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10/07/2014

Radio Occitania : l'émission Les Poètes du jeudi 3 juillet 2014 consacrée à Michel HOST.

par Christian Saint-Paul

Le prix Goncourt 1986 n'a jamais lâché la poésie et vient de publier aux éditions Rhubarde "Les Jardins d'Atalante". Il s'explique sur son métier d'écrivain qui est une tenace passion, mais en aucune manière une carrière. Une posture bien salutaire, une oeuvre à lire ou à relire, et un poète toujours sur le qui-vive. Certainement PESSOA avait-il raison d'affirmer que "chaque homme a très peu à exprimer, et que la somme de toute une vie de sentiment et de pensée peut être parfois totalement contenue dans un poème de huit vers". En tout cas, il y a beaucoup à retirer des poèmes des "Jardins de l'Atalante". J'aurai d'ailleurs le plaisir de faire entendre ce souffle poétique de Michel HOST dans une future émission.

En attendant vous pouvez écouter sa voix en cliquant sur : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html

Le compte-rendu de l'émission :

 

Christian Saint-Paul signale la parution de "Fulgurance des Êtres, des Lieux Et des Mots" Textes et Poésies, préface de Christian Saint-Paul, de Paul DAUBIN, 104 pages, 10 € disponible sur Amazon et PriceMinister.

Paul DAUBIN est le nom de signature des poèmes et textes de Paul Arrighiqui, comme il est mentionné dans la 4ème de couverture du livre, "est né à Bougie, désormais Bejaia, en Kabylie, d’un père Corse, professeur d’anglais, et d’une mère Pyrénéenne, institutrice, le 26 février 1954. Ses premières années se sont passées sous l'état de guerre. De cette enfance vécue à Akbou reste profondément enfouie les senteurs d'olives de l'épicier mozabite, les senteurs de viande d'agneau sur l'étal du marché et ce goût à la fois acide et sucré des nèfles. «Rapatrié» en 1962 dans les Pyrénées, Paul a toujours gardé une nostalgie pour les paysages méditerranéens et éprouve encore la sensation d’avoir quitté une terre ocre de soleil. Il a ensuite vécu sa jeunesse à Toulouse à l’école Bonnefoy et au lycée Raymond Naves mêlant alors dans un creuset culturel réussi, les enfants de «pieds noirs », les fils de réfugiés espagnols et les jeunes des faubourgs toulousains. Mai 1968 a éclaté alors qu’il avait 14 ans et l’a éveillé plus tôt à la vie de la cité. Paul Arrighi a ultérieurement fait des études d’histoire terminées par une maîtrise et bien plus tard, par une thèse de doctorat soutenu le 12 mars 2005 sur le juriste antifasciste, Italien et Européen, Silvio Trentin, figure de l’antifascisme et de la Résistance et libraire à Toulouse. Paul Arrighi aime beaucoup la Corse ou il a tant de fois séjourné depuis son enfance dans le village paternel. Ses goûts et les valeurs essentielles qu’il s’efforce de promouvoir sont : la liberté, la curiosité d’esprit, l’ouverture aux autres. L’écriture de la poésie est en quelque sorte devenue pour lui une sauvegarde et un talisman dans l’attente hypothétique d’un monde plus tolérant ainsi que de l’émergence d’un indispensable nouveau rapport avec la nature.

 

Ce recueil évoque les thèmes suivants :

Souvenirs d’Enfance situés avant 1962 en Kabylie à Akbou où mes parents

enseignaient, puis à Luchon où se situe la maison maternelle et où tant de souvenirs de jeux avec mon frère Régis sont encore présents à mon esprit.

Sur les Chemins de Toulouse correspond l’éloge de ma chère ville définie par René-Victor Pilhes comme « subtile, épicurienne et tolérante » largement ouverte aux influences Méditerranéennes. J’y dépeins le Toulouse des quartiers de ma jeunesse, le faubourg Bonnefoy, Croix-Daurade, l’atmosphère enflammée du lycée Raymond Naves puis les différents quartiers de Toulouse où j’ai résidé après mon retour dans cette belle ville en 1992.

La Corse, l’île enchanteresse correspond aux lieux et aux arbres souvent emblématiques de cette île si « souvent conquise jamais soumise » qui sait si bien aimanter ses amoureux et ses fidèles et leur rend leur attachement au centuple.

Les poésies de Révolte et de Feu décrivent mes passions parfois mes indignations. Aujourd’hui que j’ai atteint 60 ans, prétendument l’âge de la sagesse, j’ai gardé vivant cette faculté de m’indigner et de me révolter avec mes mots car comme l’a écrit Gabriel Celaya « La poésie est une arme chargée de futur ».

