04/03/2016
Berta Caceres, vaillante militante écologique assassinée au Honduras
Militante écologique depuis les années 1990, Berta Caceres a été tuée par balles jeudi en rentrant à son domicile. La cause environnementale au Honduras perd l’un de ses défenseurs acharnés.
Depuis quelques années, les collègues de travail de Berta Caceres avaient préparé son eulogie. Une façon de défier avec humour les menaces de mort que la militante écologiste hondurienne recevait régulièrement. Des menaces qui ne l’empêchaient pas pour autant de mener son action pacifique contre la construction du barrage d’Agua Zarca, sur la rivière Gualcarque, dans le nord-ouest du Honduras.
Jeudi 3 mars pourtant, Berta Caceres s’est écroulée au moment où elle rentrait chez elle dans la ville de La Esperanza, tuée de plusieurs balles par des inconnus. Selon la police, il s’agirait d’un crime crapuleux, commis par de simples voleurs.
Mais pour la famille de Berta Caceres, les motifs de cet assassinat sont évidents : "Nous savons tous que c’est pour sa lutte écologique", a déclaré sa mère, Berta Flores, sur la chaine de télévision brésilienne Globo, après son décès. Une opinion partagée par Carlos Reyes, dirigeant du Front national de Résistance populaire (FNRP), mouvement d’opposition socialiste, interrogé par l’AFP : "Pour la police, des inconnus sont entrés dans la maison par la porte de derrière et lui ont tiré dessus à plusieurs reprises, mais nous savons tous que ce sont des mensonges".
Née dans les années 1980, Berta Caceres s’intéressa, dès ses études universitaires, à l’activisme politique et au sort des populations du pays les plus démunies. Issue d’une lignée indienne Lenca, elle fonde, en 1993, le Conseil national des organisations indigènes et populaires du Honduras (Copinh), pour venir en aide aux communautés indigènes dans leur lutte pour le respect de leurs droits territoriaux.
C’est en 2006 que les habitants de la région de Rio Blanco viennent pour la première fois la consulter : des machines et des équipements de construction ont fait leur apparition près de la rivière Gualcarque, sans qu’ils en connaissent la raison, ni le but.
Un combat presque remporté
Depuis le coup d’état de 2009 au Honduras, de gigantesques projets d’exploitation des ressources minières ont été lancés par le gouvernement qui a approuvé plusieurs grands projets de barrage, destinés à alimenter en eau ces nouvelles exploitations. Co-venture entre la compagnie hondurienne Desarollos Energetico, DESA, et l’entreprise chinoise Sinohydro, le projet de barrage d’Agua Zarca menace depuis ses débuts les conditions de vie de centaines d’Indiens Lenca installés dans la région.
C’est en leur nom que Berta Caceres s'est investie dans ce difficile combat, montant plusieurs campagnes de protestation. Pendant dix ans, elle dépose des plaintes auprès des tribunaux, organise des manifestations pacifiques, des blocages de route pour empêcher l’accès au site, exigeant le respect des droits des populations locales et leur consultation sur la pertinence du projet. Elle va même jusqu’à saisir la Commission des droits de l’Homme interaméricaine, pour que la Banque mondiale, qui finance une partie du barrage, s’en retire. Ce que celle-ci finira par faire, emboîtant le pas à Sinohydro qui a rompu son contrat avec DESA fin 2013.
En 2015, les efforts de Berta Caceres sont reconnus internationalement. Elle reçoit le prix Goldman Environmental, décerné depuis 1989 aux plus fervents défenseurs de la cause environnementale dans le monde. Une double récompense pour la militante qui a réussi, par sa persistance et celle de son organisation, à faire suspendre la construction du barrage.
Que Berta Caceres ait perdu la vie pour la défense d’un environnement naturel nécessaire à la vie de communautés indigènes ne sera peut-être jamais établi avec certitude. Il est sûr en revanche que les promoteurs du projet d’Aqua Zarca viennent de perdre une opposante convaincue et courageuse.
14:08 Publié dans LATINA AMERICA | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Quelle barbarie... Me reviennent, pensant à Berta, les mots du poète algérien Abderrahmane Lounes :
"je ne sais pourquoi
la vérité conduit toujours au cimetière
je ne sais pourquoi
l'amour agonise dans les pissotières
et la poésie dans les latrines"
Écrit par : Laurent Bouisset | 05/03/2016
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