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24/06/2013

Alors, je les remballe, et je regarde ceux qui savent kiffer

Moi, ce que je voulais, c’était un peu de tendresse, pas seulement baiser, c’est con mais au bout d’un moment, le sexe est triste, il ne te raconte plus rien, moi je voulais des bras et des sourires, que quelqu’un prenne le temps de faire semblant de me plaire, je voulais de la tendresse mais ça ne se fait plus. Peut-être parce qu’être tendre c’est compliqué, parce qu’on se livre plus en soutenant un regard ou en murmurant qu’en défonçant des culs, qu’il faut plus d’intimité pour être tendre que pour la plus profonde des sodomies, parce qu’on ne fait finalement que se masturber dans l’autre en attendant que le temps passe, et que c’est triste, tout ce vide. Je ne voudrais pas être vide, intéressant choix de mot pour une grosse dirait mon psy, je ne voudrais pas être vide et ne rien vivre que des bonheurs faciles et instantanés, figés en poudre humide comme ces soupes dégueulasses qu’on te refourgue à la cantine. La tendresse, ce mot à la con, loin des montages de cagoles enflammées qui déclarent par photo montages leur amour éternel au premier kéké, ce truc doux et dingue qui te pousse à te poser à côté de quelqu’un, juste pour être bien.

C’est peut-être ce qui fout tout le monde le cul par terre devant des vidéos de Free Hugs, ces inconnus qui proposent à d’autres inconnus de les serrer quelques secondes contre leur coeur, cette tendresse humaniste, gratuite, je te serre parce que je te reconnais, et que tu mérites d’être serré, c’est débile de le décortiquer, ca devrait être évident. Et pourtant, des millions de vues, de commentaires émus, juste parce que tu prends quelqu’un contre toi, sans penser un instant à lui sucer la bite ou à explorer son vagin, à lui tirer des tunes ou même à connaître son prénom, juste la force stupide du lien qu’on crée en s’autorisant à être tendre, pour rien. Bien sûr ça ne change pas le monde, je ne crois pas aux énergies décuplées par le frottement des corps, mais ça change le cours de la journée, un hug, un câlin, un coup de fil, un baiser. T’es pas obligé d’y croire, tu peux même trouver ça niais, à chier, mais ça fonctionne, méthode approuvée, quelques secondes de calme, la possibilité d’être soi, la chaleur de l’autre qui colle à ton pull quand tu t’en vas. J’aime poser ma main sur l’épaule de ma mère quand elle conduit, c’est mon truc à moi, ma tendresse, même si elle ne le sait pas. J’aime serrer mes amies contre moi, fort, jusqu’à ce qu’elles s’en aillent asphyxiée. Et j’aime être serrée.

Je me demande ce qui merde à l’intérieur pour qu’on se refuse tout ça. Pour que certains aient peur de se montrer tendres, doux, parce que tu comprends, elle va s’attacher, elle va se faire des films, et puis je suis pas comme ça, la tendresse, on ne me l’a jamais donnée. Pour que certaines se blindent derrière des couches de béton armé, maquillées à l’acide, le cynisme d’abord, le doux, jamais, ou alors en privé, quand elles pleurent, quand elles se laissent enfin aller. Je me demande pourquoi je ne peux pas écrire de jolis billets amoureux parce que j’ai peur d’être traitée de romantique mongole, de niaise à tête de licorne. Pourquoi je ne suis pas cette fille qui organise de jolies surprises, pourquoi je préfère faire rire plutôt que de me laisser toucher. Y’a la peur, le manque de confiance en soi, la culture du LOL, l’impression de toujours tout faire foirer. Et puis le monde qui tourne mal, avec des cadenas sur les poubelles pour empêcher les pauvres de voler des produits périmés, ce genre de nouvelle hyper violente qui me fout des crampes, la boule au ventre, envie de dégueuler, de me mettre en colère, pas de m’attendrir ou de baisser ma garde. Tout me fait violence, sans exagérer, j’ai presque honte de mes envies de tendresse.

Alors, je les remballe, et je regarde ceux qui savent kiffer."

Daria Marx   http://dariamarx.com/

 

 

 

Lieu du larcin : partagée par Faste et Furieuse sur face de bouc

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