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23/02/2013

La chasse à l'ours blanc, un loisir en plein essor qui ne soucie ni la France, ni le WWF

 

ours_RussieUn ours polaire au repos sur un îlot de glace dans l'océan Arctique au nord de la Terre Franz Josef en Russie
© Gordon Wiltsie / NGS

Incroyable mais vrai ! Alors que l'ours blanc voit sa population décliner dramatiquement à cause du réchauffement climatique et des pollutions, l'Homme le chasse, non pas pour se nourrir mais pour le loisir et pour l'industrie du luxe. Les prix des articles issus de l'ours blanc flambent, les agences de tourisme spécialisés dans la chasse sont surbookées. Chronique d'un délire humain soutenu par la France et le WWF...

L'ours polaire (Ursus maritimus) figure parmi les plus gros mammifères marins vivant sur terre avec un poids qui peut atteindre 680 kg ! Cela ne l'empêche pas d'être un excellent sprinteur et un excellent nageur. Il vit pour l'essentiel sur la banquise arctique, sur les glaces de mer et en mer ouverte. Il se répartit actuellement sur 5 pays : Les Etats-Unis, le Canada, la Russie, le Groenland (Danemark) et la Norvège.

Menacé par la fonte toujours plus importante de la glace de mer en été, par les pollutions dues aux activités humaines, le domaine vital de l'ours polaire et sa population régressent dramatiquement. « Depuis quelques années, les ours blancs semblent diminuer en taille, une diminution des natalités et une augmentation des mortalités sont également observées (Stirling et Parkinson, 2006). Des études démontrent également que la présence de polluants dans leur environnement affectent leur croissance (Kovacs et al., 2011). » indique Julie Langevin dans son essai universitaire sur la question.

Selon la Liste rouge de l'UICN, l'ours blanc est classé comme espèce vulnérable, en raison d'une « diminution suspectée d'au moins 30% de sa population en seulement 45 ans » ! La population sauvage d'ours blancs est estimée entre 20 000 et 25 000 individus regroupés en 19 populations connues et réparties sur un territoire de 15 millions de km2 en hiver et de 3 millions de km2 en été.

Non satisfait de lui nuire indirectement par ses activités, l'Homme le persécute via de véritables safaris de luxe dénoncés dans un communiqué par une coalition courageuse de 13 associations de protection de l'environnement[1] : « la chasse à l'ours blanc bat son plein. Les agences de tourisme cynégétique du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Manitoba au Canada sont surbookées jusqu'en 2014. Pour répondre à la demande, le Territoire du Nunavut augmente les quotas de chasse dans la Baie d'Hudson sans tenir compte de l'avis défavorable du Groupe des Spécialistes de l'Ours Polaire de l'UICN. »

Et pourtant l'ours blanc fait fondre les cœurs. Les gouvernements, les ONG (comme WWF), les grandes marques (comme Coca-Cola) l'exploitent comme emblème et martyr du réchauffement climatique pour augmenter honteusement leur notoriété ou leurs ventes, donnant tout son sens au greenwashing. « Pourtant en pratique, quand il s'agit de venir dès maintenant à son secours, il y a un monde fou aux abonnés absents. Les faux-amis oublient les menaces immédiates et historiques qui pèsent sur l'espèce entière comme en témoigne le commerce international légal des ours blancs, sanguinaire mais florissant. » s'indigne la Coalition Ours Polaire.

La chasse à l'ours blanc : un business florissant

« L'ours blanc est la "cible absolue". Ça change de l'éléphant. Ça fait changer d'air. C'est le challenge du siècle aux confins du monde. » ironise la Coalition.

Au Yukon (Canada), la chasse et la pêche sportive ont rapporté à elles seules 45 % des revenus générés par le tourisme. Une manne financière entretenue par des agences peu scrupuleuses comme Northwoods Adventures qui propose de chasser « le plus prestigieux des trophées. Le grand ours blanc est plus que rarement présent dans les collections de trophées de chasse que ceux provenant des jeux dangereux d'Afrique ». Sous couvert de chasse traditionnelle, en immersion avec les Inuits, cette agence justifie la chasse à l'ours blanc parce qu'il est décrit comme un « carnivore qui tue régulièrement des Hommes ». Un safari d'une autre époque réservé aux riches sans scrupules : 18 500 dollars (plus de 14 000 euros) pour 14 jours de chasse.