 Renouveau des saisons et petits bonheurs regroupe des poèmes sur les

saisons, quelques lieux que j’ai découverts et aimés et pour finir, évoque nos

compagnons les chiens qui sont une source de confiance et de réconfort."

 

Saint-Paul converse ensuite avec l'invité de la semaine : Michel HOST.

Il s'explique sur les chemins pris dans sa vie, notamment après le Prix Goncourt pour "Valet de nuit" en 1986. Voici comment il se présente lui-même :

 

 Michel Host  / Notice biographique  (brève autoscopie)

Né - l’écrivain, précision utile - en 1942, en Flandre.

Vit à Paris et en Bourgogne. Poète, romancier, nouvelliste, traducteur. Hispaniste, lusophile, arachnophile et ami des chats. Agrégé d’espagnol et professeur heureux dans une autre vie. Amateur de vins, de vitesse et de rugby (la deuxième de ces passions ayant été récemment freinée par la loi, il porte dorénavant ses efforts sur les deux autres.) Aime les dames, et aussi les enfants, mais seulement jusqu’à l’âge de dix ans. Athée déterminé, il ne porte cependant aucune condamnation sur ceux qui estiment devoir croire en un Dieu ou un autre, en dépit de cette évidence que ceux qui prétendent l’avoir « rencontré » sont des vantards ou des imposteurs. 

Marié légalement à une artiste peintre (une plasticienne, selon le lexique contemporain), père d’une fille musicienne, esclave de trois chattes : Artémis (décédée), Nejma (décédée) et Tanit, et d’un chat sibérien et sourd nommé Snejok.

Se considère moins comme un créateur, terme grandiloquent réservé à Dieu, aux couturiers et aux fabricants d’automobiles, que comme un digresseur (théorie personnelle récemment développée dans Topic Magazine (Cambridge University). Contributeur dans différentes revues en activité ou défuntes* : Revue des Deux Mondes, Révolution*, Revue d’esthétique, L’Art du bref*, L’Atelier du roman, La Barbacane, Harfang, L’Autre Sud*, Nouvelle Donne*, Écrire & Éditer*, Lieux d’Être, Salmigondis…

Dirige depuis l’automne 2009 la revue de littérature et de pensée : La Sœur de l’Ange.

Fondateur de l’Ordre International du Mistigri qui comporte une quarantaine de membres répartis sur les deux continents, l’européen et l’américain. Son amour des animaux est une affaire d’enfance, nullement consécutive à cette déception que cause d’ordinaire la fréquentation des êtres humains.

Ont tenu un rôle essentiel dans sa formation initiale les écrivains, poètes et philosophes français des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, avec plusieurs auteurs de l’antiquité classique et des littératures espagnole, portugaise et allemande.

Peu attiré par le tourisme, il se déplace le moins possible, mais apprécie de voyager, c’est-à-dire de rester, aimer et connaître.

A improvisé des directions d’ateliers d’écriture en milieu scolaire, non pour former des écrivains, mais pour partager le plaisir du texte et rencontrer l’Autre-Soi. S’est un temps agrégé aux Ateliers du Jeune Ecrivain.

Apprécie l’aphorisme, l’adage, l’apophtegme et la maxime, dont il possède une riche collection personnelle. Sachant le diagnostic du docteur Jules Renard : « Sauf complications, il va mourir », il tente de s’appliquer le traitement préventif préconisé par la marquise de Sévigné : « Faisons provision de rire pour l’éternité. »

 

Plusieurs de ses livres ont été traduits en différentes langues, dont le chinois. Lui-même traduit de l’espagnol, du portugais, et seulement des textes qu’il aime. S’adonne volontiers au grec ancien. N’a pas trouvé le temps de s’ennuyer.

N’a encore assassiné aucun chroniqueur littéraire et aucun éditeur. Est conscient de son mérite sur ce point. Il place aussi de grands espoirs dans son site HOSTSCRIPTVM (aujourd’hui en panne !) pour asseoir sa mauvaise réputation.

La bêtise le remplit de mélancolie et de peur, car elle est bien trop intelligente ainsi que l’observa Robert Musil : « Il n’est pas une seule pensée importante dont la bêtise ne sache aussitôt faire usage, elle peut se mouvoir dans toutes les directions et prendre tous les costumes de la vérité. » Seul, on le sait, Paul Valéry pouvait la narguer impunément.

