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19/04/2014

Rester debout au milieu du trottoir de Murièle Modély

 

avec des photographies de Bruno Legeai – Ed. Contre-Ciel, 2014

 

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78 pages, 12 €



Rester debout au milieu du trottoir ou en tout cas comme planté devant la porte derrière laquelle se déroule ce recueil. On le lit comme on regarderait à travers un œilleton, captant des images, mais surtout des odeurs et des sons. L’imagination galope, mais ce qui se passe réellement reste hors d’atteinte. Des images de Lui et d’Elle, l’homme et la femme et parfois la fille. C’est d’ailleurs peut-être à travers le regard de celle-ci que nous avons accès à une dimension où tous les temps sont ramassés en un seul, celui « Des faux souvenirs, des vrais cauchemars ». Un recueil comme une multitude de mini-scènes de théâtre à huis-clos, sans public, étouffant. Pas de mise en scène, juste du brut de vie, qui arrache le gosier si on le boit trop vite. Il se dégage de l’ensemble une profonde sensation de malaise, mais toujours chez Murièle Modély cette écriture organique, à la fois subtile et racleuse de fond, dérangeante parfois à la limite de la nausée. C’est comme si au lieu de la lire, on l’avalait, page après page comme

 

« vieille soupe

 

mayonnaise pour œufs

 

flan

tarte

soufflé

 

farce pour trou »

 

A avaler comme on avalerait chaque jour d’une vie qui n’a rien d’un gâteau, avec l’amour à déglutir.

 

« L’amour c’est comme ça

Un appendice planté

Direct dans les gencives »

 

De l’amour un peu et de solitude beaucoup.

 

« le poids des jours qui toquent

leur morne cliquetis

Son fol ressassement

 

contre le chambranle

les femmes que l’on baise

 

les hommes que l’on brise

et les billets souillés dont on bourre

 

les ventres »

 

Les magnifiques photos en noir et blanc de Bruno Legeai, ces corps ou parties de corps plus ou moins floutés, participent à donner cette impression d’avoir pénétré une intimité qui, paradoxalement, nous envahit tout en demeurant hors de portée.

 

Une intimité qui parle à nos sens plus qu’à notre tête.

 

« l’impression quand

même d’être pilonnée

par la pluie drue

qui tombe »

 

Sons, textures et odeurs, de cuisine, de rue, d’urine, de tabac, « l’odeur lactée qui monte des draps sales », des odeurs de l’homme « sa vieille odeur de cale » et de la femme et « la puanteur douce qui monte de la rue ». Et puis des malheurs, d’homme et de femme…

 

« dans l’arrière salle sur les carreaux cassés

les jambes écartées entre l’urinoir et le lavabo froid »

 

Murièle Modély a ce don des phrases qui cognent «  je suis vide comme une vieille seringue » et la poésie comme liant, vient alléger, illuminer, « lécher l’heure ». Elle opère son travail alchimique, une sorte de catharsis pour conjurer le poids de ces vies dont on hérite de ceux et celles qui nous précèdent et nous mettent au monde comme « dans une boite à chaussures dans un magasin quelconque » et ces rêves qui se fracassent, « cette farce des nouveaux départs »,  tandis qu’on reste planté « debout au milieu du trottoir".

 

 

Cathy Garcia

 

 

 

Muriele-Modely.jpgMurièle Modély est née en 1971 à Saint-Denis, à l’île de la Réunion et vit maintenant à Toulouse. Bibliothécaire de profession, elle commence à explorer l’écriture poétique sur son blog (www.l-oeil-bande.blogspot.fr.) avant de participer à des revues telles que Nouveaux Délits, Les tas de mots, Poème sale, Microbe, ou encore Traction Brabant.

photo © H.B. 

 

Bibliographie :


- Penser Maillée, Éditions du Cygne, 2012
- Rester debout au milieu du trottoir, Éditions Contre-Ciel, 2014

 

 

 

 

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