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22/09/2018

Sana Yazigi : la révolution en Syrie par l’art

 

Par Aline Lafoy | 
 
Photo : Sana Yazigi - Photo : Aline Lafoy
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La graphiste syrienne a lancé en 2013 le site internet La mémoire créative de la révolution syrienne qui recense et répertorie les œuvres des artistes syriens connus et anonymes depuis le soulèvement populaire en 2011.

 

Pourquoi avoir lancé ce site ? 
Les premiers mois de la révolution, j'ai été stupéfaite de la quantité de talents artistiques que j'ai pu voir. C’était tout un peuple qui s'exprimait dans les rues, artistes comme citoyens, partout en Syrie. On voyait de tout : danse, chant, caricatures, musique, banderoles… Après de longues années de silence, tout un peuple s'est exprimé car c'était possible. C'était quelque chose d'extraordinaire. Je ne savais comment documenter tout cela. Dès le départ, j’ai eu l’inquiétude que tout cela soit oublié ou effacé. J'ai commencé à collecter et archiver en 2012 depuis Beyrouth. Aujourd’hui, le site répertorie des centaines d’artistes et plus de 28 000 œuvres.

 

Quel est le but de votre site ? 
Ecrire notre propre histoire. Tout le monde dit que c'est le vainqueur qui écrit l'Histoire. Nous, on va contre cela. On écrit ce qu'on a fait, comment on a fait et ce qui nous est arrivé avec nos propres mots. On ne peut pas nier ou effacer les témoins qui ont vécu ces évènements. Prouver un crime sans preuve, c'est impossible. Les œuvres sont des preuves pour nous. C'est une cause sur le long terme. Nous ne baisserons pas les bras. Plus on fournit de preuves, plus il est difficile de nier la vérité.

 

Avant le soulèvement populaire de 2011, les artistes syriens étaient-ils libres ? Qu’en est-il aujourd’hui ? 
Les artistes et intellectuels n’étaient pas libres mais ils trouvaient des moyens de contourner les interdictions. Aucune critique n’était permise. L'art a gagné en popularité après la révolution car c’est une expression libre, directe et représentative. Mais c'est aussi pour cela que le régime a arrêté les intellectuels et les artistes. L'artiste était attendu. Il est devenu très populaire et le régime ne pouvait pas le permettre. Le régime a arrêté, torturé les intellectuels et les créateurs. Le mot ‘liberté’ a été écrit sur les murs de Damas puis effacé par le régime. C’est pour cela qu’il était important de tout documenter.

 

Les artistes syriens ont-ils peur de la répression ? 
Evidemment. Trois artistes présents en Syrie nous ont demandé de retirer leurs œuvres. En dehors du territoire syrien, le régime ne peut plus atteindre les auteurs. Il y a aussi beaucoup d'œuvres anonymes.

 

Comment faire vivre la mémoire de la guerre et de la révolution syrienne ? 
Il faut faire vivre la cause syrienne. Ceux qui le peuvent doivent porter un nouveau discours et créer de nouveaux outils pour continuer à faire vivre la cause et la porter dans le monde entier. Dans le futur, on voudrait fonder une institution d'archivage pour la révolution syrienne. On aimerait faire partie des archives nationales car, après la guerre, la révolution doit faire partie de l'histoire de la Syrie.

 

Parlez-nous d’une œuvre ou d’un artiste qui vous touche particulièrement ? 
Je suis touchée par Abdul Wahab Mulla, un chanteur religieux populaire d’Alep. Il a une voix extraordinaire et fait des chansons tellement fortes. Il a même fait une chanson pour tous les Syriens, pro ou anti-Bachar, qui rappelle que le peuple syrien est uni. Il a une philosophie incroyable et une conscience très forte de la citoyenneté. Il a été arrêté par le régime de Bachar el-Assad, puis par le groupe Etat islamique. Aujourd’hui, il a disparu.

 

Site  : https://creativememory.org/fr/

 

Aline Lafoy

Aline Lafoy

Passionnée de photographie, je souhaite rencontrer toutes les cultures, les langues et les Hommes du monde. Je veux comprendre l'univers qui nous entoure.

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