Bibliographie (juin 2014)  (suivi de l’astérisque  * , le livre est libre de droits et ré éditable)

-          POÈMES   -

Les Jardins d’Atalante,  Ed. Rhubarbe  (Auxerre),  juin 2014

Figuration de l’Amante, Ed. de l’Atlantique , (Saintes) coll. Phoïbos, 2010

Poème d’Hiroshima, Ed. Rhubarbe,  (Auxerre),  2005

Alentours (petites proses), Ed.  de l’Escampette, 2001

Graines de pages *, poèmes sur des photos de Claire Garate, Ed. Eboris (Genève), 1999

Déterrages / Villes, Ed. Bernard Dumerchez, 1997

 

-          NOUVELLES & RÉCITS  -

L’Amazone boréale *nouvelles, Ed. Luc Pire, coll. Le Grand Miroir, (Bruxelles), 2008

Le petit chat de neige, nouvelles express, Ed. Rhubarbe (Auxerre), 2007

Heureux mortels, nouvelles, (Grand Prix de la nouvelle de la SGDL), Ed. Fayard, 2008

Peter Sís ou l’Imagier du temps, Ed. Grasset , 1996

Les Attentions de l’enfance, récits (Prix du livre de Picardie), Ed. Bernard Dumerchez, 1996 – réédition aux Ed. La Table Ronde, coll. La Petite vermillon, 2002

Journal de vacances d’une chatte parisienne, récits, Ed. La Goutte d’eau (hors commerce), 1996

Forêt Forteresse *, « conte pour aujourd’hui », Ed. La Différence, 1993

Les Cercles d’or, nouvelles, Ed. Grasset, 1989

 

-          ROMANS  -

Mémoires du Serpent, roman, Ed. Hermann, 2010

Zone blanche, roman, Ed. Fayard, 2004

Converso ou la fuite au Mexique, roman, Ed. Fayard, 2002

Roxane, roman, Ed. Zulma, 1997  - réédition au Cercle Poche, 2002

Images de l’Empire, « roman d’un chroniqueur », Ed. Ramsay, 1991

La Maison Traum, roman, Ed. Grasset, 1990

La Soirée, roman, Ed. Maren Sell, coll. Petite Bibliothèque européenne du XXe siècle, 1989 – réédition aux Ed. Mille & Une Nuits, 2002

Valet de nuit, roman (Prix Goncourt 1986), Ed. Grasset, 1986

L’Ombre, le Fleuve, l’Été, roman, Ed. Grasset, 1983 et Livre de Poche, 1984 (Prix Robert Walser 1984, à Bienne – Suisse)

 

-          TRADUCTIONS  -

Romancero gitano / Romances gitanes,  de Federico García Lorca, bilingue, aux Ed. de l’Atlantique, coll. Hermès, 2012

Ploutos, d’Aristophane  (traduction nouvelle), Ed. des Mille & Une Nuits, 2012

Coplas por la muerte de su padre / Stances pour la mort de son père, de Jorge Manrique, bilingue, aux Ed. de l’Atlantique, coll. Hermès, 2011

Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse des XIIe et XIIIe siècles, - première traduction en langue française, Ed. de l’Escampette, 2010

Lysistrata, d’Aristophane (traduction nouvelle), Ed. des Mille & Une Nuits, 2008

La Fable de Polyphème et Galatée, de Luis de Góngora, Ed. de l’Escampette, 2005

Les Sonnets, de Luis de Góngora  (les 167 sonnets authentifiés), Ed. Bernard Dumerchez, 2002

Vanitas, nouvelle d’Almeida Faria, dans Des nouvelles du Portugal, Ed. Métailié, 2000

 

Michel Host est agrégé d’espagnol, amoureux des langues espagnole et portugaise. Il a étudié le grec classique pour son plaisir.

Autres publications

En collaboration & Ouvrages collectifs

 

La nouvelle est la fin, in Pour la nouvelle, Ed. Complexe, coll. L’heure furtive, 1990

40 Ecrivains parlent de la mort, Ed. Horay, coll. Paroles, 1990

Avec le temps, si j’ose dire…, in « Nouvelles du temps & de l’immortalité », Ed. Manya, 1992

Transmutations littéraires, in Chercheurs d’Or, Cahier Figures, N° spécial : Ecrans de l’Aventure, Cahier N° 12 du Centre de Recherche sur l’Image, le Symbole, le Mythe, 1993

L’affaire Grimaudi, roman, avec A.Absire, J.C.Bologne, D.Noguez, Cl.Pujade-Renaud, M.Winckler, D.Zimmermann, Ed. du Rocher, 1995

Dit de Neptune en sa fontaine, in « Des Livres et vous », Anthologie dirigée par Henri Zerdoun, aux Ed. Éboris, à Genève, 1996

Roman, problème sans énoncé,  in « Questions du roman / Romans en question », Ed. Revue Europe, 1997

Fable de l’homme invisible, in « Le Livre Blanc de toutes les Couleurs », Ed. Albin Michel, 1997

La dérive des mers, in « Cent ans passent comme un jour »,  56 poètes pour Aragon, Ed. Dumerchez, Coll. Double Hache, 1997

Double Hache 1990-2001  - anthologie – Ed. Bernard Dumerchez, 2001

La Plume et la Faux, 1914-1918, poèmes sur des images de Philippe Bertin, Intensité Editions, 2001

Geste du jouvenceau qui point n’ayant nom bien sut en l’aage moderne machiner s’en faire ung de hault credit & proufict, nouvelle, in Les Chevaliers sans nom, Nouvelle Donne et Nestiveqnen Éditions, 2001.

