15/12/2012
Comment la finance de l'ombre menace l'économie mondiale
mardi 20 novembre 2012 à 07h58
Le "shadow banking" a atteint le niveau record de 70.000 milliards de dollars en 2011, selon le FSB. Or les activités de ce secteur, très développé en Europe, sont peu contrôlées. Explications.
Quels sont les acteurs de ce système bancaire parallèle, capable de déstabiliser l'économie mondiale? L'Europe est-elle concernée par le problème? Trends.be fait le point.
Le "shadow banking", c'est quoi?
Le "shadow banking" recouvre toutes les sortes de placements qui concurrencent les dépôts bancaires. La plupart du temps, ils sont effectués par des fonds de titrisation, des hedge funds, des banques d'affaires ou des fonds monétaires, c'est-à-dire des entités qui ne sont pas soumises à la réglementation bancaire, car elles ne reçoivent pas de dépôts. Les investissements réalisés par ce système bancaire parallèle offrent souvent des rémunérations attractives, mais ils présentent aussi des risques plus élevés pour les investisseurs.
Cela n'empêche pourtant pas leur développement. Même la crise financière ne parvient pas à stopper la tendance. Depuis 2009, les investissements réalisés par les hedge funds et autres entités non bancaires sont repartis de plus belle. Le FSB estime ainsi la taille des activités de la finance de l'ombre à environ 67.000 milliards de dollars en 2011, soit entre 5.000 à 6.000 milliards de plus qu'en 2010.
En théorie, ce développement d'une finance parallèle pose un problème de concurrence pour les banques traditionnelles. Cependant, il faut le souligner, celles-ci sont très impliquées dans le shadow banking. Nombre d'entités de l'ombre bénéficient d'un soutien implicite des banques. Celui-ci peut prendre plusieurs formes: utilisation d'une marque, d'un réseau de distribution, apport de liquidités... De fait, une partie importante du shadow banking est liée aux banques. Et c'est bien ce qui pose problème pour le régulateur.
Le shadow banking, c'est bien ou pas?
"Shadow banking" et finance de l'ombre ont souvent une connotation négative. Ces activités permettent pourtant de financer l'économie. On a longtemps dit, par exemple, que la titrisation avait permis d'apporter énormément de liquidités sur les marchés. Cependant, il y a eu des excès. Pendant des années, les banques et les hedge funds se sont amusés à découper les crédits immobiliers en tranches et à les incorporer à d'autres produits financiers complexes, dotés d'une rentabilité supposée imbattable. Ces produits "titrisés" ont été vendus un peu partout et se sont largement diffusés sur la planète finance, mais quand leurs détenteurs se sont aperçus qu'ils étaient pourris, cela a entraîné un mouvement de panique. Tout le monde a voulu vendre, mais il n'y avait pas d'acheteur. Résultat, une perte de confiance, un assèchement brutal de la liquidité et le gel du marché interbancaire, poussé au paroxysme dans les semaines qui suivent la chute de Lehman Brothers. Cette expérience montre qu'il faut encadrer la finance de l'ombre. Aujourd'hui, l'un des enjeux est d'être sûr que dans le bilan des banques, tous les engagements sont comptabilisés. Il y a déjà du chemin de fait : le G20 a décidé d'obliger les entités qui "titrisent" à garder 5% de cette activité dans leur bilan. Mais il reste encore à faire appliquer cette mesure. Et puis d'autres mesures de contrôle seront sans doute nécessaire pour limiter, par exemple, la concentration du portefeuille d'actifs illiquides.
Le "shadow banking" est-il surtout un problème américain ?
Absolument pas. Certes, les Etats-Unis disposent toujours du système bancaire parallèle le plus important au monde, avec 23.000 milliards d'actifs en 2011 et ils sont à l'origine de la crise financière que nous traversons. Cependant, la finance de l'ombre pèse 22.000 milliards de dollars dans la zone euro et 9000 milliards de dollars rien que pour le Royaume-Uni. De fait, sur le Vieux continent, les actifs qui échappent aux régulateurs atteignent un montant supérieur à 30.000 milliards de dollars. A elle seule, l'Europe est donc à l'origine de presque la moitié (46%) du "shadow banking" mondial.
Pis: ses parts de marchés en la matière ont même tendance à augmenter, alors que celle des Etats-Unis diminuent. En 2005, la zone euro et le Royaume-Uni représentait 40% de la finance de l'ombre. Aujourd'hui, leur part est de 46%. A l'opposé, les Etats-Unis sont passés de 44% à 35% sur la même période.
Le Royaume-Uni et la Suisse sont responsables en grande partie de cette montée en puissance. Ce sont les pays industrialisés où la finance de l'ombre progresse le plus depuis la crise. Selon les travaux du FSB, elle a augmenté de 10% au Royaume-Uni sur la période 2007-2011, et de 6% en Suisse, alors qu'en France et aux Etats-Unis, l'activité déclinait sur la même période.
Aujourd'hui, la part du "shadow banking représente 370% du PIB outre Manche. Seuls Hong-Kong (520%) et les Pays-Bas (490%) font pire. On comprend mieux pourquoi le Royaume-Uni ne veut pas que le reste de l'Europe lui dicte ses règles en matière bancaire.
Par Sébastien Julian, L'Expansion
Source : http://trends.levif.be/economie/actualite/banque-et-finan...
13:25 Publié dans LE MONDE EN 2012 | Lien permanent | Commentaires (0)
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