17/06/2014
Hommage à Pierre Colin sur Radio Occitania
Le chanteur catalan RIBALTA qui a traduit FERRE, BERTHAUT le toulousain, BASTIDE le méridional, MIGOZZI le Corse du Var, le jeune FLAHAUT, au sommaire de cette émission consacrée à Pierre COLIN qui nous a quittés en mai. Mais les poètes sont impérissables et leurs voix veillent sur nos destinées.
Vous pouvez écouter l'émission en cliquant sur : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html
Le compte-rendu de l'émission :
Christian Saint-Paul de retour de ce pays cousin de l'Occitanie, la Catalogne, où pendent aux balcons le drapeau revendiquant son indépendance et sa volonté de poursuivre son partenariat européen, fait entendre la voix virile et chaude d'un chanteur mythique découvert dans les années soixante en France, notamment au festival de Carcassonne où il venait en concert à côté de Paco IBANEZ, Xavier RIBALTA; diffusion de l'adaptation catalane du Vaisseau Espagnol de Léo FERRE: El Vaixell Espanyol.
Comme il l'avait promis la semaine dernière, Saint-Paul fait écouter un extrait de "Petits poèmes diversement appréciables mais néanmoins écrits avec grande attention" d'Olivier BASTIDE (cardère éditeur, 15 €); on reconnaît dans cet enregistrement la voix de l'éditeur lui-même, et d'ailleurs aussi poète, Bruno MSIKA. Ces textes ont été écrits sur des suites d'Erik SATIE. Diffusion "D'entrain bien mesuré" sur "Sonatine bureaucratique" du compositeur, pionnier du modernisme.
A signaler cette semaine, un jeune poète qui totalise tout de même presque une dizaine de publications : Jean-Marc FLAHAUTpour son livre "aliéné(s)" aux éditions des états civils, illustrations de Maxime DUJARDIN, 83 pages, 12,50 €. Un ton narratif, rugueux, où la poésie fait mouche comme dans les poèmes de DUBOWSKI; un régal pour la radio. Lecture d'un extrait.
Fugue
deux patients
se font la belle
c'est la troisième
fois cette année
deux patients
dont un que tout
le monde ici appelle
le policier
Cobra serre les poils
de sa barbe
entre ses doigts
et se prend à rêver
qu'il est cet autre
en cavale
il sait que je sais
qu'il sait mais continue
de garder le secret
une fois dehors
il aperçoit un village
dans le lointain
plus il avance plus il marche
et mieux il marche
Sainte Agnès
se trouve maintenant
dans son dos
et devant c'est le passé
*
Avant d'aborder le poète de la semaine, Pierre COLIN, qui malheureusement ne peut plus être invité, puisqu'il nous a quittés le 5 mai 2014, Saint-Paul revient sur Philippe BERTHAUT qui avait, avec le poète disparu, des similitudes d'activités comme celle de formation et d'ateliers d'écriture. BERTHAUT écrit "Le champ de lave", COLIN "La lave et l'obscur". Lecture d'un extrait de "Paysage Déchiré" de BERTHAUT.
Poème, ce soir je ressens pleinement ta faille,
A ta manière d'empoisonner le monde
dans le maigre filet des mots,
de ne rien laisser paraître de l'enjeu
ni du câble de sang qui traverse la chair
en filament perpétuel.
J'entends des trouées de notes,
je les égrène d'attente,
les épuise sur le pré blanc,
retenus l'impatience et le vouloir mieux,
l'illusion du tout,
sa geste longue,
le méridien offert au cartographe aventurier,
avec sa meute de lieux toujours avides
d'assemblage.
Le manque alors et sa désinvolture
se mettent au cahier comme au lit figé des pierres.
Pousse de ta poitrine
La mêlée des fantômes.
Poème, ce soir je ressens pleinement la faille
que je ne puis parler.
Partager le piétinement.
Se reconnaître mutilé dans l'éloignement.
Ce soir le couchant s'effectuera sans couleur.
Tu partiras encore plus loin dans la sente absente.
Il n'y a plus lieu d'insister.
Laisse les lieux à leur cadastre.
Ils ne t'ont jamais demandé
de les mêler à tes désastres.
C'est une pierre à fond de chair
que ta vie ainsi révélée.
Tous les chants ont fondu dans l'air
et l'air n'en fut pas mieux porté.
Le paysage est dans la cage
que tu ouvres à chaque matin.
Un passeport pour le passage
que tu négocieras en vain.
Il n'y a plus lieu d'insister
tout ce que tu as pu en dire
te manque dès lors que l'écrire
devient grand temps de s'en aller.
*
Christian Saint-Paul revient sur "De bogue et de roc / Di riccia è rocca L'amour l'amort / Amor amorti "de Marcel MIGOZZI, édition bilingue français, corse, avec un avant-poème de Jean-François AGOSTINI et traduit en corse parStefanu CESARI, Colonna édition,100 pages, 10 €. Ce que la poésie aujourd'hui nous offre de plus dense, dans cette simplicité étourdissante qui témoigne de tant d'essorages, de tant de plaies cicatrisées. Cette écriture concise et d'une précision aiguë, cette percussion du langage qui rend compte de la percussion de la vie, précède de peu le silence. Plus tard elle le magnifiera.