Pure voltige, puis sur une feuille, ouvert, nouvelle, in Le dernier livre, Nouvelle Donne et Nestiveqnen Éditions, 2002.

Claire au Touquet, 1953, in « Le bord de mer », sous la direction de Claude Jacquot, photographies de Claude Jacquot, 2003

L’Enquêteur, in « Nouvelles / Novellas », 1er Salon du Livre de Chaumont,  Ed. Les Silos, 2003

C’était un lundi de novembre, La Compagnie des Livres, 2003

Puzzle dans la nuit, in « Petites nouvelles d’Éros », Cercle Poche, 2003

Digression et aléagraphie, in « Le roman, pourquoi faire ? », Ed. Flammarion, coll. L’Atelier du roman / Essais littéraires, 2004

L’Appel de la forêt – la forêt dans le conte -, Editions Transbordeurs, 2005.

Chant des ombres, in « L’année poétique 2005 » (Anthologie), Ed. Seghers

Derniers lieux humains, in « Initiales a 10 ans & autres bonnes nouvelles, Librairies du Groupement Initiales, 2007

Enquête du le roman, 50 écrivains d’aujourd’hui répondent… Ed. Le Grand Souffle, 2007

Les Brucolaques, in « Was aus mir wurde  / Ce que je devenais » (Album du Prix Robert Walser / bilingue), 2008 – Fondation Robert Walser

 

Le Voyageur éveillé & autres nouvelles, Ed. Isoète, Cherbourg, 2009

Le Voyeur, in « Nouvelles belges à l’usage de tous », sous la direction de René Godenne, Ed. Luc Pire, coll. Espace Nord, 2009

Préfaces

Nuno Júdice, Les Degrés du regard, L’Escampette, 1993.

Alonso de Ercilla, La Araucana, Utz, 1993.

François Regnault, Chemin héréditaire, En-Bas, Lausanne, 1997.

Jean-Philippe Katz, Violons et fantômes, Littéra, 1996.

Monique Castaignède, Nom de code : Athéna & Hé bien ! La guerre ! Olympio, 2000.

A publié au cours du temps dans les REVUES suivantes :

Révolutions (devenue Regards),  L’Art du bref (revue fondée par Richard Millet), Quai Voltaire, Autre Sud,  Harfang,  Revue des Deux Mondes,  Nouvelles Nouvelles (revue de Daniel Zimmermann & Claude Pujade-Renaud),  L’Argilète (revue d’Arthur Cohen),  Les Cahiers du Ru (revue de Pierre Lexert), La Barbacane (revue de Max Pons), Topic (Université de Cambridge), Nouveaux Délits (revue de Cathy Garcia), Faites entrer l’infini (revue des Amis de Louis Aragon), L’Atelier du roman (revue de Lakis Proguidis), La Sœur de l’Ange (revue de Michel Host & Jean-Luc Moreau), Saraswati (revue de Silvaine Arabo), Le Manoir des Poètes (revue de Maggy de Coster)

*

Michel HOST après plus de trois décennies de publications n'a rien de l'écrivain habitué. Il ne porte sur le monde littéraire aucune condescendance; son travail l'a singulièrement fortifié dans une posture naturelle d'humilité, celle même qui fait dire si justement au poète moine de Ligugé, François CASSINGENA-TREVEDY: "l'humilité est une certaine certitude de soi". En aucune manière, il n'a considéré son travail d'écrivain et encore plus de poète, comme le déroulement d'une carrière. Il réserve celle-ci à son métier d'enseignant, agrégé d'espagnol. Ecrire est pour lui une vocation qui lui permet d'exister pleinement. Dans l'écriture comme dans la lecture, impossible d'oublier la personne intime qui s'y livre. C'est si vrai qu'il précède ses notes de lecture de la phrase suivante : "Une lecture est une aventure personnelle, sinon à quoi bon ?" Ce qui domine dans son œuvre et dans le désintéressement mercantile de sa démarche, c'est son indéfectible attachement à la poésie. C'est avant tout un poète, et sa dernière publication "Les jardins d'Atalante" en atteste. Il se reconnait dans la formule de Georges PERROS : "La poésie "Elle est ce qui est toujours là", dans nos jours et nos nuits difficiles, et pourquoi rêvons-nous la nuit, sinon parce qu'elle ne nous lâche pas". Non, Michel HOST ne lâchera jamais la poésie, même s'il reconnait avec la totale sincérité qui caractérise l'homme, qu'on ne peut être habitée par elle, nuit et jour. L'inguérissable dépendance de l'amour, la beauté confondante de la femme, sont les thèmes inépuisables du poète. Il lit pour illustrer cette évidence, des extraits de son livre "Figuration de l'Amante" paru aux éditions de l'Atlantique, et qui espérons le, sera réédité dans une anthologie ou autre livre, bientôt.   

