s’adresse aussi à « celle qui n’est pas là ».
« Le manque se croit-il désir ? »
Mais ce manque, aussi cruel soit-il, se répand en amour diffus pour tout ce qui l’entoure. La solitude s’illumine au contact d’une nature prodigue, elle en devient presque jouissance, plénitude en tout cas.
« J’erre dans la démesurée douceur
du songe »
Et c’est la nature encore, qui enseigne le nécessaire détachement.
« le souvenir d’une robe s’accroche à l’indifférence
d’un alisier »
Le défilé des saisons est une médecine de l’âme, « des fruits viennent l’oubli cueille les siens ».
Sans aucun doute, Éric Barbier est un poète des hauteurs, qui chemine, humble et discret, sur des chemins de sagesse, et en le lisant, on ne peut s’empêcher de penser parfois à ces poètes errant comme, par exemple, Bashô.
Cathy Garcia
Éric Barbier est un poète de Tarbes, ville dans laquelle il est aussi bibliothécaire. Pierre Colin, autre écrivain et poète tarbais, le présente ainsi : « Pourquoi écrire ? » se demande Eric Barbier. Et il répond « Pour inscrire ce témoignage de quelques heures éparses… pour résister à tout et d’abord à soi-même ». La poésie d’Eric Barbier est rebelle aux modes de communication actuels. Elle s’inscrit dans l’étrangeté, la mise en déséquilibre du signe. Elle n’est pas dans une modernité de la mélancolie ou de la beauté. Elle invente de l’inconnu pour ouvrir une brèche vers la réalité de demain.
Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/promesse-achevee-a-bras-n...
15:06 Publié dans CG - NOTES DE LECTURES POÉSIE | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Génial !
Écrit par : Fanny Virgo | 17/07/2012
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