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23/11/2019

La colonie pénitentiaire du Luc

Source :

http://tchorski.morkitu.org/15/luc.htm?fbclid=IwAR0b_M0SG...



Baguenaudes Luc Ferron Bagne

L’image ci-dessus est un lien qui mène vers le reportage le plus complet réalisé à ce jour au sujet du bagne du Luc, y compris en considérant des publications plus anciennes. L’historique de ce lieu est extrêmement bien documenté par l'auteur, ce pourquoi cette page ne sera qu’un bref rappel des principaux faits historiques. Le seul apport nouveau de notre document est un essai de photographie panoramique de l’aven et une photo qualitative de l’escalier. Le document de Baguenaudes est complet dans le sens où de nombreuses recherches ont été faites et la colonie pénitentiaire a été visitée.

Cette page est un petit documentaire un peu particulier. Il s’agit d’une brève description de la colonie pénitentiaire du Luc, ou encore colonie agricole du Luc, sur la commune de Campestre-et-Luc, dans le Gard en France. Les lieux sont plus connus sous les noms de l’abîme de Saint-Ferron ou encore l’abîme de Saint-Ferréol. Ce lieu se situe au cœur du petit causse de Campestre, qui fait partie du grand causse du Larzac.

 

Il s’agissait d’une colonie pénitentiaire pour enfants.

 

 

Bref historique

Le Roquefort est un fromage qui s’obtient à partir du brebis au lait cru. Ce fromage est maturé en cave afin qu’il développe sa moisissure. Cette maturation lui donne son goût si particulier.

 

Au sein de la très petite commune du Luc, aujourd'hui intégrée dans le territoire de Campestre, quelques personnes eurent l’idée d’utiliser l’aven de Saint-Ferron (version française) ou Saint-Ferréol (version occitane) afin d’amener leur fromage à maturation. C’est un aven de 62 mètres de profondeur, qui s’ouvre sur le causse de Campestre. La salle du fond, partiellement oblique, est à -80 mètres. Dès 1863, l'idée d'utiliser cet abîme germait dans les esprits.

 

En 1882, il fut bâti une maison, ou disons plutôt un bâtiment à vocation industrielle, au-dessus de l’abîme. Sa situation immédiatement à l’aplomb du vide en fait un lieu extrêmement vertigineux. La ruine existe toujours. Bien qu'étant dans un état de dégradation qui commence à devenir préoccupant, elle surplombe toujours l'aven avec audace.

Dans la partie basse de cette maison, un treuil fut installé, permettant de monter et descendre dans l'abîme. Vu son utilisation malaisée, les propriétaires eurent une idée quelque peu géniale mais aussi pharaonique. A 200 et quelques mètres de la maison existe une immense doline d’effondrement karstique. Ils utilisèrent cette excavation afin de rejoindre l’abîme. Il fut creusé une galerie de 200 mètres de long, en pente douce. Ce tunnel avait vocation de faciliter les transports. Ainsi, il était possible de mener les fromages en sous-sol par wagonnets.

 

Cette activité fromagère eut intensément lieu de 1883 à 1929. Il est peut-être possible de dire que l’effondrement de cette industrie fut dû au classement AO (appellation d'origine) du Roquefort en 1925. Campestre se voyait dès lors exclue de la zone territoriale admise à affiner et emballer. Ceci étant, ce n’est que pure supputation car nous n’en savons rien.

 

Au fond de l’aven subsistent quelques vestiges très abîmés des rayonnages en bois. Dans la maison, dont l’accès est relativement périlleux en cas de pluie, il existe encore le treuil.

Mundatur culpa labore

 

Cette installation est ingénieuse et peu banale. L’histoire pourrait s’en arrêter là, à contempler les vestiges historiques d’une activité artisanale qui fut florissante en son époque. Ceci étant, c’est occulter l’un des aspects les plus importants de la mémoire de ce lieu. Cette installation fut un bagne pour enfants, au même titre que Le Mettray à Tours.