TA CHEVELURE

 

Fluante flambante électrique

J’y baigne

Mes doigts

Mes mains

Mes désirs de Nil et d’Amazone

Contre ta nuque elle s’élance vers les rapides

Elle cascade

 

Laisse qu’elle broussaille et tourbillonne

Qu’en ses remous nos bouches nos joues

Se noient

Qu’en nos déportements

Lents soubresauts des corps tendus étendus

À dents de jaguar je morde cette crinière

Allumeuse

Qu’en ses courants ses effilages

Je flaire la toute puissance

De ses vagues de ses senteurs étoilées

Et prenne tes pistes à la course

Efflorescences

D’odeurs pour le chasseur

Inspiré affolé qui descend

À tes fontaines

À tes sources

À tes mousses écumeuses

Vers les souvenirs de nos désirs noués

Épissures du temps

*

 

TON FRONT

 

Je lève les yeux
Il brille ce matin, tes longs doigts,

Tes crèmes y pourchassent les rides

À l’heure malaise s’y porte ta main

S’y coule la lumière avide

D’y capter l’ombre d’une peine

J’y lis ta pensée nos pensées

Durs paysages, nos jours innocents,

Nos jours coupables

notre lent passage

Il se lève

Il m’éclaire

Laisse que l’orage de mes lèvres

Y lave ta tristesse et l’ennui de ce jour

*

Lecture d'extraits du livre "Les Jardins d'Atalante". Poèmes sur les douze mois de l'année illustrés par Danièle BLANCHELANDE

JANVIER

Infortune du vocabulaire cette année

 

misère de la syntaxe

 

muets de charme   secs  défoliés  abolis

dépouillés  plumés  nuls

les arbres

 

Le fond de la fontaine s’est crevassé

l’eau goutte à goutte a traversé

 parois  capes  couches  strates

pour dessiner un lac  une cuisse

en bas  dans la vallée désirée d’ombres

 

Nous  notre soif  déclinons

les crêtes  grattons le rocher de nos doigts cassés

 

Sans crier gare la femme a remué

le grand lac salé se vide de son sang 

les pores s’obscurcissent

les habitants de la vallée jouissent d’un coucher de soleil

génital

visible entre les jambes d’Albane

car goguenards les bergers  - là -

troupeau aux yeux rayés 

aux quatre coins

démons de l’antique jardin

en elle satisfont

des peurs séminales longtemps

enchaînées

 

Mais veille Atalante la chasseresse

qui sur leurs rires referme ses genoux coursiers

écrase leurs têtes de liqueurs gelées

ô craquement croissance décimale

loin propagée sur les eaux

Atalante se tourne et se rendort 

des mois des semaines

laissant au lac l’usage de recourir au sang

 

Et meurt le soleil sur ces hauteurs que le froid envahit

et jusqu’au cœur de nos ossatures se loge le gel

cependant que l’autre fontaine sourd doucement

entre tes cuisses qu’elle lave toute la nuit

 

Tu t’appelles Albane et le moi braconnier

entre dans ta nuit  

*

FÉVRIER

 

Amère amande altère mes os 

Amarante ô

tu devins la sereine amante de

celui qui jonchait le val de cadavres ennemis

et crucifiait les femmes sur les portes des sanctuaires

arrachait aux ventres des mères

le fœtus violacé les vives entrailles

qu’il livrait aux crocs des chiens

 

Si limpide Toi

plus suave que le clavecin des armistices

Toi couchée dans l’arc incendié

de ses cuisses

Toi ployant sous la masse

de son obscénité

 

Je me déchire à ton soupir

m’écorche au râle d’amour 

comment peux-tu ? comment peux-tu ?