Outre le prestige (très relatif) du chasseur, les ours blancs alimentent un marché immonde : « griffes, pelisses, mâchoires, crânes, dents, trophées de chasse, spécimens vivants s'arrachent à condition d'y mettre le prix. Dans le cœur de Paris, un ourson blanc naturalisé se vend 20 000 euros, l'adulte 40 000 euros et la peau 18 000 euros. Chaque année, ceux qui vendent la peau de l'ours blanc sont responsables de la capture ou de l'abattage de 800 individus. » indique la Coalition Ours Polaire.

La base de données de l'UNEP-WCMC CITES 2012 sur le commerce indique qu'entre 2001 et 2010, 32 350 spécimens d'ours polaires (morts ou vivants, et leurs différentes parties) ont été commercialisées au niveau international, y compris 4 327 peaux, 3 080 morceaux de peau, ainsi que plus de 5 700 griffes et dents.

Malheureusement, ce trafic est en plein essor. Entre 2007 et 2012, le nombre de peaux d'ours polaires proposées lors de ventes aux enchères de fourrures au Canada a plus que triplé et les prix d'achat ont doublé !

Le Canada qui compte environ 15 000 ours blancs, est le seul pays qui autorise l'abattage annuel de 600 ours polaires afin d'alimenter la chasse de subsistance, la chasse sportive, mais aussi le commerce international. Ainsi, en 2011, les parties de 441 ours polaires ont fait l'objet de transactions commerciales internationales.

"En Chine ou en Russie, le prix peut atteindre 100 000 USD pour l'acquisition d'une peau car cet animal est rare. Cet engouement est inquiétant. Au Canada, il encourage une hausse des quotas de chasse au sein de populations d'ours polaires déjà fragilisées. Le commerce international des ours polaires et de leurs parties représente une menace sérieuse pour l'espèce. Il doit être interdit et la CITES offre cette possibilité" souligne Céline Sissler-Bienvenu, directrice d'IFAW France, porte-parole de la Coalition.

Au commerce légal, il convient d'ajouter le trafic illégal aiguisé par la boulimie de l'Asie et du Moyen-Orient pour les parures animales. Un des foyers virulents du braconnage sévirait en Russie dans la mer de Béring.

Dans le même temps, les publications scientifiques se succèdent pour prédire un avenir noir aux ours blancs. Le dernier article paru début février 2013 dans Conservation Letters est signé par un spécialiste canadien en collaboration avec 11 scientifiques internationaux. Il presse la communauté internationale d'agir maintenant pour sauver l'espèce. La régression de la banquise arctique plonge l'ours polaire dans le cycle irréversible de la pénurie alimentaire. Les difficultés d'accès aux ressources vitales diminuent sa robustesse et ses capacités de reproduction.

Pour une protection plus élargie de l'ours blanc

Les Etats-Unis - soutenus par la Russie - ont rédigé une proposition visant à transférer l'ours polaire de l'annexe II à l'annexe I[2] de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction), dont la session plénière se tiendra en mars 2013 à Bangkok en Thaïlande.
Ce transfert permettrait d'accroître le niveau de protection de cette espèce en interdisant le commerce international de ces individus ou de leurs parties, sans entraver sa chasse de subsistance traditionnelle des Inuits ou le commerce éventuel des spécimens d'ours polaires à l'intérieur de chaque pays de l'aire de répartition.

Or, cette proposition avait déjà été refusée à Doha au Qatar en mars 2010 ; les 27 pays de l'Union Européenne présents avaient voté contre !

Aujourd'hui, les positions évoluent mais seulement 11 pays de l'Union Européenne soutiennent la proposition des Etats-Unis (avec l'absence notable de la France).

