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23/06/2017

Flexibilisation du travail ou transition écologique, il faut choisir !

 

Aurore Lalucq, codirectrice de l'Institut Veblen pour les réformes économiques
 

La volonté du gouvernement de flexibiliser les emplois amènera à une précarisation des conditions de travail qui va irrémédiablement à l’encontre de la transition écologique. Des pays anglo-saxons à l’Allemagne, la flexibilisation du marché du travail s’est certes traduite par des créations d’emplois, mais des emplois mal rémunérés et peu protégés. On peut considérer qu’il vaut mieux être mal employé que chômeur, c’est un choix de société. Mais il faut être conscient que ce choix, par l’accroissement des inégalités qu’il provoque, est aussi complètement anti-écologique.

En effet, inégalités sociales et inégalités écologiques s’auto-alimentent. Un phénomène parfaitement décrit dans le livre de l’économiste Eloi Laurent et du syndicaliste Philippe Pochet. Les deux auteurs y montrent comment les inégalités sociales favorisent l’irresponsabilité écologique des plus riches (via un transfert des dommages environnementaux des riches vers les pauvres), affectent la santé des plus pauvres (les plus défavorisés sont aussi les plus touchés par les vagues de canicule par exemple) et participent à une relance inutile de la croissance (on préfère aller toujours plus loin dans la taille du gâteau plutôt que mieux le partager).

Les plus défavorisés sont aussi les plus touchés par les vagues de canicule

Par ailleurs, comme le notent plusieurs études, notamment les travaux de Lucas Chancel et de Thomas Piketty, les plus aisés sont ceux qui polluent le plus. Et leur mode consommation, en devenant la norme à atteindre, engendre des comportements mimétiques qui poussent à la surconsommation.

Les 35 heures sont écolos

La volonté du gouvernement de revenir sur les 35 heures va elle-aussi à l’encontre de la transition écologique. L’économiste et sociologue américaine Juliet Schor fut l’une des premières à mettre en évidence le lien entre surconsommation (overconsuption) et surtravail (overwork) aux Etats-Unis. Les conclusions de son étude étaient sans appel : plus les Américains travaillent, plus ils consomment, notamment des produits très impactant pour l’environnement (avions, biens transformés, etc.).

Un constat renforcé par des études du Center for Economic and Policy Research (CEPR) de Washington. Deux chercheurs, David Rosnick et Mark Weisbrot, mettent en évidence que les différences d’impacts environnementaux entre l’Union européenne et les Etats-Unis s’expliquent par la différence de temps de travail. Selon leurs analyses, si les Européens adoptaient un temps de travail équivalent à celui des Américains, ils consommeraient 30 % d’énergie en plus. Plus intéressant encore, les deux chercheurs notent qu’à l’inverse, si les Etats-Unis avaient adopté les standards européens de temps de travail, leurs émissions de CO2 en 2000 auraient été 7 % moindre que celles de 1990 !

Pour tous ces chercheurs, la conclusion est claire : réduction du temps de travail et transition écologique sont indissociables

Le chercheur Jonas Nässén montre également qu’une réduction de 1 % du temps de travail engendrerait une baisse de la consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre de 0,8 % en moyenne et qu’une semaine de travail de 30 heures faciliterait l’atteinte des objectifs de réduction des émissions. Pour tous ces chercheurs, la conclusion est claire : réduction du temps de travail et transition écologique sont indissociables.

En revenant sur les 35 heures et en menant une politique de flexibilisation du marché du travail, le gouvernement fragilise les plus pauvres et exclut en outre la possibilité de mener sérieusement la transition écologique. Il va donc falloir choisir entre idéologie et pragmatisme. Et il semble bien, malheureusement, que le gouvernement ait déjà arbitré. 

Source : https://www.alternatives-economiques.fr/

 

 

 

 

 

 

20/06/2017

"J'ai marché jusqu'à vous" HK (Kaddour Hadadi) - Clip de Rachid Oujdi

 

 

Clip d'après les images du film documentaire de Rachid Oujdi : "J'ai marché jusqu'à vous, récits d'une jeunesse exilée" (2016 /52mn) dont Kaddour Hadadi signe la musique avec Meddhy Ziouche et Saïd Zarouri.