Moi  retiré de ta bouche je vais sans clocher

ni maison dans l’ornière des égorgés

parmi ses victimes  tes victimes maintenant

ô Amarante trop aimante

moi fol insensé qui me désespère

mais empli de rêves où tu baves et gémis

et râles embrassée de flammes verges brandies

redoublantes lacérations de l’air

inscrites en griffes bleutées

à tes bras à tes seins lactescents

quand déjà les bourreaux hurlent tout excités

autour du brasier de tes yeux

dressant les poteaux où ton agonie finira

dans les saccades inondées du plaisir

 

Amarante ô mon innocente

tu avais cessé de lui plaire

à la traverse de ton ventre

sur tes seins déchiquetés

sur la neige

avec des gestes lents ils étendent

-         que du supplice fort l’on jouisse  -

leurs filets  le désir  un oubli de colombes

*

JUILLET

 

Hors leur écrin de satin tes flancs s’allument

mon regard te détache à l’aube où tu te faisais prendre

des chasseurs montés de leurs vallées

                                                                     Tu es Amarante

aussi belle en dépit de la sanie des étreintes

                                                                     d’abord

ce papillon triste au coin de ta lèvre emporte

le souci de tes yeux ma rancune tout ensemble

sauf cette source de sang dont mes mains n’ont su

dévier les courants mais qu’y faire si tu accordes

plus que pain et feu à plus de prétendants

que n’en affronta le Grec

                                    et  - penses-y – moi une Ombre

que pouvais-je contre leurs poings leurs fusils

leurs chiens l’alcool blanc qui les imbibe leurs plaisanteries

grasses herbes dont ils savent se repaître

 

Je te vois qui descends au torrent

antienne couchée sur une page de ciel toute

amertume déserte ma pensée cela suffit à combler

l’attente de la lumière rais jetés pluriel hommage

à ton corps elle est sur toi et peu à peu t’immacule

ô Joie

 

C’est d’une princesse solitaire future reine d’États

délimités sur des portulans que j’invente

c’est le premier bain d’un matin de création

où des oiseaux virevoltent autour de tes épaules

mes yeux seuls les doigts roux des joncs s’y posent

leur caresse mon regard

font tes gestes pudiques et neufs

                                                             quand déjà

tu te penches sur le miroir inversé et contemples

les rides de l’amour sur fond de sable blanc

 

Parmi l’étrange songe

pour plus de lenteur en l’accomplir

j’accoste voiles amenées aux baies aux dunes aux étangs

que tu révèles et ouvres à mon esquif

j’y erre à loisir lynx agile je te contemple toute

de branches en rochers de mousses en vergers

en silence y pourchassant le lièvre du frisson

à l’entour de tes seins

je fuis tes cimes effraction qu’un orage m’interdit

te propose dans l’éclair notre longue petite mort

notre course nouvelle et de poursuivre le jeu

*

Même si PERROS affirme qu'est "poète celui qui habite totalement son être", idée reprise par SOLLERS qui dit, lui, que "la poésie, on ne la fabrique pas, on la vit, on la respire, on l'habite", il n'en demeure pas moins que ce travail de création, malgré tout, toujours un rien suspect s'agissant de poésie, Victor Hugo la considérant d'ailleurs comme "un peu extra-légale", requiert une vraie fabrication. Car "un mot de trop met tout en péril" selon le constat bien vu de Louis-René DES FORETS. Et ce livre de douze poèmes de Michel HOST, s'il existe parce que, indéniablement, son auteur est bel et bien "habité de poésie", s'est façonné lentement, comme un luthier fignole chaque violon en chef d'œuvre.  L'auteur l'indique implicitement en exergue du livre : "Ces douze poèmes, issus d’un songe d’années  - jetés la première fois sur le papier en 1972, à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, réécrits de mois en mois, jusqu’en 2012 -, disent aussi la cruauté des Jardins abandonnés."

Enfin Michel HOST aborde son travail de traducteur. Nul mieux qu'un poète ne peut traduire un autre poète. Ce faisant, il sert une passion; cette passion est celle d'une admiration militante de l'œuvre traduite. Ainsi il choisit les figures les plus emblématiques de la poésie espagnole, le grec antique ARISTOPHANE, le portugais Almeida FARIA. Il répète son engouement jamais affaibli pour Federico GARCIA-LORCA.

Lecture par Michel HOST de deux poèmes du romancero gitano dont :

 

ROMANCE DE LA GUARDIA                                ROMANCE DE LA GARDE

         CIVIL ESPAÑOLA                                                CIVILE ESPAGNOLE

 

Los caballos negros son.                                       Noirs ils sont, noirs sont les chevaux.  

Las herraduras son negras.                                   Leurs fers aussi, leurs fers sont noirs.

Sobre las capas relucen                                         Sur leurs capes partout reluisent

manchas de tinta y de cera.                                  des macules d’encre et de cire.

Tienen, por eso no lloran,                                     Ils ont, c’est pourquoi ils ne pleurent,

de plomo las calaveras.                                         si obtus, des crânes de plomb.

Con el alma de charol                                           Avec leur âme en cuir verni

vienen por la carretera.                                         ils arrivent par la grand-route.

Jorobados y nocturnos,                                         Bossus au milieu de la nuit[1],

por donde animan ordenan                                  là où ils passent ils disposent

silencios de goma oscura                                     des silences de gomme obscure

y miedos de fina arena.                                        et tant de peurs de sable fin.

