Ce sont des jeunes filles, des mères et parfois des grand-mères, toutes sans voile, obligatoire dans l'espace public en république islamique d'Iran. Elles sont au bord de la mer Caspienne ou du golfe Persique, à Persépolis, à Shiraz, dans une voiture, dans les montagnes au nord de Téhéran, sur l'autoroute qui mène à Khoramabad, dans le sud-ouest du pays ou même dans la ville religieuse de Qom. Elles jettent leur foulard et se prennent en photo et envoient ensuite les clichés à la page Facebook des Libertés furtives des femmes iraniennes.
« Trois générations dans un seul cadre, écrit une jeune Iranienne qui a envoyé la photo publiée ci-dessus. Grand-mère, mère et fille, nous avons créé notre propre avenue Azadi [située à Téhéran, azadi voulant dire « liberté » en persan]. Que la prochaine génération puisse obtenir ses droits les plus basiques avant que ses cheveux deviennent tout blancs. Est-ce que cela est un rêve trop ambitieux ? »
L’administratrice de cette page est la célèbre journaliste iranienne Masih Alinejad, exilée au Royaume-Uni. Sur sa page Facebook, elle a d'abord proposé que les Iraniennes envoient les photos sur lesquelles elles ont osé jeter leur voile. « Toutes les filles et les femmes iraniennes ont affaire à des restrictions et ne peuvent pas choisir librement leurs tenues. Malgré ces limites, elles expérimentent parfois de brefs moments de liberté. Cette page a pour vocation d'enregistrer ces moments », écrit-elle dans la description de la page.
Succès inédit
Lancée le 3 mai, la page Libertés furtives des femmes iraniennes connaît un succès impressionnant : aujourd'hui, elle compte 93 000 abonnés. Cette soudaine popularité est d'autant plus parlante que Facebook est bloqué en Iran, tout en restant accessible par le biais de différents logiciels antifiltrage.
Sur cette page, certaines femmes se sont prises en photo devant des affiches prônant le bon respect du hidjab... Un explicite pied de nez aux autorités.
« Sur ordre de la police, se promener sur la plage sans tenues dignes est interdit et passible d'une poursuite judiciaire », peut-on lire sur l'affiche devant laquelle ont posé ces deux Iraniennes, le foulard tombé sur les épaules, en train de faire un bras d'honneur à l'affiche en question (photo publiée ci-dessus).
Le commentaire qu'a envoyé une autre Iranienne pour accompagner sa photo (ci-dessus) sans voile devant une affiche invitant au respect du hidjab en dit long sur cette nouvelle tendance, en progression depuis quelques années parmi les Iraniennes. « Ma photo est bien parlante. Est-ce qu'ils se demandent pourquoi beaucoup de filles se prennent en photo sans voile devant les affiches moralisatrices sur le hidjab ? Le message est facile à comprendre », écrit-elle.
Manifestations pour plus de contrôles vestimentaires
Quelques jours après le lancement de cette page, l'agence d'information semi-officielle Fars, proche des gardiens de la révolution, s'en est prise à son initiatrice, Masih Alinejad, la qualifiant d'« antirévolutionnaire » qui cherche à « abolir le hidjab ».
Les plus conservateurs ont ensuite multiplié les actions en faveur d'une surveillance plus stricte des codes vestimentaires et du respect du hidjab. Mercredi 7 mai, un groupe de bassijis s'est rassemblé sur la place Fatemi, dans le centre de Téhéran, et a continué sa marche vers la place Valiasr. Les manifestants ont scandé des slogans tels que « Homme ! où est passée ta dignité ? Où est passé le hidjab de ta femme ? » ou « Mort à celles qui n'ont pas de hidjab ! »
Ils ont terminé leur rassemblement par un communiqué exigeant la poursuite judiciaire de celles ou de ceux qui ne respectent pas les règles vestimentaires, ainsi que le renforcement des actions de la police des mœurs, chargée du contrôle du hidjab des Iraniennes. Le nombre de manifestants a été estimé entre « des centaines », à en croire l'agence d'information officielle IRNA, et « quatre mille », selon le site très conservateur Serat.
Cette manifestation semble une mise en garde explicite à l'adresse du président modéré, Hassan Rohani, qui prône une approche plus souple en ce qui concerne les contrôles vestimentaires. Or, la réponse du gouvernement n'a pas tardé à tomber. « L'Etat n'est pas d'accord avec les manifestations sans autorisation, et celle qui s'est tenue mercredi était illégale », a annoncé le gouverneur de Téhéran, Hossein Hachémi.
A l'approche de l'été, chaud, la saison où les Iraniennes sont moins enclines à respecter les codes vestimentaires, la guerre est déclarée entre le gouvernement et les plus conservateurs.
Source : http://keyhani.blog.lemonde.fr/2014/05/10/ces-iraniennes-...
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