 

 

 

15/06/2017

Ruines de Perrine LE QUERREC lu par Jean Azarel

 

 

3839097360 Ruines.jpg« Berlin 1953 / Unica / Voit Hans, son fantôme du Paradis / Enfant recherché. Hans / <Voit Unica, sa poupée incarnée / Enfant détournée. » Abasourdi, scotché, électrisé, saigné, comme vous voudrez, par la lecture du dernier ouvrage de P.L.Q (P.L.Q : je persiste et signe dans l’utilisation des initiales), j’ai d’abord cru que je n’en dirai rien tant la postface de Manuel Anceau est juste et parfaite. Mais comment rester silencieux et garder pour soi ce qui impose d’être partagé ; puisque comme l’a chanté Jean-Louis Murat « ce qui n’est pas donné est perdu, ce que tu gardes est foutu ». Il est vrai aussi, « Ruines » confortant l’aveu, que je suis définitivement amoureux  de cette langue posologique et de son auteure. Jusqu’à trépas. (Et au-delà d’après certains.) Car l’écriture de Perrine le Querrec (en toutes lettres) est maudite comme le cinéma de Philippe Garrel est maudit. Un petit cercle de lecteurs chez l’une, un quarteron de spectateurs chez l’autre, même si le temps aidant à la connaissance du talent, le cercle des fidèles s’élargit lentement. Tant il est vrai que la vérité fait toujours peur, quand elle n’est pas carrément effroyable.

Ainsi de l’histoire d’Unica Zürn, poupée de chair docile, et d’Hans Bellmer, homme jasmin vénéneux manipulateur, que résume en pages serrées, quasi télégraphiques parfois, le livre factuel et sans parti-pris de Perrine Le Querrec. Unica l’unique, femme précieuse, songe-plein de créativité naïve, brutalement transmutée « à l’insu de son plein gré » en créature fantasmée, hybride et changeante à l’infini, au prix fort de moult humiliations et perversions que d’aucuns verront comme la manifestation de la face obscure de l’amour. Eradication de l’intégrité corporelle, explosion de l’identité sexuelle, dégâts consubstantiels d’une ivresse à contre corps et contre cœur quand la folie, la et les ruine(s) devancent l’appel de la déchéance biologique commune. Si l’automate avec qui Casanova fait l’amour ( ?) dans le film éponyme de Fellini n’est pas loin, ici la cruauté supplante pour un temps le désespoir : l’être humain est toujours là, sommé de contempler sa rivale qu’il nourrit, et contraint au spectacle. « Le trou violet foré jusqu’à l’os / Une blessure sans cesse à combler / Et Hans aura beau manipuler / Trop tard / Dans le combat engagé / Armes blanches, voiles noirs, chairs roses / Ils y laisseront leur peau / Et Unica sa raison troussée. »

Perrine le Querrec nous mène là où elle se tient : en équilibre  sur la pente la plus raide de la montagne. Tout en haut, les cimes sont blanches, en apparence immaculées, mais de quoi sont elles faites ? Pour le savoir, on dévale avec elle tout en poursuivant l’ascension (P.L.Q écrivant, nous lisant), trouvant dans les sauts de page les entrées de secours indispensables pour ne pas risquer la sortie de piste définitive. « ….elle veut juste qu’il sache / Unica est là/ il peut la contempler / …. Unica allongée, hors mot, hors sexe un reproche / informulé, une plainte de vent ».

