13/09/2017
Monsieur le Président, j'aime les réformes et j'en ai marre des fainéants, cyniques et extrémistes
Monsieur le Président, il est des rapprochements inattendus ...: figurez vous que je suis d'accord avec vous sur tous les propos qu'on vous reproche. En revanche, sur la lecture à en faire, nos vues divergent. Sur les réformes : vous vous trompez. Comme la majorité des Français, je les adore. Une réforme, c'est un changement de modèle, une transformation d'ampleur, quelque chose que l'on sent dans sa vie au quotidien. Lorsqu'on entre dans l'ère des congés payés, regardez les clichés des ouvriers découvrant le droit à être payé alors qu'on est en vacances. Merveille ! Et la Sécu ! Vive la sociale, monsieur le président, quelle réforme incroyable. Idem pour les retraites par répartition. La réforme des intermittents qui permet à la France de connaître une vigueur culturelle à nulle autre pareille. Ca, ce sont des réformes. Ce à quoi vous pensez, cela s'appelle des ajustements, de la dentelle. Qui verra sa vie changer par un point de CSG, un trimestre en plus, une niche fiscale ? Ca sont des lignes comptables, pas des réformes, monsieur le Président.
En bon libéral comptable classique sans vision aucune, vous me direz que les réformes que je cite appartiennent à un monde passé et qu'aujourd'hui, seuls les ajustements demeurent. C'est intellectuellement paresseux et cynique et signe de l'extrême libéralisme qui s'étend de plus en plus fortement depuis une trentaine d'années. N'avez-vous pas honte de nous prendre à ce point pour des billes ? Idéologiquement, ce que vous proposez est à 100% aligné sur ce qui fut fait. 100%. Déréguler, affaiblir les protections sociales, baisser la fiscalité du capital c'est exactement ce que vous proposez. Seuls les degrés divergent. Foncer vers l'abîme à 150km/h au lieu de 130, en somme.
Des réformes, aujourd'hui, il en reste plus que jamais à faire. Pour la planète : instaurer une règle verte énergétique, alimentaire, dans les transports, fiscale. Changer radicalement la façon dont on produit, établir un principe de pollueur payeur absolu, imposer 100% d'agriculture bio et locale dans les cantines scolaires, c'est jouable demain. Demain. Vous avez décidé de diminuer fortement les subventions à l'agriculture bio pour encourager l'agriculture intensive. Déplorable.
Pour les millions de nouveaux travailleurs indépendants précaires, les travailleurs forçats des plateformes numériques, une réforme d'ampleur pour les doter d'une sécurité sociale, d'une retraite, d'une assurance chômage. Une autre sur les logements vides à interdire, sur le droit inaliénable à la mobilité et à la migration, bref il y a tant de réformes souhaitables pour aller vers un monde meilleur, mais pour cela il faudrait des gouvernants non cyniques, non enferrés dans une paresse intellectuelle sans nom, pas des extrêmes libéraux.
par Vincent Edin
Vincent Edin, journaliste indépendant. Après avoir débuté au Point (2002-2004), il a travaillé pour divers titres de presse professionnelle, spécialisé d'abord dans l'enseignement supérieur puis le médico-social. De 2007 à 2009, il a pris la responsabilité des événements d'ADMICAL (think tank des entreprises mécènes) avant de devenir indépendant. Auteur de livres parmi lesquels Insertion le temps de l'action (Autrement 2010), Lancer sa collecte de fonds (Dalloz 2012) et Chronique de la discrimination ordinaire (Gallimard 2012).
10:06 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
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