12/03/2015
Par Jacques Livchine : Calais, les migrants, Le Channel...
J’ai carrément une envie pressante de parler et de tout raconter.
Je suis à Calais la ville des bourgeois de Calais et du tunnel sous la manche
et hier ça y est, j’ai vu l’histoire du monde en train de se fabriquer sous mes yeux
Des centaines de camions étaient bloqués à l’entrée du tunnel sous la Manche à cause d’une grève des ferries et des centaines de migrants tentaient de les prendre d’assaut, j’étais avec Hervée, elle pourra témoigner et affirmer que je ne dis que la vérité.
Les migrants vivent dans ce qu’ils appellent la jungle, derrière le Leaderprice là j’ai jeté mon oeil rapidement, c’est la honte de toute l’Europe, concentrée dans un mouchoir de poche.
Honte de l’Angleterre, honte de la France, honte de Hollande, Honte de Merkel, honte de Sarkozy.
Ce que j’ai vu, c’est le cauchemar. Je pleurais à l’intérieur, on t’en parle, on t’en parle, tu vois des photos, mais là c’est là devant toi, c’est du vrai, c’est du réel, tu te dis oui, ça existe, t’es pas dans une bidonville d’Afrique, t’es là en france , sixième pays le plus riche du monde, et tu vois des hommes chassés de leur pays en guerre, dans une situation qui est au delà de la pauvreté, ensuite le long de l’autoroute un gosse de 20 ans se faisait massacrer à coup de batte de base ball par un chauffeur routier, et partout autour, des camions bloqués, et dans toutes les prairies le long de l’autoroute on voyait des petits points noirs, des hommes prêts à bondir sur le toit des camions.
et là bien sûr, moi roi de la culpabilité, je me disais , et toi tu vas faire ton théâtre, que peut le théâtre contre l’impuissance de 29 pays incapables de régler le sort de 2500 ou 5000 ou même 100 000 migrants ?
Et justement, il y a à Calais le Channel. J’avais dit à Filipetti, vous y êtes bien sûr allée au Channel ? Elle ne savait même pas de quoi je lui parlais, et la nouvelle Fleur elle a depuis longtemps oublié d’où elle vient.
Et hier les comédiens arrivaient pour liberté de séjour, et ils hallucinaient devant un lieu de culture totalement utopique avec ses restaurants, sa librairie, son cirque, ses salles de répétition et le look général, pas de Jean Nouvel ici, non Delarozière, l’ex de Royal de Luxe, oui ici tout est beau.
Mille fois plus beau que la philharmonie et son triplement de budget.
Alors les migrants à 500 mètres et le théâtre ?
Jacques tu fais quoi avec ça ?
Mais justement, Le Channel est le lieu d’oxygénation de Calais , le lieu d’enrichissement des âmes, ici tous ceux qui aident les migrants se croisent et viennent quêter la vitamine de l’esprit dont ils ont besoin pour se battre, le Channel c’est un immense lieu de résistance qui ne dit pas son nom .
Alors nous lançons l’événement, un des plus grands de notre vie, un événement qui n’est pas une foire aux spectacles, qui n’est pas un lieu d’exhibition des narcissismes d’artistes.
On va dans la rue, dans les forêts, on va partout, les nigériens arrivent les haïtiens arrivent les italiens, les franc comtois, on va jouer pour les animaux, on fait dans le symbole, réussi ou raté on s’en fout, on le fait. On l’aura fait.
La vie culturelle parisienne continuera, aucun journaliste ne trouvera le temps de venir (à part Thibaudat), car un lieu comme le Channel qui épouse la pulsation historique de son époque est quasiment mis au ban des institutions théâtrales.
Ce matin, j’ai de l’énergie , je sens que je suis dans le flux de l’histoire.
http://lechannel.fr/…/do…/publiPDF/programme/Lds2015-new....
Jacques Livchine
Jacques Livchine, c'est le Théâtre de l'Unité fondé en 1968 à Issy-les-Moulineaux : http://www.theatredelunite.com/
09:15 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
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