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23/01/2013

L'ESCLAVAGE MODERNE SE RÉPAND (EN SUISSE)

 

Chaque année, des centaines d'hommes et de femmes sont victimes en Suisse de la traite humaine, que ce soit à des fins d'exploitation sexuelle, de travail forcé ou de prélèvement d'organes. Au siège de la police fédérale à Berne, Boris Mesaric, responsable du Service de coordination contre la traite d'êtres humains et le trafic de migrants (Scott), confirme : «Nous connaissons beaucoup de cas dans les différents cantons, en particulier récemment sur les trottoirs de Zurich, qui montrent qu'il y a une forte pression et que les marchands d'êtres humains sont actifs en Suisse. Nous avons dernièrement eu un gros cas à Berne de trafiquants en lien avec la Thaïlande.»

Sous l'impulsion de la chef du Département fédéral de justice et police (DFJP), Simonetta Sommaruga, un premier plan d'action national de lutte vient d'être adopté et une nouvelle procédure de protection des témoins est effective depuis le 1er janvier. «Le plan d'action national poursuit quatre objectifs dans le combat contre le trafic humain : la prévention, le renforcement de la poursuite pénale contre les auteurs, une meilleure protection des victimes et l'amélioration de la coopération en Suisse et avec l'étranger», explique Boris Mesaric.

Le Temps : Qu'est-ce qui rend la lutte particulièrement difficile ?

– Comme ce trafic se passe dans l'ombre, on ne voit que la pointe de l'iceberg. Il faut déjà trouver les victimes, ce qui n'est pas facile, car personne ne sait qu'elles sont là. Et puis il faut des organisations d'aide spécialisées pour les accompagner et les soutenir alors qu'elles sont souvent détruites, parfois tant physiquement que psychiquement. En ce qui concerne la poursuite pénale, ce qui est difficile, c'est que les victimes ont peur de témoigner. J'ai donc élaboré une loi pour la protection des témoins que le parlement a acceptée. Désormais, quand une victime accepte de témoigner, elle peut obtenir toute la protection dont elle a besoin.

– Est-ce que ce dossier est pour vous prioritaire ?

– Oui, c'est un dossier qui me tient beaucoup à coeur. Ce trafic va à l'encontre des droits les plus élémentaires. Tous les cantons sont concernés et un travail de sensibilisation est nécessaire pour montrer que cette forme de criminalité est à combattre, comme on lutte contre le trafic de stupéfiants ou le trafic d'armes. La traite humaine est une forme d'esclavage et on ne peut tolérer cela aujourd'hui dans notre pays, dans nos cantons, dans nos villes. La collaboration internationale est aussi essentielle. J'ai d'ailleurs créé un groupe de travail binational avec la Roumanie où je me suis rendue.

– Vous dites avoir rencontré des victimes ; dans quel but l'avez-vous fait ?

– Pour moi, une personne qui fait de la politique ne peut rester dans son bureau : c'est pour les gens qu'on fait de la politique. Et je tiens dès lors à connaître ces gens –en l'occurrence les victimes. En Suisse, je me suis rendue à Zurich dans ce but. Je suis allée dans un appartement, en fait dans une chambre, une toute petite chambre, où une victime de traite humaine vivait et travaillait jour et nuit ; elle ne pouvait pas sortir, elle était complètement dépendante. Elle avait peur, ne connaissait aucune des langues de notre pays, et ne pouvait par conséquent pas s'exprimer.

En Roumanie, j'ai rencontré une victime qui, pendant une année entière, a transité d'un pays à l'autre sans savoir parfois exactement où elle se trouvait... Le plus impressionnant est de découvrir l'état dans lequel ces victimes se trouvent. Le trafic humain peut détruire complètement la personnalité de femmes qui ne parviennent plus à réagir, à se défendre. C'est pourquoi il est important qu'il y ait des gens spécialisés qui puissent les aider à retrouver confiance en elles et à retrouver leur identité. C'est un très grand travail. Et j'ai beaucoup de respect pour la police, mais aussi pour tous ces professionnels qui font ce travail d'aide qui est parfois très lourd.

 

 

– Le lien entre traite humaine et pornographie est établi. Est-ce que vous la combattez aussi ?

– Bien sûr. Dans mon département, nous avons un service qui s'occupe de la criminalité sur Internet et qui fait un travail important. La pédocriminalité sur Internet est particulièrement épouvantable. J'ai dernièrement participé à une conférence qui a eu lieu en faveur d'une alliance mondiale contre ce type de criminalité. Si on veut lutter contre ces formes de criminalité, cela doit être au niveau international. Parce que, comme le trafic humain, la pédocriminalité ne se cantonne pas aux limites nationales.

– Qu'avez-vous envie de dire aux citoyens suisses à propos des victimes de traite humaine ?

– Mon message, c'est que cette criminalité, très grave, génère beaucoup d'argent qui profite à des malfaiteurs qui sévissent trop souvent encore en toute impunité. C'est pourquoi il est important d'abord de repérer les victimes, de leur donner protection et la possibilité d'être témoin, pour ensuite poursuivre les criminels. La Confédération peut soutenir en ce sens les cantons et, si tous les acteurs se coordonnent, aussi au niveau international, on a la possibilité d'avancer dans un domaine où notre société a vraiment encore un travail à faire.

 

Un article de Gabrielle Desarzens, publié par letemps.ch

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