Pasan, si quieren pasar,                                       Ils passent, s’ils veulent passer,

y ocultan en la cabeza                                          puis dans leur tête dissimulent                                                  

una vaga astronomía                                            une imprécise astronomie

de pistolas inconcretas.                                       de pistolets immatériels.

 

                   *                                                                                    *

                                                                                     

¡ Oh ciudad de los gitanos !                                   Ô ville, ville des gitans !

En las esquinas, banderas.                                     Aux coins des rues sont vos bannières.

La luna y la calabaza                                               La lune avec la calebasse,

con las guindas en conserva.                                 les griottes qu’on a confites.

¡ Oh ciudad de los gitanos !                                   Ô ville, ville des gitans!

Ciudad de dolor y almizcle,                                   Ville de douleur et de musc,

con las torres de canela.                                         ceinte de tes tours de cannelle.

Cuando llegaba la noche                                        Tandis que la nuit approchait,

noche que noche nochera                                       ô nuit d’une nuit plus que nuit,

los gitanos en sus fraguas                                       les gitans au fond de leurs forges

forjaban soles y flechas.                                          forgeaient des soleils et des flèches.

Un caballo malherido                                             Mais un cheval blessé à mort

llamaba a todas las puertas.                                   à toutes les portes frappait.

Gallos de vidrio cantaban                                       Lors des coqs de verre chantaient

por Jerez de la Frontera.                                          vers Jerez de la Frontera[2].

El viento vuelve desnudo                                        Et tourne le vent dénudé

la esquina de la sorpresa,                                        au coin de la rue de Surprise, 

en la noche platinoche,                                            dans la nuit qu’argente la nuit,

noche que noche nochera.                                       ô nuit d’une nuit plus que nuit.

 

                  *                                                                                         *                                             

 

La Virgen y San José                                                 La Sainte Vierge et saint Joseph

perdieron sus castañuelas,                                        ont égaré leurs castagnettes,

y buscan a los gitanos                                               et ils vont chercher les gitans

para ver si las encuentran.                                         qui les retrouveront peut-être.

La Virgen viene vestida                                             La Vierge s’avance parée

con un traje de alcaldesa,                                          d’une toilette d’alcadesse[3],

de papel de chocolate                                                tout en papier de chocolat

con los collares de almendras.                                  avec ses colliers faits d’amandes.

San José mueve los brazos                                        Saint Joseph agite les bras

bajo una capa de seda.                                              sous sa belle cape de soie.

Detrás va Pedro Domecq                                          Derrière eux va Pedro Domecq[4]

con tres sultanes de Persia.                                       avec trois sultans de la Perse.

La media luna soñaba                                               La demi-lune s’ensongeait

un éxtasis de cigüeña.                                               dans une extase de cigogne.

Estandartes y faroles                                                  Les étendards et les lanternes

invaden las azoteas.                                                    envahissent jusqu’aux terrasses.

Por los espejos sollozan                                              À travers les miroirs sanglotent

bailarinas sin caderas.                                                 des danseuses privées de hanches.

Agua y sombra, sombra y agua                                  Et l’eau et l’ombre, et l’ombre et l’eau

por Jerez de la Frontera.                                             vers Jerez de la Frontera.

 

                    *                                                                                          *

 

¡ Oh ciudad de los gitanos !                                           Ô ville, ville des gitans!

En las esquinas, banderas.                                            Aux coins des rues sont vos bannières.

Apaga tus verdes luces                                                  Éteins-les tes vertes lumières

Que viene la benemérita.                                               car vient la Toute méritante[5].

¡Oh ciudad de los gitanos !                                           Ô ville, ville des gitans!

¿ Quién te vio y no te recuerda ?                                  Qui, t’ayant vue, peut t’oublier ?

Dejadla lejos del mar                                                     Oh! laissez-la loin de la mer

sin peines para sus crenchas.                                        avec ses mèches dépeignées.

      

                      *                                                                                         *

                                                                                        

Avanzan de dos en fondo                                               Ils avancent en rangs par deux

a la ciudad de la fiesta.                                                   jusqu’à la ville de la fête.

Un rumor de siemprevivas                                             Puis un murmure d’immortelles

invade las cartucheras.                                                   hante soudain les cartouchières.

Avanzan de dos en fondo.                                              Ils avancent en rangs par deux.

Doble nocturno de tela.                                                  Double nocturne de tissu,

El cielo, se les antoja                                                      et, dans leur idée, le ciel n’est

una vitrina de espuelas.                                                  qu’une vitrine d’éperons.

 

                       *                                                                                           *

La ciudad, libre de miedo,                                            Libre de toute peur, la ville

multiplicaba sus puertas.                                              alors multipliait ses portes.

