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02/01/2013

LA FRANCE OBLIGE LES INDUSTRIELS À DÉCLARER LES NANOPARTICULES DANS LEURS PRODUITS

C'est une première en Europe. Une amorce de régulation qui laisse encore à désirer, mais qui vient, tardivement, combler un vide alarmant. A compter du 1er janvier, les fabricants et distributeurs de produits contenant des nanoparticules devront les déclarer à l'Agence nationale de sécurité sanitaire afin d'assurer un minimum de traçabilité, d'informations au public et un recensement des produits mis sur le marché.

Alors que les nanotechnologies se répandent depuis des années dans des champs aussi variés que la médecine, l'électronique, l'énergie ou l'alimentation, cette initiative de la France ne manque pas d'inspirer d'autres pays européens, comme le Danemark – qui pourrait adopter une déclaration obligatoire dès 2014 –, la Belgique, les Pays-Bas, ou encore l'Italie, qui réfléchit à une déclaration basée sur le volontariat.

Si les Etats européens se mettent à agir chacun de leur côté, c'est que l'UE n'a pas élaboré, jusqu'ici, de régulation spécifique pour encadrer ces nanomatériaux aux propriétés nouvelles – et ce, malgré un grand flou autour des risques potentiels qu'ils font courir sur la santé et l'environnement.

En 2009 déjà, le Parlement européen demandait à la Commission de "réviser toute la législation en la matière d'ici à deux ans afin de garantir la sécurité de toutes les applications de nanomatériaux". Il estimait notamment que "la notion d'approche 'sûre, responsable et intégrée' prônée par l'Union européenne est compromise par l'absence d'informations sur les nanomatériaux qui sont déjà sur le marché".

Lire le zoom : Nanoparticules : l'ingrédient qui est discrètement entré dans nos assiettes"

SECRET INDUSTRIEL ET MANQUE DE SENSIBILISATION

S'il devenait urgent, ce premier pas de la France en laisse déjà certains sur leur faim. Comme Rose Frayssinet, du réseau écologiste Les Amis de la Terre, qui doute que, même s'il en aura désormais la possibilité, "le consommateur, bien peu sensibilisé aux nanoparticules, prenne l'initiative de rechercher s'il y en a dans sa barre chocolatée". Le gouvernement a toutefois promis "un étiquetage systématique des ingrédients nanoparticulaires" dès 2014. Une plus grande transparence donc, mais qui ne signifie pas forcément un plus grand contrôle des produits "nano" avant qu'ils ne soient mis sur le marché.

Autre point qui focalise les critiques : les seuils retenus pour qu'un produit soit soumis à la déclaration obligatoire. Il doit contenir au moins 50 % de nanoparticules – quand le Comité scientifique européen des risques sanitaires émergents recommandait une concentration de 0,15 %. Et ces nanoparticules doivent mesurer entre 1 et 100 nanomètres (nm). Aux Etats-Unis, la limite retenue par la Food and Drug Administration est de 1 000 nm, selon VeilleNanos.

Enfin, relève Rose Frayssinet, "les industriels peuvent se cacher derrière la clause de confidentialité. Donc c'est pipeau." Le secret industriel et commercial peut en effet être brandi et dispenser un producteur de déclarer la composition de son produit, ce qui rend l'obligation toute relative. Surtout si l'on considère par ailleurs le montant de la sanction en cas de non respect de la loi : 3 000 euros, avec une astreinte journalière de 300 euros. Et si l'on considère, enfin, la difficulté à contrôler les déclarations des industriels – face à une avalanche de produits divers et variés, et à des nanoparticules difficiles à détecter.

LA "PARALYSIE" FACE À UNE NANO-RÉGLEMENTATION

Dans l'industrie alimentaire, les nanomatériaux sont principalement soumis, au niveau européen, au règlement "Novel Food" : les nouveaux aliments doivent recevoir une autorisation avant d'être mis sur le marché. Toutefois, comme le relève le ministère, jusqu'ici, "aucune demande d'autorisation (...) n'a été recensée au niveau européen".

Ils sont aussi soumis, sans disposition spécifique, au règlement européen sur les substances chimiques,"Reach", en vigueur depuis 2007. Mais, selon VeilleNanos, "en réalité, les nanomatériaux sont mis sur le marché (...) sans enregistrement préalable ni suivi, en contradiction avec le principe directeur de Reach : 'Pas de données, pas de mise sur le marché'". D'une part, parce qu'il ne s'applique pas en dessous d'une production d'une tonne par an, rarement atteinte chez les "nanos". D'autre part, parce qu'il n'oblige pas à différencier le nanomatériau de son cousin existant à l'échelle macroscopique, depuis bien plus longtemps en général (par exemple, le nanoargent de l'argent). Et ce, quand bien même leurs propriétés sont différentes.

En octobre, la Commission européenne a pourtant répété que Reach était "le meilleur cadre possible pour la gestion des risques liés aux nanomatériaux", tout en concédant le besoin "d'exigences plus spécifiques", auquel elle entend répondre en modifiant des annexes "après 2013". Le Conseil européen de l'industrie chimique a applaudi cette approche. Plusieurs associations, les Verts européens et la société civile un peu moins. Le Bureau européen des unions de consommateurs, par exemple, a déploré qu'"une nouvelle fois, consommateurs et environnement aient perdu face aux objectifs d'innovation et de croissance économique".

Lire : Les nanomatériaux vont-ils échapper au filet sanitaire européen ?

En décembre, ce sont plusieurs Etats membres, dont la France, qui ont exprimé à la Commission qu'ils ne se satisfaisaient pas d'une modification annexe de Reach pour encadrer les nanomatériaux. Les voix n'en finissent plus de se joindre pour pousser l'Europe à davantage de régulation des nanotechnologies.

En juillet, ce sont des scientifiques qui, dans un article de Nature intitulé "Enough is enough" (c'en est assez), dénonçaient le flot de commandes d'études scientifiques qui, au lieu de déboucher sur l'action de l'UE, ne faisait que l'enfoncer dans la "paralysie".

Angela Bolis

Source : http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/12/31/la-franc...

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