La France refuse de protéger l'ours blanc

Delphine Bato, la ministre de l'Ecologie a expliqué à l'AFP que la France ne soutiendrait pas cette proposition, sur la foi des "informations scientifiques disponibles" au vu de l'état de la population. De plus, elle a déclaré : "transférer l'ours polaire à l'Annexe I serait sans effet sur la chasse et sur la fonte de la banquise qui constitue la véritable menace pour cette espèce", mais pénaliserait les Inuits qui exportent des articles d'artisanat, ajoutait-elle.
Cette déclaration irresponsable montre une nouvelle fois le manque de pertinence, de cohérence et d'intérêt du gouvernement pour les questions environnementales. En effet, la fonte de la banquise est une réalité qui n'est déjà plus possible d'enrayer, il est donc particulièrement odieux de pousser au bord de l'extinction l'ours blanc, sous prétextes d'impératifs économiques très discutables[3]. Et quand bien même, l'économie ne devrait en aucun cas être un motif de génocide !

Le WWF refuse de protéger l'ours blanc

Même son de cloche au WWF, qui se démarque de la Coalition Ours Polaire, estimant que le déclin de la population est d'abord dû au changement climatique, a indiqué Stéphane Ringuet, en charge de la question des espèces sauvages au WWF-France lors d'une rencontre avec la presse. Le WWF, rappelle que « la perte d'habitat due au réchauffement climatique, et non au commerce international, est le premier facteur du déclin anticipé » des ours.
Une position décevante et peu courageuse pour le WWF, plus enclin à exploiter l'image de l'ours blanc avec Coca Cola dans une campagne dénuée de sens que de demander sa protection élargie. Un bel exemple de greenwashing pour le célèbre emblème au Panda.

La proposition de « mise au placard » d'une partie de l'Union Européenne

La Coalition Ours Polaire nous informe que « l'Union Européenne fait circuler une contre-proposition dite de compromis. Il s'agirait dans les 3 ans qui viennent d'approfondir les connaissances sur les populations d'ours polaires, d'examiner tous les risques actuels et à venir qui pèsent sur l'espèce et d'évaluer dans ce contexte l'impact du commerce international. A l'issue de ce processus, l'Union Européenne pourrait soutenir une proposition d'inscription en Annexe I lors de la session plénière de la CITES en 2016. »
Trois ans de plus de perdus pour l'ours polaire, alors que l'urgence est criante... Contrairement à certaines idées reçues, là encore, les Etats-Unis sont devant et l'Union Européenne, si prompte à se donner en exemple et moraliser les autres pays est derrière...

La Coalition pour les Ours Polaires souhaite que la France rejoigne sans tarder les Etats-Unis, la Russie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, la Pologne, la Lituanie, la Roumanie, l'Autriche et les autres pays favorables à l'interdiction du commerce international des ours polaires. Cette mesure ne freinera pas la fonte de la banquise arctique mais elle contribuera à la protection de l'espèce.

Au final, les scientifiques prédisent que les 2/3 des ours polaires pourraient disparaître d'ici à 2050.

Notes

  1. Associations membres de la Coalition Ours Polaires : IFAW France, Robin des Bois, Fondation Brigitte Bardot, One Voice, Sea Sheperd France, 30 Millions d'Amis, la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), l'ASPAS, AVES France, L214, le CRAC, Ecologie sans Frontière, les Amis de la Terre.
  2. L'Annexe I de la CITES interdit le commerce international. Les autorités scientifiques des pays d'importation des trophées de chasse non destinés au commerce peuvent refuser de délivrer un permis si elles estiment que la chasse nuit à la survie de l'espèce.
  3. Le « Polar Bear Watching » (observation d'ours polaire) génère plus de recettes que la chasse. L'artisanat Inuit propose des créations remarquables à l'effigie de l'ours polaire, sans utiliser aucune partie d'ours polaire. Les Inuits, grâce à l'autonomie récente du Groenland et à la fondation du Territoire du Nunavut au Canada, ont d'autres perspectives pour assurer leur développement que le commerce international d'ours polaires ou de parties d'ours polaires. Ils sont désormais impliqués dans la gestion des ressources halieutiques, géologiques et touristiques de leurs territoires et des mers adjacentes.

Sources

Auteur

avatar Christophe Magdelaine / notre-planete.info - Tous droits réservés

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