Lecture d'extrait ainsi que de : "Et si nous revenions sans vieillir ?", "Voyageurs sans regard", "Qels âges as-tu ?", tous ces recueils chez Encres Vives, 6,10 € chacun, 2 allée des Allobroges 31770 Colomiers. A signaler également : "Un pied toujours dans mon quartier"(La Porte éditeur), "Derniers Témoins" (Tarabuste éditeur).
poème de province
autrement dit vieux linge
abandonné dans un lavoir
de mots usés de phrases accrocs
et l'eau
va boue
*
Bernard MAZO avait écrit dans "L'hostilité mortelle de l'inconnu" qui constituait le 364ème Encres Vives :
Toute écriture
retourne
un jour
au silence
L'écriture de Pierre COLIN est retournée au silence. Il nous appartient dorénavant de puiser dans ce silence et de retrouver la parole du poète et de la faire entendre. C'est notre vocation, à nous, acteurs de cette émission "les poètes".
Pour cette première évocation, l'idée est de faire écouter ce flux poétique propre à Pierre COLIN. C'est ainsi que la parole lui est donnée à travers la lecture d'extraits de "La lettre de Mytilène", de "Les Soleils de l'Apocalypse"(Encres Vives éditeur, 6,10 € chaque volume), de "La lave et l'obscur" (prix spécial du jury Max-Pol FOUCHET, L'Atelier Imaginaire et Le Castor Astral éditeurs, 43 pages, 12 €).
Encres Vives lui a consacré son numéro 345, "Spécial Pierre COLIN" qui rassemble des critiques et notes de lecture deMichel DUCOM, Félix-Marcel CASTAN, Claude NIARFEIX, Michel BAGLIN, Henri HEURTEBISE, Marie Florence EHRET, Luis MIZON, Werner LAMBERSY, Michel COSEM, Les SOLICENDRISTES; LES PHOTOS sont de Maïté COLIN.
Lecture de "Pierre Colin : tout est en question" de Michel DUCOM, son vieux compagnon de "L'Education Nouvelle", les deux poètes s'étant rendus ensemble à Saint-Pétersbourg et à Moscou dans le cadre de la promotion de cet organisme. Lecture des mots de CASTAN, l'Occitaniste sur son alter égo celte.
Voici un extrait des mots prononcés par Michel DUCOM le jour des obsèques de Pierre COLIN le 7 mai 2014:
Un homme du partage
« Il fut un chercheur- trouveur. La recherche ne pouvait aboutir au scepticisme ou à la contemplation mélancolique. Elle devait s'enrichir de vérités conquises - fussent-elles provisoires ?- pour ouvrir le droit aux bonheurs de vivre, de grandir, de savoir, de penser, de débattre. « Il faut reprendre aux mots leurs dernières comètes » avait-il écrit il y a longtemps...
Certains trouvent pour eux, pour enrichir leur image, lui fut un homme du partage. Le souci de faire connaître accompagnait la passion de connaître. Une générosité permanente, il écrivait sans cesse, publiait, s’engageait au plus haut niveau de ses exigences dans les stages que nous mettions en place, quels que soient les obstacles : l'argent, la santé, les incompréhensions, car toute idée neuve est d'abord souvent reçue comme une violence. Rien ne l'arrêtait. Impulsif, il apprit la patience, enthousiaste devant les découvertes et les idées, il apprit à se maîtriser le plus possible pour se faire entendre. Il a laissé de très nombreux articles dans la revue Dialogue et dans Cahiers de Poèmes -revues du GFEN- Il fut directeur plusieurs années de cette dernière qui avait été créée par son ami l'écrivain Michel Cosem. Une œuvre pédagogique majeure, liée aux chemins de la création, de l'auto-socio-construction des savoirs, de la pensée mythique, de l'imaginaire, de l'écriture. Générosité intellectuelle qui n'avait pour limite que son absence de concession à ce qui lui paraissait aller à l'encontre de l'émancipation des enfants, des êtres humains, des peuples.
Une personnalité de chercheur d'autant plus exceptionnelle qu'on ne pouvait séparer son engagement pédagogique de son engagement politique sans concession du côté des opprimés. Un engagement fidèle, - très jeune il avait écrit avec des amis un ouvrage « Citoyen d'autrui »_ engagement fidèle qui lui valut des conflits et de l'estime, un engagement qui lui a permis de confronter sans cesse son combat savant avec celui que les hommes menaient en tant que bataille collective pour vivre mieux. Quand des populations entières méprisent aujourd'hui la vie politique, lui a su, jusqu'aujourd'hui lui redonner sa force, sa pertinence comme mesure des actes humains. Terrible leçon, encore à découvrir.