 

Comme il est expliqué dans le document mentionné dans le lien en entête, la France est au début du XIXème siècle dans un état économique, sanitaire et social terrifiant. Nombre d’enfants errants sont en situation très difficile : orphelins ou abandonnés, vivant de vols, de mendicité, voire même de prostitution.

 

Lorsqu’ils sont capturés, ils sont envoyés en colonie pénitentiaire agricole. Ce sont des colonies de redressement, érigées afin qu’ils rentrent dans le droit chemin, tout en étant éloignés de la promiscuité des prisons. Ces colonies sont des suites données à l’échec de « la Petite Roquette » à Paris, une prison dont les gens sortaient fort diminués pour cause de mauvais traitements. A Campestre, il était mis en avant le fait qu’il s’agit d’un lieu rural, permettant des travaux agricoles sains et vivifiants.

 

A Campestre surtout et au-delà d'autres colonies (c’est encore le cas aujourd’hui), les lieux sont très isolés, à l’abri de tout regard. C’est un bout du monde. A vrai dire, si c’est le cas aujourd’hui, que devait est-ce être à l’époque ?... De ce fait, de multiples travaux pouvaient se dérouler en discrétion, au contraire d'autres pénitenciers. Au Luc, il y eut 70 morts au total, ce qui est largement en dessous des valeurs des autres colonies.

 

Le causse est froid et venteux en hiver, brûlant et étouffant en été.

 

C’est de cette manière qu'environ 200 enfants furent cordialement conviés à la colonie du Luc, dont la devise était « Mundatur culpa labore », c'est-à-dire : la faute est purifiée par le travail. Deux cent est la valeur maximale du nombre d’enfants. En certaines périodes, il y en eut moins. Le camp ouvrit en 1856.

 

Les plus jeunes (6 à 12 ans) étaient chargés de travaux agricoles, au sein d'une terre plus qu’inculte qu’est nous le rappelons ce territoire caussenard. Les plus âgés (13 à 20 ans) étaient chargés des travaux lourds. On y relève de la construction, des déblaiements, des chargements lourds, etc. Dans l'ensemble, de terribles travaux de bagnards.

Une personne du surnom de Baguenaudes ajoute quelques précisions quant à cette galerie : D’après un ancien colon du Luc, ils mangeaient du pain blanc tous les jours, ce qui n’était pas forcément le cas des paysans du coin. Cela n’enlève rien au fait que les petites mains ont dû avoir des travaux très lourds à réaliser quand on voit les impressionnants tas de cailloux sortis des champs.

 

Afin d'améliorer l'accès, il fut foré ensuite la galerie de jonction, longue de 200 mètres, creusée avec grande régularité dans un calcaire tout particulièrement dur. Cette galerie est percée depuis l'effondrement karstique jusqu'à l'aven. Elle offre un cheminement horizontal aisé vers le fond du gouffre. D'après plusieurs sources, les travaux furent exécutés au pic et par les enfants, en 1882. Or, il est pouvé qu'elle fut simplement minée par des professionnels. Cette galerie est toujours visitable à ce jour. Sous l'impatience de la direction, elle fut creusée en un délai record, c'est-à-dire en moins d'un an.

Quelques précisions quant à cette galerie : Après discussion avec le propriétaire des lieux, il semblerait que le pathos entourant cet épisode a été exagéré. Le tunnel porte des traces de foration et n'a donc pas été fait uniquement au pic. Les travaux auraient été dirigés par un ingénieur d'Alès. Même si l'image du pic, souvent associée à celle du bagne, est exagérée, les enfants du Luc ont certainement participé durement au percement du tunnel.

 

Les plus jeunes furent de même chargés de déblayer le bas de l’aven, utilisant à cette fin le treuil placé dans la maison. Au bas de l’aven fut bâti un immense mur, ayant pour but d’isoler de la pluie la salle du fond avec le gouffre en lui-même.

