23/04/2015
Eduardo Galeano - Los Nadies
et ceux qui sont personne rêvent de quitter la pauvreté,
qu'un jour magique
pleuve sur eux la providence
pleuvent des cruches entières de providence ;
mais la providence ne pleut pas hier,
ne pleut pas aujourd'hui, ni demain, ni jamais,
ni même en bruine, elle ne tombera, la providence,
aussi fort qu'il puissent bien l'appeler,
et que la main gauche les démange ou pas,
ou qu'ils se soient levés un matin du pied droit,
ou qu'il aient commencé l'année en achetant un balai neuf.
et proprios de rien.
Ceux-là qui sont personne : nuls et
rendus plus nuls encore,
que l'on voit courir vers du vent
et jour à jour mourir leur vie,
enculés doublement.
Qui ne parlent pas une langue, mais un dialecte.
Qui ne professent pas une religion,
mais des superstitions.
Qui ne créent pas de l'art, mais de l'artisanat.
Qui n'ont pas de culture, mais un folklore.
Qui ne sont pas des êtres humains
mais des ressources humaines.
Qui n'ont pas de visage, mais des bras.
Qui n'ont pas de nom, mais un numéro.
Qui ne figurent pas dans l'histoire universelle,
mais dans la chronique rouge des presses locales.
Ceux-là qui sont personne
et coûtent moins cher
que la balle qui les tue.
12:01 Publié dans LATINA AMERICA, RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
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