Cuarenta guardias civiles                                              Les quarante gardes civils  

Entran a saco por ellas.                                                 s’y jettent pour la mise à sac.

Los relojes se pararon,                                                   Là, les horloges s’arrêtèrent,

y el coñac de las botellas                                                et le cognac dans les bouteilles

se disfrazó de noviembre                                                pour n’éveiller point de soupçons

para no infundir sospechas.                                           de novembre se travestit.

Un vuelo de gritos largos                                               Une longue envolée de cris

se levantó en las veletas.                                                 jaillit d’entre les girouettes.

Los sables cortan las brisas                                            Les sabres découpent les brises

que los cascos atropellan.                                               que les sabots ont culbutées.

Por las calles de penumbra                                            Au travers des rues de pénombre

huyen las gitanas viejas                                                  s’ensauvent les vieilles gitanes

con los caballos dormidos                                              avec les chevaux endormis,

y las orzas de moneda.                                                    avec leurs pots pleins de piécettes.

Por las calles empinadas                                                 Et le long des rues escarpées

suben las capas siniestras                                               se hissent les capes sinistres,

dejando detrás fugaces                                                   qui derrière laissent, fugaces,

remolinos de tijeras.                                                        les moulinets de leurs ciseaux.

 

               *                                                                                                    *

En el portal de Belén                                                       À la crèche de Bethléem

los gitanos se congregan.                                                ils se rassemblent les gitans.

San José, lleno de heridas,                                               Saint Joseph, couvert de blessures,

Amortaja a una doncella.                                                 met une fille en son linceul.

Tercos fusiles agudos                                                      Obstinés, stridents, les fusils          

por toda la noche suenan.                                               claquent durant toute la nuit.

La Virgen cura a los niños                                              La vierge soigne les enfants

con salivilla de estrella.                                                   qu’elle oint de salive d’étoile.  

Pero la Guardia civil                                                        Mais la Garde civile avance

avanza sembrando hogueras,                                          semant sur ses pas des brasiers,

donde joven y desnuda                                                    dans lesquels jeune et mise à nu

la imaginación se quema.                                                l’imagination se consume.

Rosa la de los Camborios                                                Rosa, fille des Camborios,

gime sentada en su puerta                                               assise à sa porte gémit

con sus dos pechos cortados                                           regardant ses deux seins coupés

puestos en una bandeja.                                                  qu’on a posés sur un plateau.

Y otras muchachas corrían                                              Et d’autres filles s’enfuyaient

perseguidas por sus trenzas,                                           pourchassées, saisies par leurs tresses,

en un aire donde estallan                                                 dans un air où partout éclatent    

rosas de pólvora negra.                                                    de ces roses de poudre noire.    

Cuando todos los tejados                                                 Lorsque tous les toits en terrasses

eran surcos en la tierra                                                     furent des sillons mis en terre

el alba meció sus hombros                                               l’aube balança ses épaules

en largo perfil de piedra.                                                  en un  très lent profil de pierre.

¡ Oh, ciudad de los gitanos !                                             Ô ville, ville des gitans!

La Guardia civil se aleja                                                      La Garde civile s’éloigne

por un túnel de silencio                                                     suivant un tunnel de silence

mientras las llamas te cercan.                                           tandis que les flammes t’encerclent.

¡ Oh, ciudad de los gitanos !                                             Ô ville, ville des gitans!

¿ Quién te vio y no te recuerda ?                                       Qui, t’ayant vue, ne se souvient ?

Que te busquen en mi frente.                                             Qu’on te cherche ici, sur mon front,

Juego de luna y arena.                                                         Ô toi, jeu de lune et de sable. 

 

Michel HOST, auteur consacré peu enclin à jouer le jeu d'une conformité médiatique dominante, a conservé l'enthousiasme du découvreur. Il semble naître, renaître plus justement à chaque nouvelle publication. Sa ferveur doit nous guider. Dans un monde littéraire où les "hommes habitués" sont cohortes de cynisme, cette fraicheur est un démenti à l'agacement qui pourrait s'installer. Qu'il en soit remercié !


[1] Sous les capes, les fusils portés en bandoulière leur dessinent des silhouettes bossues.

[2] Belle ville d’Andalousie qu’entourent de nombreux vignobles. Les Arabes du califat de Cordoue en avaient fait  une frontière défensive contre les invasions venues du Nord.

[3] L’alcadesse est l’épouse de l’alcade (ou alcalde), premier magistrat d’une municipalité.

[4] Le plus renommé des éleveurs de cognac d’Espagne, dont sur toutes les routes des panneaux publicitaires vantent les mérites.

[5] La Très méritante, la Toute méritante (la Benemérita), celle qui a bien mérité de la patrie : surnom familier de la Garde civile.

 

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