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04/02/2015

La folle semaine de Syriza : quand le ministre Varoufakis "tue" la Troïka

 

Connaissez-vous un gouvernement européen capable de vous présenter un bilan solide après une seule semaine d’activité ? C’est à la hussarde que le gouvernement Tsipras est entré dans le vif du sujet.

Yanis Varoufakis, ministre des finances (photo : AFP/Aris Messinis)
Yanis Varoufakis, ministre des finances (photo : AFP/Aris Messinis)

Jugez du peu :

  • augmentation du SMIC grec de 10 % avec effet immédiat ;
  • réintégration de milliers de fonctionnaires licenciés abusivement sur injonctions de la Troïka ;
  • retrait des barrières autour du Parlement au motif que des représentants du peuple qui se respectent n’ont pas à se protéger du peuple ;
  • gel de toutes les privatisations en cours (électricité, port du Pirée) et demande de démission de la Direction de l’agence grecque chargée de cette base besogne sous le régime précédent ;
  • coup de poing sur la table dans l’affaire de nouvelles sanctions européennes à l’égard de la Russie ;
  • fin de non-recevoir adressée par le nouveau ministre des finances, Yanis Varoufakis, à son homologue néerlandais et chef de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem :

« Nous ne voulons pas de vos 7 milliards. Nous voulons TOUT renégocier ! Et pas avec votre Troïka ! »

Les « erreurs toxiques », ça commence à bien faire !

Cette dernière décision est sans doute la plus symbolique, et la plus sujette à futur conflit avec l’Union européenne, de cette première semaine folle. D’autant que ces 7 milliards d’"aide", qui servaient de carotte aux représentants européens pour essayer d’amadouer les trublions de Syriza, n’étaient en réalité pas du tout destinés à finir au fond des caisses grecques. Mais juste proposée pour permettre au gouvernement d’Athènes d’honorer 10 milliards d’échéances d’ici la fin février.

Un tour de passe-passe que Varoufakis, spécialiste de la théorie des jeux à somme nulle [1], ne pouvait manquer de relever et qu’il qualifie crûment d’« erreur toxique », comme toutes les "aides" qui valurent précédemment à son pays de passer de 110 % d’endettement à plus de 175 %. Il est clair qu’en déclarant vouloir se passer des 7 milliards de l’UE, Varoufakis signifiait son intention résolu d’aller jusqu’au défaut de paiement.

Peu probable en effet que la Grèce puisse honorer des échéances de quelques 10 milliards d’ici fin février sans secours extérieurs. Or, lors de sa rencontre de dimanche avec le ministre français Sapin, Varoufakis a réitéré sa volonté de ne pas demander d’aide, mais de négocier un accord global d’ici fin mai (ce qui est une autre manière d’annoncer à l’avance l’impasse sur l’échéance cruciale de fin février). La partie de bras de fer bat son plein.

Vers une "islandisation" de la Grèce ?

Plusieurs autres signes de rupture sont apparus lors de cette si première semaine d’exercice du pouvoir :

  • Le choix d’une alliance en apparence contre nature avec les Grecs indépendants souverainistes (ANEL). Mais n’est-ce pas une autre manière, plus pragmatique, programmatique, de faire de la politique ? On rappellera que notre bon vieux Conseil national de la Résistance (CNR) était lui aussi composé de membres venant de tous horizons politiques et que cela n’affecta en rien, bien au contraire, la qualité reconnue de ses ordonnances d’alors.
  • Une volonté pas vraiment affirmée de vouloir voler aux secours des banques grecques privées qui virent s’envoler près de 25 % de leurs valeurs boursières au lendemain de l’élection.

Comme si le gouvernement Tsipras se dirigeait tout droit vers une sortie de type islandaise. On arrête les frais, on ne ramasse pas les fruits pourris, on reconstruit tranquillement sur du sain, avec vous (l’UE) ou avec d’autres (la Russie ? les BRICS ?).

Une poignée de mains ratée

L’épilogue de cette semaine folle tient dans un final ahurissant qui, à l’issue de la déclaration de Yanis Varoufakis, vendredi, vit le chef de l’Eurogroupe se lever brusquement plutôt que de répondre à l’impertinent, et s’éclipser prestement après une poignée de main totalement ratée.

Lors de ce départ un brin pathétique, Jeroen Dijsselbloem glissera cependant quelques mots furtifs à l’oreille de Yanis Varoufakis. Le site Zero Hedge en révélera la teneur :

Jeroen Dijsselbloem : « You just killed the Troika ("vous venez juste de tuer la Troïka") ! »
Yanis Varoufakis (hilare) : « Wow ! »

Notes

[1] Un jeu à somme nulle est un jeu où la somme des gains de tous les joueurs est égale à 0, où le gain de l’un constitue obligatoirement une perte pour l’autre.

 

 

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