09/03/2013
Philippines : Assassinat de Dexter Condez qui luttait pour le droit à la propriété du peuple Ati
Boracay, paradis du tourisme international, a été fréquenté l'an dernier par 1,2 million de vacanciers. Ce territoire ancestral des Ati, peuple autochtone de cette petite île des Visayas Occidentales, a perdu le 22 février dernier son porte-parole, Dexter Condez, 26 ans, abattu à la nuit tombée de six balles tirées à bout portant. (...)
Habitants originels de Boracay, les Ati vivaient sans problème majeur sur leur île jusqu'aux années 1970, date de l'arrivée des premiers touristes. Commencée modestement autour d'établissements fréquentés par les backpackers, l'activité touristique s'est considérablement développée au point de faire de l'île une destination internationale très prisée. Des hôtels de luxe sont sortis de terre.
Les Ati ont certes retiré quelques revenus de cette activité touristique (ouvriers sur les chantiers de construction ou petits commerçants) mais ils ont surtout perdu la maîtrise de leur île. Sur les seulement 1 032 hectares de l'île, le nombre des lots fonciers est passé de 270 à la fin des années 1970 à plus de 6 000 aujourd'hui. Le prix du m² a grimpé en flèche et on estime qu'un tiers des propriétés ne sont pas enregistrées légalement. Il n'est pas rare que des conflits fonciers entre hôteliers se règlent à coups de fusil.
C'est dans ce contexte que les Ati, stigmatisés de plus pour la couleur foncée de leur peau, se sont trouvés complètement marginalisés sur leurs propres terres. Aidés par l'Eglise catholique, ils ont alors demandé à la Commission nationale des peuples indigènes de leur reconnaître un territoire spécifique, mais ce n'est qu'en janvier 2011, après plus de dix années de démarches, que celle-ci leur a accordé un « Titre de domaine ancestral ».
Sur les 156 titres accordés par la commission aux peuples autochtones des Philippines, celui des Ati est assurément le plus petit, avec une superficie de seulement 2,1 hectares ! Située en bordure d'une crique préservée des constructions dans la partie sud de Boracay, la propriété s'est toutefois révélée inconstructible du fait de litiges engagés par trois groupes hôteliers. Et c'est le garde de sécurité de l'un d'entre eux, le Crown Regency Boracay Resorts, qui est soupçonné d'avoir abattu Dexter Condez.
Dexter Condez, au centre
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Par ailleurs, à Manille, une récente décision du président Aquino a été très mal accueillie par les défenseurs de l'environnement et des droits des peuples autochtones. Le 19 février dernier, le gouvernement a en effet annoncé que l'étude d'impact environnemental du géant minier Xstrata pour son projet de mine à ciel ouvert à Tampakan, sur les terres ancestrales du peuple B'lann, était recevable et conforme aux normes en vigueur aux Philippines.
Cette décision ouvre la voie à une mise en place d'un investissement très controversé de 5,9 milliards de dollars, le plus important investissement étranger jamais réalisé dans le pays. Dès le lendemain 20 février, Mgr Dinualdo Gutierrez, évêque du diocèse catholique de Marbel, dénonçait la mesure gouvernementale : « [Benigno Aquino] n'est plus crédible. Il affirme que le peuple est ‘le patron', mais ce n'est qu'un slogan, rien de plus ! »
Enfin, sur le même sujet du projet minier de Tampakan, un juge de Digos City, à Mindanao, a mis en examen le lieutenant-colonel Alexis Noel Bravo et quinze de ses hommes pour l'assassinat de Juvy Capion et de deux de ses fils, âgés de 8 et 13 ans. Abattue en octobre dernier alors qu'elle était enceinte de trois mois, la jeune femme était l'épouse de Daguil Capion, membre du peuple B'lann et l'un des leaders de l'opposition au projet du groupe Xstrata.
Prononcée le 6 mars, cette mise en examen et le jugement qui suivra sont attentivement suivis aux Philippines par les militants des droits de l'homme qui y voient un test de la détermination présidentielle à défendre les droits de l'homme.
Un article publié par EDA
11:36 Publié dans PEUPLES PREMIERS | Lien permanent | Commentaires (0)
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