Littéralement, ce livre cardiologique, récit d’irréparable, d’enfermement, de remords imprudemment décrétés éternels par Bellmer, est à baiser : sans cesse, (à) la vie, (à) la mort, au sens pieux ou païen, comme on voudra, goulûment ou frugalement, c’est selon, avec frénésie ou dévotion, ça ne change rien à l’affaire. Il y a du Pasolini, version « Salo » dans ces Ruines-là, on ne sort pas indemne de la marche, ou alors on a rebroussé chemin depuis belle lurette. Le sommet de la montagne qu’on toucherait presque de la main est toujours aussi loin, les cimes toujours aussi blanches, presque immaculées (de quoi sont elles faites ?), mais le lecteur, souffle court en noir, blanc, et rature d’une mise en page touchée par la maladie, traverse avec le guide Le Querrec des contrées intimes qu’il pensait  inavouables.

 

Jean Azarel / 14 juin 2017

 

12/06/2017

Mooji - Une leçon de conduite à méditer

 

 

06/06/2017

Quand la coolitude des start-up se transforme en prolétariat nouvelle génération

 

Dans Bienvenue dans le nouveau monde, comment j'ai survécu à la coolitude des start-up, Mathilde Ramadier livre une analyse au vitriol des conditions de travail d'un salarié de jeune pousse. Anglicismes à tout-va, contrôle permanent, culte de la flexibilité... Elle revient pour Challenges sur ces quatre ans de prolétariat nouvelle génération.

Mathilde Ramadier dénonce la coolitude des start-up

"Dans ces structures, il y a la reproduction d'un même schéma avec un leader charismatique, incarné généralement par le fondateur de la société, autour duquel se crée un culte de la personnalité."

Florian Sargues
 
 
 

Dans votre ouvrage, vous revenez sur quatre années passées au sein de start-up berlinoises entre 2011 et 2015. Des expériences desquelles vous tirez un tableau très noir tant en terme de management, de missions proposées que d'organisation. A quel moment avez-vous pris conscience que quelque chose clochait?

Mathilde Ramadier: Le déclic est en réalité arrivé assez rapidement, dès l'un de mes premiers entretiens d'embauche en août 2011 à l'issue de mes études. Je postulais alors pour l'un des concurrents d'Airbnb en Allemagne au poste de "manager SEO". Pour ce job, il fallait être diplômé d'un Bac+5, avoir déjà eu une expérience dans la communication, et maîtriser au moins trois langues. Autant dire un profil assez qualifié. A l'issue de l'entretien, mon interlocutrice m'annonce que le poste sera rémunéré 600 euros brut par mois. Naïve, j'ai demandé si c'était à temps partiel. Bien sûr que non, il s'agissait d'un temps plein. Ce fut mon premier grand choc, qui m'a rendue méfiante mais m'a aussi servi pour la suite. 

Pourquoi avoir continué à évoluer dans cet univers si il vous rebutait presque d'entrée de jeu?

A Berlin, 80% des offres d'emplois dans le secteur des services que je ciblais sont issues de start-up [Mathilde Ramadier a notamment travaillé en tant que graphiste, à la communication de sites internet ou encore dans le e-commerce, NDLR]. Difficile donc de passer à côté. Après, la prise de recul a été facilitée par le fait que je voulais d'abord vivre de mes scénarios de bande-dessinée. Travailler dans ces entreprises était donc plutôt un plan B. Pour autant, je prenais ces emplois très au sérieux. Cela représentait plus qu'un job d'appoint pour moi et je me suis dit à plusieurs reprises que si ça marchait dans l'une des start-up, je m'y investirais pleinement. Mais cela n'a pas été concluant.

Vous avez certes travaillé dans plusieurs start-up, mais seulement à Berlin. Ne faites-vous pas de quelques cas une généralité?

Certes, mes expériences sont strictement berlinoises mais en quatre ans j'ai eu affaire avec une douzaine de start-up en tant que salariée et freelance. Pour la rédaction de l'ouvrage, j'ai par ailleurs mené mon enquête un peu partout à commencer par la France. Je peux vous affirmer que ce modèle de fonctionnement, qui trouve ses origines aux Etats-Unis, est complètement globalisé et se moque des frontières. A la différence près bien sûr, que le droit du travail n'offre pas le même niveau de protection aux salariés d'un pays à un autre. Quand j'ai commencé à travailler en Allemagne, le salaire minimum n'existait pas, par exemple. Les choses sont bien différentes en France sur ce point.

