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23/09/2014

Fugitive lu par Michel Host

In Le Scalp en feu – VIII par Michel Host (Chronique)
http://www.lacauselitteraire.fr/le-scalp-en-feu-viii-par-michel-host

 

 

Fugitive, de Cathy Garcia, chez Cardère éditeur, 2014, Coll. Poésie,55 p., 12 € [www.cardere.fr]Illustrations originales de Cathy Garcia.

Belle impression, beau papier que l’œil et le doigt caressent avec plaisir, caractère d’une lisibilité parfaite et encres de Cathy Garcia dont on sait qu’elle a plusieurs flèches à son arc.

On est mal, parfois. On va mal, tout ou presque va mal. La déglingue nous guette, le ciel même s’inscrit en contre : Le ciel a mordu. Les chiens sont lâchés. / Dans les poitrines, les cœurs s’épavent. // Partout s’installent des cirques funèbres. /// Foutoir irrespirable.

Alors, quoique le naufrage guette, nous allons sur cette terre : Je marche. / Je dois marcher. Cathy Garcia, en dépit du titre donné au recueil, ne fuit pas, ou sinon en avant, vers le ponant donc, à la suite de son ombre qu’elle rejoindra dans « le rouet des incantations »,du côté de cette priance amoureuse qu’est la poésie. Mais d’abord il y aura eu l’épreuve, cette souffrance en forme d’« exil », dans cette maison [qui] gonfle, crève. Lambeaux dégueulasses… où même les bêtes [sont] désarticulées. Je sais, depuis d’autres lectures, la poésie de Cathy Garcia toute tournée vers la vie pleine et vivante, dans un souhait de joie de l’esprit et de la chair… Ce que nous conte Fugitive est hors de sa voie, hors de son habitude, si l’on se permet de penser que nous vivons tous, à de certains moments du moins, dans des lieux qui nous sont habituels. Dans ce registre inattendu parce qu’entêtant, dangereux, méchant même – (toute cette nature, ces bêtes désarticulées, n’est-ce pas ?), le poème de Cathy Garcia tremble, inquiet, ému, se frayant un dur chemin parmi les spectres, rencontrantl’ogre de désir où son navire se fracasse les flancs, tout cela dans le déchirement tellurique qui suggère une fin du monde, un  irréversible et fatal assaut des vieux instincts : Conjuration du vide. / La meute aime le rut.Le « récit », car il s’agit d’un récit à peine déguisé, laisse deviner l’élargissement de l’ombre, la plongée dans un enfer désespérant, un chaos des sens qui fait douleurs les faux plaisirs de l’instant : Un corps de femme à lapider, encore et encore.Alors, après avoir marché encore et encore, [lâché] les simulacres, sur quels horizons s’ouvrira le futur ?

La marche en terre d’exil s’improvise voyage, au risque du naufrage en terre-ciel, errance funambulesque dans les temps et les espaces, et jusqu’à soi… Il s’agit de se réancrer, de déployer la corolle, de retrouver des paysages habitables… fût-ce en se soumettant à de mystérieuses magies afin que l’âme s’encorde aux cailloux sorciers. Retrouver terre, reprendre pied. Des amants, sans doute, plusieurs aubes, la lente mais sûre réconciliation : Je cours et je danse. // La terre est une et nous sommes un.

Laissons le poème suivre sa pente, après la rencontre avec le rapace dont les serres ont marqué [l]a chair,mais pas seulement, l’âme aussi, le cœur, l’être en son fond le plus profond, tout ce qui fait la matière d’une vie, à la fin Irréversible mais large comme un fleuve. Dans ce récit d’une longue étape d’un voyage heureusement inachevé, je comprends et saisis une fois encore cette force et ce courage des femmes, cette puissance invincible du désir d’être envers et contre les embuscades de la destinée, tout ce que j’admire et que j’avais déjà pressenti dans de précédents recueils de Cathy Garcia, cela qui lui appartient, en liaison avec des joies stimulantes aussi, et qu’elle nous donne en partage.

 

Michel Host, septembre 2014

 

 

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