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02/12/2015

Avril-Sofiproteol : l'agrodiesel aux dépens de la souveraineté alimentaire et du climat

Peu connu du grand public, Avril-Sofiprotéol est un empire agro-industriel au chiffre d'affaires annuel de 7 milliards d'euros et à l'influence considérable, via notamment son patron Xavier Beulin, qui n'est autre que le président de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire en France. Avril-Sofiprotéol a largement bénéficié des subventions publiques accordées aux agrocarburants. Alors que ceux-ci sont aujourd’hui gravement discrédités du fait de leur responsabilité dans la hausse des prix alimentaires, l’accaparement des terres et la crise climatique, Avril-Sofiprotéol mène une campagne de lobbying agressive pour protéger ses intérêts.

Un véritable empire agro-industriel

De l’alimentation humaine à la nutrition animale, des semences à l’énergie renouvelable, des médias agricoles à la finance, Avril-Sofiprotéol est partout. Peu connue du grand public, l’entreprise française a pris les dimensions d’un véritable empire agro-industriel avec un chiffre d’affaires annuel de 7 milliards d’euros. Elle est à la fois le bras financier de l’agrobusiness français et une source d’influence politique considérable, puisque son patron, Xavier Beulin, n’est autre que le président de la FNSEA, syndicat agricole majoritaire en France et ardent défenseur des intérêts des grands exploitants agricoles et de l’agro-industrie.

Le business dévastateur des agrocarburants

Avril-Sofiprotéol a investi précocement dans le secteur des agrocarburants, une agro-industrie reposant sur des manipulations technologiques lourdes, à l'opposé de l'agriculture paysanne visant à satisfaire les besoins alimentaires des populations. Son agrodiesel, le diester, est produit avec de l’huile de colza et de tournesol. Sur fond de crise climatique, des subventions publiques et des politiques favorables aux agrocarburants ont été introduites (notamment l’obligation de mélanger une quantité minimale d’agrodiesel dans le diesel vendu en France), se transformant en une manne financière inépuisable pour l'entreprise, lui permettant de financer l’expansion de ses activités et d’assurer son emprise sur le secteur agricole français.

Comme nous l'avons démontré dans notre campagne sur les agrocarburants industriels (cliquez ici pour en savoir plus), les agrocarburants ont une responsabilité dans l’accroissement de la faim, le changement climatique et l’accaparement des terres. La production d’agrocarburants aggrave les pressions sur la terre [1] et est une source majeure d’insécurité alimentaire au niveau mondial : 65% des huiles végétales produites en Europe et 40% du maïs américain sont déjà dirigés vers le marché des agrocarburants, plutôt que vers la production alimentaire. Les politiques publiques qui ont favorisé cette tendance ont eu pour résultat d’accroître la volatilité des prix alimentaires, avec des conséquences dramatiques pour les communautés les plus pauvres dans les pays du Sud [2]. En outre, leurs bénéfices pour le climat sont largement discrédités. Si l’on prend en compte l’intégralité de leur chaîne de production, et en particulier les émissions liées au changement direct et indirect d’utilisation des terres (y compris la déforestation pure et simple), certains agrocarburants peuvent même s’avérer plus nocifs pour le climat que les énergies fossiles [3] !

 Cela n'empêche pas Avril-Sofiprotéol de mener un combat acharné pour défendre cette source de profits. 

Les politiques climatiques de l’Europe manipulées 

En raison des impacts négatifs des agrocarburants, le Parlement européen a initié un processus législatif pour limiter le soutien public et les subventions aux agrocarburants dits « de première génération » – ceux qui sont basés sur des cultures alimentaires.

Une bataille politique épique s’en est suivie dans les couloirs bruxellois, menée par le patron de Avril-Sofiprotéol Xavier Beulin et son armée de lobbies. Le très influent syndicat agricole européen COPA-COGECA, dont Xavier Beulin est le vice-président, a pesé de tout son poids, en affirmant que « toute réduction des cibles visant à promouvoir l’usage de carburants basés sur des cultures agricoles nuirait à la croissance et à l’emploi, ainsi qu’aux objectifs dans le domaine de l’énergie et du climat » [4].

Des organisations comme l’European Oilseed Alliance (dont Xavier Beulin est président) ou l’European Biodiesel Board ont martelé le même message. Sous pression du secteur agroindustriel national (où Avril-Sofiprotéol est omniprésente), le gouvernement français est lui aussi intervenu pour s’assurer que le Parlement européen ne remettrait pas en cause « les investissements qui ont déjà été établis ». Finalement, en avril 2015, le Parlement européen adopta un seuil maximal pour les agrocarburants de première génération, mais à un niveau insuffisant pour limiter leur développement. 

Étant donné que la seule COPA-COGECA a dépensé 2 millions d’euros de lobbying à Bruxelles en 2014, avec un effectif de 18 lobbyistes, il n’est pas surprenant que Xavier Beulin et sa toile d’associations professionnelles aient réussi à influencer les décideurs[5]. 

Le véritable  « ministre de l’Agriculture » en France

En France aussi, les subventions publiques aux agrocarburants ont été sous le feu de vives critiques, entre autres à la suite d’un rapport de la Cour des comptes de 2012 qui concluait que les exemptions fiscales pour les producteurs d’agrodiesel avaient coûté à l’État français plus de 1,8 milliard d’euros entre 2005 et 2010 [6]. La Cour soulignait que le soutien public ainsi reçu par Sofiprotéol était significativement supérieur aux investissements réalisés par l’entreprise sur cette activité. Mais le gouvernement français décida néanmoins, fin 2012, à un moment où il s’efforçait désespérément d’équilibrer son budget, de maintenir ce régime fiscal favorable, source de profits immenses pour Sofiprotéol, sous le prétexte que « le secteur représente plusieurs milliers d’emplois ».

Xavier Beulin, qui a été surnommé le « véritable ministre de l’Agriculture », détient une influence politique considérable en France. Il est au centre d’un vaste réseau d’intérêts économiques, financiers et politiques, comme l’illustre la composition du Conseil d’administration d’Avril, qui inclut plusieurs dirigeants de multinationales françaises.

Avril-Sofiprotéol essaie désormais d’utiliser la Conférence climat de Paris pour verdir son image. L’entreprise s’est par exemple associée à la plateforme « Solutions COP21 », où elle fait la promotion de son nouvel agrodiesel, ainsi que de l’introduction de la culture à grande échelle du soja en France comme des « solutions climat » [7]. Un nouvel exemple de la manière dont les fausses solutions comme les agrocarburants nous sont imposées.

 

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Notes :

(1) ActionAid (juin 2015), Caught in the Net: How “net-zero emissions” will delay real climate action and drive land grabs. http://www.actionaid.org/sites/files/actionaid/caught_in_...

(2) L’ILC (International Land Coalition) a révisé ses estimations plusieurs fois ; les dernières sont disponibles sont ici : http://www.landmatrix.org/media/filer_public/b2/48/b24869...

- See more at: http://www.peuples-solidaires.org/2015/prix-pinocchio-avril-agrodiesel-aux-depens-de-la-faim#sthash.9M1T0o3G.dpuf

 

 

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