Son engagement en écriture a été intimement mêlé à son action publique et à ses préoccupations intimes. Il a publié plus de trente ouvrages, il a rempli des carnets et des carnets, travaillé, et surtout il a témoigné très souvent sur ce qu'était le travail d'écriture, à partir des avancées les plus contemporaines. Non pas du côté des recherches formelles qu'il connaissait bien pourtant, mais du côté du partage de la pensée écrite. Du côté du sens humain et de la possibilité pour tous de penser à l'écrit comme on pense sous d'autres formes.
Pionnier des ateliers d'écriture pour adultes, en tant qu'écrivain d'abord puis ensuite en tant que chercheur en éducation, il passa une grande partie de sa vie à les développer. Universités d'été, stages nationaux, actions locales et internationales, rencontres d'animateurs, séminaires de recherche dans tous les domaines où l'écriture se donnait avant son action comme domaine « réservé » à quelques-uns."
Sa biographie et bibliographie selon "Le Printemps des Poètes":
Biographie
Pierre Colin est né en Bretagne où il effectue de nombreux séjours. Il vivait à Tarbes.
Auteur d'une trentaine de recueils de poèmes, tous publiés à compte d'éditeur. Le premier recueil fut publié par Marc Alain, dans sa collection Formes et Langages.
Le Recueil intitulé Une épine de bonheur a obtenu, en 1996, le Prix National Poésie Jeunesse.
Le recueil La lave et l’obscur a obtenu le Prix spécial du jury du Concours international de poésie Max-Pol Fouchet en octobre 2006 (Préface Werner Lambersy et Luis Mizon).
Bibliographie
Recueils, Roman, Nouvelles
Le Kââ d’Isis, Roman Jeunesse, 2008
Le Nord Intime, recueils de poèmes (Adultes), Editions Chemin Bleu, 2008
Je ne suis jamais sortie de Babylone, Éditions Multiples, Collection Fondamente, mai 2008
Trouble en moyenne parole, Éditions Nouveaux Délits, Cathy Garcia, Laramière, janvier 2007
Encres vives, spécial N° 345, avril 2007
Contes de fées, Princesse occupe-toi de ta bouche, Éditions du corbeau, Raffuts, Toulouse, octobre 2006
La Lave et l'Obscur, Éditions Le castor Astral, Prix spécial du Jury Concours International de poésie Max-Pol Fouchet, octobre 2005
Lieux d'hiver, Poésies, Éditions multiples, Collection Fondamente, juillet 2003
La Lettre de Mytilene, Revue Encres vives, N° 306
Le Coefficient des marées, nouvelles, Éditions Blanc Silex, Collection "Amers", août 2002
Le Retour à Sumer, Poésies, Éditions La Bartavelle, juillet 2002
Tout retourne au bercail des langues, Numéro spécial de la revue "Encres vives" N° 265, novembre 2001
La Baie des secrets, roman pour la jeunesse, Éditions du Laquets, mars 2001
Grèce obscure, Éditions Encres vives, avril 2000
Chacun s'éveillera parmi ses mots dormants, Éditions La Bartavelle, mars 1999
Le Corps rupestre, Éditions La Bartavelle, juillet 1998
Une épine de bonheur, Prix National Poésie Jeunesse 96, Éditions La Bartavelle, Novembre 1997, 4ème édition, Tarbes 2006
Se désagrègent, se décousent nos manteaux de disants, Éditions Encres vives, janvier 1997
Monde aux yeux brefs, La loi du corps, Éditions « Soleils et Cendres », Septembre 1995
Dans la Tour des Archets, Europos..., Éditions « Cadratins », octobre 1993
J'ai dit mon nom, Folie dans les syllabes, Éditions « Encres vives »
Il faut reprendre aux mots leurs dernières comètes, Éditions Glyphes
Les mots 'ont pas de langue, Éditions "Encres vives"
Remiremots, Citoyens d'autrui, etc., recueil collectif, 1970-1980
Schizo-Symphonie, Éditions actuelles, Formes et Langages
Revues de poésie
Encres Vives, Racines, Le Puits de l'Ermite, Glyphes, Rivaginaires, Filigranes, Soleils et Cendre, Traces, Le Pilon, Multiples, autres
Responsable de la revue « Cahiers de Poèmes », fondée par Michel Cosem, pendant une dizaine d’années ; collaborateur régulier de la Revue Dialogue du gfen.
Anthologies
Aa Pays des mille mots, Éditions Milan, Michel Cosem
Les poètes du Sud-Ouest, Éditions multiples, Henri Heurtebise.
Éducation et Pédagogie
Réconcilier Poésie et Pédagogie
Ça Conte
L'atelier d'Ecriture
Livres de Formation pour Adultes et Formateurs, auteur collectif, Coordonnateur: Pierre Colin, Editeur GFEN
Cette émission est une première approche de ce poète, qui compte désormais parmi ceux qui nous éclairent dans les ténèbres du présent, où il nous a laissés.
Christian Saint-Paul
ps : on peut lire aussi Pierre Colin entre autre dans le numéro 21 de la revue Nouveaux Délits :
http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2006/...
C.G.
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