Dans votre livre, vous critiquez en particulier la quête extrême d'efficacité et de flexibilité demandée aux salariés, sous couvert d'une communication chaleureuse et d'un environnement de travail agréable. En quoi ce fonctionnement s'écarte-t-il vraiment de celui d'entreprises plus traditionnelles?

Il existe bien sûr des entreprises plus traditionnelles qui reprennent ces codes en version, disons, bêta. Mais il s'agit bien là d'un modèle à part qui se nourrit de l'ère du tout dématérialisé, et d'une espèce d'utopie fondée sur la croyance selon laquelle avoir la bonne idée, la bonne équipe et le bon produit peut révolutionner le monde. Il faut dire que ce type d'idéal tombe à point nommé dans la période actuelle de morosité ambiante.

Selon vous, le vrai visage de ce "nouveau monde" incarné par les start-up d'aujourd'hui n'est en réalité que le reflet d'un "capitalisme sauvage". Vous allez même jusqu'à comparer leur fonctionnement avec celui d'une "dictature totalitaire" et d'un "régime despotique". C'est-à-dire?

Tout à fait. C'est une forme d'organisation totalitaire, voire même sectaire. Dans ces structures, il y a la reproduction d'un même schéma avec un leader charismatique, incarné généralement par le fondateur de la société, autour duquel se crée un culte de la personnalité. Vous avez ensuite l'adoption d'un langage commun généralement bourré d'anglicismes, d'euphémismes et de superlatifs décuplés qui se propagent à une vitesse folle. Les titres de postes eux-mêmes [en référence à certains cités dans son livre: "office manager", "assistant talent recruiter", "growth hacker", NDLR] servent la plupart du temps soit à enjoliver un job banal, soit à masquer une précarité. Plusieurs process sont souvent rebaptisés avec des noms qui se veulent savants mais sont au final très creux. Ajoutés à cette novlangue, des rituels communs, des valeurs communes, une culture d'entreprise commune ou encore une surveillance omniprésente des résultats. Ce qui est assez proche selon moi d'un système totalitaire.... et d'autant plus hypocrite de la part d'entrepreneurs prônant la liberté à tous les étages et qui se révèlent dans les faits plus que liberticides. 

Vos collègues partageaient-ils cette analyse à l'époque?

Il y avait toujours quelques collègues qui partageaient mon avis. Il s'agissait souvent de personnes plus politisées, avec davantage d'expérience professionnelle, ou originaires d'un autre pays. Soyons honnêtes, nous restions minoritaires. Lors de la préparation du livre, j'ai rencontré plusieurs salariés de start-up, en France notamment. Toutes ces personnes se disaient très heureuses les trois premiers mois puis déchantaient généralement ensuite.

Comment expliquez-vous que l'on parle si peu du sujet?

On ne veut pas le croire. On préfère se dire que ces start-up créent de l'emploi, plutôt que de fouiller du côté de leurs pratiques managériales. C'est une facilité politique et c'est bien dommage, car le phénomène ne fait que s'amplifier. J'en veux pour preuve la volonté d'un nombre grandissant de grands groupes à s'inspirer des pratiques soi-disant agiles des start-up. Avec l'ubérisation et l'explosion du travail indépendant, c'est encore pire.

Ce modèle de management est-il viable à long-terme selon vous?

De ce que j'ai vu, je ne sais pas si c'est viable mais en tout cas je suis convaincue que ce n'est surtout pas souhaitable. Après la parution de mon livre, j'ai reçu un nombre conséquent de témoignages de salariés qui se reconnaissent dans cette situation et même de certains entrepreneurs très agacés par ce modèle ambiant. Pour faire bouger les choses, il faut continuer à en parler, qu'un maximum de personnes puissent apporter leur point de vue et leur analyse. 

C'est ce que vous comptez continuer à faire?

Oui, il y aura des suites à mon livre, potentiellement sous la forme de BD. Je ne lâche pas le morceau!

 

Source : https://www.challenges.fr/