 

 

A ce jour, tout cela est encore visible, bien qu'en état de ruine partielle. Un témoignage d’autant plus poignant est toujours d’actualité : les marches de l’escalier de 12 mètres de haut sont construites avec de la pierre de taille. La régularité des marches est telle qu’on en croirait un béton moulé, sans défaut. Chaque marche pèse probablement allègrement plus de 100 kilogrammes. Ahurissant…

 

Bien d'autres choses seraient à dire… Les photos ci-dessous sont de toute évidence banales, si ce n’est qu’elles ne seront qu’un témoignage supplémentaire en mémoire des bagnards.
Toutes les photos indiquées (GADJO) proviennent d'un visiteur des lieux.


Notre voyage débute par le passage dans le village de La Cavalerie, dans le Larzac.


Voici la ruine de la partie supérieure de la fromagerie.


Elle surplombe un aven à peine visible.


Nous sommes ici au bas du gouffre. Voyez-vous le bâtiment au sommet ?
Dès lors, vous pouvez imaginer quelle fut la folie des adultes en ce lieu...


Le bas du gouffre, à -80 mètres.


L'escalier est impressionnant.


De par le passé, il existait un mur de séparation. Celui-ci s'est effondré.
La silhouette permet de bien donner l'échelle de ce gigantisme.


Voici la galerie taillée au roc avec l'aide des jeunes colons.


A l'approche de l'aven, les terrains sont ébouleux, donc ce fut maçonné.


Non loin du jour par contre, la régularité est notoire Quel travail soigné...


D'un côté ou de l'autre, c'est cet aspect monotone impliquant l'idée d'un travail laborieux.


Le sol semble avoir été recouvert de fins stériles afin de faciliter le déplacement. Des documents évoquent qu'il existât une voie ferrée de type Decauville. A l'état actuel des recherches, il n'est pas évident d'affirmer que cela à vraiment existé. Il se pourrait que ça ne soit resté qu'à l'étape du projet. 
(GADJO)


Nous allons désormais rejoindre la sortie. (GADJO)


Le chemin menant à la fromagerie. (GADJO)


A l'intérieur de la fromagerie, et donc dans la partie basse du bâtiment à l'aplomb du gouffre. (GADJO)


Il reste difficile de croire que ce treuil servait à descendre le personnel au fond du gouffre au début des travaux. Même pour des fromages, cela semble risqué ! Ce treuil comporte toutefois un cliquet
anti-retour ; c'est un treuil Piat & Fils. (GADJO)


Une vue plongeante vers l'abîme. (GADJO)


La tour d'aération de la fromagerie. (GADJO)


Les chemins alentours sont bordés de murets d'une largeur impressionnante. (GADJO)


Les champs ont été épierrés, comme en témoignent encore de nombreux tas conséquents. (GADJO)


Les champs sont dès lors aussi clôturés de murs en pierres sèches. (GADJO)


Le bâtiment du Luc, qui cerne une des six citernes. Elles alimentaient en eau la colonie. L'aile gauche
du bâtiment se termine par la chapelle. (GADJO)


La ferme est en cours de rénovation en 2014, afin de faire des appartements, mais cela reste encore assez délabré à ce jour. Elle a la forme d'un U pourvu à une de ses extrémités d'une chapelle et de cinq cellules à l'autre. Un symbole ? La maison du fondateur de la colonie 
est devenue un gite. (GADJO)


La plaque nommant les lieux. (GADJO)
COLONIE AGRICOLE DU LUC
FONDEE EN 18(63?)
Par Mr MARQUES du LUC (...)
Doyen du Conseil Général du Gard.


L'aile gauche de la ferme avec ses quatre cellules. (GADJO)


Brefs passagers de ce lieu, nous retournerons au soleil et à la joie de la liberté.


Sans évoquer que ce lieu devrait être plus connu, disons qu'il gagnerait à être moins oublié. Habitué
du pays viganais, je n'en avais jamais entendu parler.


Les routes nous avalent vers un ailleurs, certainement confortable. Que ces quelques modestes
photos soient dédiées à la mémoire des enfants du bagne.

 

©Vincent Duseigne

 

 

Vincent Duseigne

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