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02/11/2012

Grèce : la «troïka intérieure»

 

Outre le violent traitement que leur infligent l'UE, la BCE et le FMI, les Grecs subissent celui de leurs propres dirigeants.

A quelques jours d'intervalle, deux informations sidérantes où l'on note que le gouvernement Samaras ferme non seulement les yeux sur la lutte contre la fraude fiscale, mais — pire — sur les exactions de sa police, dont la moitié de ses effectifs a voté pour le parti nazi Aube dorée. Dans le viseur : les journalistes qui osent dénoncer ces graves dysfonctionnements.

La «liste Lagarde»

La première actu concerne le journaliste Kostas Vaxevanis, arrêté dimanche sur ordre du parquet d'Athènes après avoir rendu publique la «liste Lagarde» comportant 2.059 noms d'évadés fiscaux grecs ayant placé de l'argent sur des comptes de la banque HSBC en Suisse, parmi lesquels ceux de personnalités connues : politiciens, médecins libéraux, hommes d'affaires ou grandes fortunes. Mis au pied du mur depuis un mois par la Commission de transparence du Parlement, les anciens ministres des finances du Pasok, Evangelos Venizelos et Giorgos Papaconstantinou, destinataires de cette liste en 2010, peinent à se justifier d'avoir passé ce document sous silence pendant deux ans et n'avoir procédé à aucune enquête...

Or, ces ministres mis en cause échappent à toute poursuite tandis que Kostas Vaxevanis, qui a été relâché, se voit accusé d'avoir enfreint la loi sur la publication de données privées. Après avoir comparu lundi devant la cour pénale d'Athènes où il devait être jugé en flagrant délit pour le délit de violation de données personnelles, le journaliste de 46 ans, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Hot doc, s'est vu accorder un délai de trois jours : son procès aura lieu demain jeudi. Il risque 5 ans de prison. Heureusement que cette affaire suscite un tollé international, et que l'homme ne manque pas de soutiens. Lundi, en solidarité avec Kostas Vaxevanis, le quotidien grec Ta Nea a publié à son tour sur plus de 10 pages la fameuse liste de suspects.

Dans cette affaire, c'est le Pasok (social démocrate), membre d'un gouvernement de coalition avec la droite aux ordres de la troïka, qui est en cause. Mêlés jusqu'au cou à la corruption généralisée qui gangrène le pays, ses dirigeants se savent gravement menacés et se conduisent comme s'ils n'avaient plus rien à perdre, mentant éhontément au Comité de transparence du Parlement et s'attaquant ouvertement à ceux qui veulent mettre fin au système clientéliste sur lequel ils ont bâti leur pouvoir. Quitte à porter atteinte à la liberté de la presse et à en revenir à des pratiques dignes du temps des colonels.

Une étude récente évalue le coût de la fraude fiscale en Grèce à 40 milliards d'euros par an. Aller chercher cet argent là où il est serait sans doute plus judicieux que de rafler les derniers centimes au fond des poches d'une population déjà essorée et à genou. Mais non : en Grèce, on chasse la fraude fiscale à la mode libérale !

Des tortures policières

Deuxième info tout aussi inquiétante et moins médiatisée : la suspension de deux journalistes de la télévision publique, Kostas Arvanitis et Marilena Katsimi, qui ont osé évoquer en direct dans leur émission les violences et les tortures dont ont été victimes une quinzaine de personnes dans les locaux principaux de la police à Athènes.

Ces manifestants avaient été arrêtés dimanche 7 octobre lors d'affrontements avec des sympathisants du parti d'extrême-droite Aube dorée. Certains ont témoigné dans le Guardian — qui a également publié des photos —, affirmant avoir subi des tortures «dignes d’Abu Ghraib» de la part de la police grecque (dont un membre sur deux a voté… pour Aube dorée). Après avoir été dénudés, ils auraient été soumis à des coups, des brûlures de cigarettes et empêchés de boire et de dormir à l'aide de torches de lasers. Les policiers auraient filmé la scène et menacé de communiquer leurs adresses à Aube dorée, connue pour ses violences. Par peur de représailles mais pour que les faits soient connus en Europe, quelques militants ont tout de même tenu à témoigner anonymement dans le quotidien britannique de gauche.

Un de leurs avocats avait alors déclaré : «Cela arrive quotidiennement. Nous avons des images, nous avons des preuves de ce qui arrive aux gens qui se font arrêter pour avoir protesté contre le parti néo-nazi en Grèce. C’est le nouveau visage de la police, avec la collaboration de la justice». En effet, et l'Histoire l'a maintes fois prouvé, le tropisme des riches pour l'extrême-droite est un classique : preuve est encore faite que la fonction de ces partis fascistes, sous couvert de s'adresser au petit peuple qui souffre, est de le détourner de ses intérêts au service de la classe dominante dont ils préservent le système.

Cela a fortement déplu au ministre de l'Intérieur, le conservateur Nikos Dendias qui a menacé de porter plainte contre le Guardian et n'est certainement pas étranger à la suspension des deux journalistes qui ont osé évoquer l'affaire, restée jusqu'alors confidentielle, ainsi que son éventuelle démission.

Crise économique et crise démocratique : ce qu'il se passe en Grèce est tout bonnement effrayant !

SH
 
Source : http://www.actuchomage.org/2012103123072/Mobilisations-lu...

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