Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/12/2008

On vend des pays

de Pascual Serrano

Le 30 novembre de cette année un reportage très complet du quotidien Público passait en revue l'offensive de plusieurs pays riches lancés dans l'achat de grandes étendues de terres agricoles dans le Tiers Monde.
 
Source: Rebelión http://www.rebelion.org/noticia.php?id=77408


Les chiffres sont éloquents ; en voici quelque exemples : une société norvégienne a acquis 38 000 hectares au Ghana, achetés à un chef tribal ; la société coréenne Daewoo loue, avec un bail de 99 ans, un million d'hectares à Madagascar et, au Laos, entre deux et trois millions de terres agricoles sont désormais la propriété de sociétés étrangères. Il n'est pas nécessaire d'avoir fait de savantes études pour comprendre que ces achats vont entraîner le contrôle encore plus grand de l'alimentation par les grandes sociétés des pays riches et rendre plus difficile encore l'accès à la nourriture dans les pays du Sud qui ne seront même plus propriétaires de leurs terres. La FAO n'hésite pas une seconde et parle d'une « nouvelle forme de colonialisme »

Durant des années, le discours politique dominant a été une ode au libre commerce et les applaudissements ont salué les investissements étrangers. Ces macrotransactions correspondent parfaitement à ces deux formules et nul ne peut douter un instant de leurs tragiques conséquences pour la communauté internationale en général et pour les populations du Tiers Monde en particulier. Laisser l'exploitation agricole des pays pauvres aux mains d'étrangers entraîne la possibilité que les récoltes qui pourraient nourrir ces pays grâce à une agriculture de subsistance même modeste finiront par être destinées à l'exportation vers les pays riches où des citoyens au pouvoir d'achat supérieur seront disposés à en payer un prix plus élevé. C'est déjà ce qui se produit avec la main d'œuvre locale obligée de se consacrer à la fabrication, dans les conditions d'une véritable exploitation, de produits destinés à l'exportation avec lesquels ces pays obtiennent des devises pour payer leur dette extérieure.

Ces impressionnantes ventes de terres agricoles du Sud à des sociétés étrangères dévoilent la face la plus insultante du marché et du modèle économique actuel. Avec ces opérations, les processus de décolonisation que nous avons connus au siècle dernier deviennent une ridicule caricature. A quoi leur sert leur indépendance politique à ces pays africains ou asiatiques si leurs terres, leurs territoires sont, au final, achetés par une entreprise européenne ?

Il est instructif de comparer la passivité consentante des gouvernements qui tolèrent ce pillage avec les politiques appliquées par d'autres gouvernements, comme par exemple celui de Cuba, pays où aucun étranger ne peut acheter ni une terre agricole ni même un bien immobilier. Aussi difficile que puisse y être l'état de l'approvisionnement alimentaire et de la production agricole, les Cubains auront toujours la possibilité d'y remédier en étendant les surfaces cultivées et en améliorant les rendements, mais c'est exactement ce que jamais ne pourront faire les habitants de Madagascar dont les champs y appartiennent désormais à une entreprise coréenne.

Cette monstruosité néocoloniale doit permettre d'anéantir définitivement ces idées reçues qui défendent le libre marché comme mécanisme de développement et de progrès et pour mettre en lumière ce bobard qui présente l'investissement étranger comme moteur de la croissance d'un pays.

Traduit par Manuel Colinas.

Les commentaires sont fermés.