06/03/2009
Crise bancaire: la prochaine déferlante arrive d'Europe de l'Est
par William Engdahl Les banques européennes auront à faire face, dans les mois qui viennent, à une déferlante de pertes totalement inédite dont, à ce jour, il n’a été tenu compte dans aucun plan d’aide gouvernementale. Contrairement aux pertes des banques américaines qui trouvent leur origine dans leur exposition au phénomène des prêts hypothécaires de mauvaise qualité dans l’immobilier et autres prêts titrisés, le problème des banques d’Europe occidentale, en particulier, en Autriche, Suède et peut-être Suisse, est issu du volume massif de prêts consentis dans les années 2002-2007, période durant laquelle les taux d’intérêts internationaux étaient extrêmement bas, en particulier pour la clientèle des pays de l’Europe de l’Est. |
Les problèmes en Europe de l’Est, problèmes qui émergent en ce moment dans toute leur ampleur, sont, pour ainsi dire, une conséquence indirecte des politiques monétaires très « laisser-faire » de la Fed sous Greenspan, de 2002 à 2006, période durant laquelle les actifs de Wall Street soutenus par la titrisation, selon le procédé (NDTT lire « la combine ») de Ponzi, décollaient. La dangerosité de ces emprunts Est-européens se révèle maintenant que la récession économique globale en Europe de l’Est comme de l’Ouest force les banques occidentales à se retirer, refusant le renouvellement des prêts ou le refinancement des crédits, laissant des milliers d’emprunteurs avec des dettes d’emprunt impossibles à payer. La dimension de cette crise émergeante de l’emprunt en Europe de l’Est éclipse tout ce que l’on a pu imaginer jusqu’à présent. Ceci obligera à poser un regard nouveau sur toute la question de la nationalisation des banques dans les semaines qui viennent, indépendamment des espoirs entretenus par certains politiciens dans certains partis. La Société de Rating de Crédit Moody vient tout juste d’annoncer qu’elle « pourrait » rétrograder un nombre de banques occidentales largement exposées du côté de l’Europe de l’Est. Après cette annonce, l’Euro est descendu à son taux le plus bas depuis 2 mois et demi, par rapport au Dollar. Le rapport de Moody mentionne particulièrement des banques d’Europe de l’Est appartenant à des banques d’Europe occidentale et incluant spécifiquement Raiffeisen Zentralbank Oesterreich et la suédoise Swedbank. L’avertissement public de Moody va obliger les banques occidentales qui ont des filiales en Europe de l’Est à rendre radicalement plus strictes les conditions de prêts à l’Est, juste au moment où c’est le contraire qui est nécessaire pour éviter un effondrement de la croissance économique et provoquer une réaction en chaîne dans la cessation des remboursements. Les banques occidentales sont prises dans un cercle maléfique. D’après mes sources bien informées de la City à Londres, ces nouvelles préoccupations à propos de l’exposition des banques aux problèmes de l’Europe de l’Est vont déterminer la nouvelle déferlante de la crise financière globale dont ils pensent qu’elle peut être plus dévastatrice que l’effondrement des sub-primes titrisés qui ont déclenché toute la crise de la confiance. Le résultat de l’avertissement de Moody, c’est que les banques d’Europe de l’Ouest vont maintenant se montrer sélectives dans le soutien accordé à leurs filiales. Le rapport de Moody indique que « les banques des pays associées à des risques systémiques importants pourraient faire face à un soutien réduit ». Les gouvernements de l’Europe de l’Ouest peuvent également établir des règles pour s’assurer qu’il soit interdit aux banques qui reçoivent le soutient de l’Etat, d’aider leurs filiales étrangères. Ceci est déjà le cas pour les banques grecques avec le gouvernement grec. Le résultat est l’aggravation notoire d’une situation déjà mauvaise. L’ampleur des risques est renversante Les montants des prêts à risques concernent essentiellement des banques italiennes, autrichiennes, suisses, suédoises et pense-t-on, allemandes. Quand les pays de l’ex Union Soviétique et du pacte de Varsovie ont déclaré leur indépendance au début des années 90, les banques d’Europe occidentale se sont précipitées pour acheter à bas prix les principales banques des principaux pays de l’Est nouvellement indépendants. Au moment où la baisse des taux d’intérêt américains après la crise boursière de 2002 poussait les taux d’intérêt mondiaux vers de nouvelles baisses, les facilités de crédit favorisaient, au-delà des frontières, les prêts à hauts risques en devises étrangères. Dans des pays comme la Hongrie, les banques suisses et autrichiennes promouvaient des prêts hypothécaires exprimés en francs suisses avec des taux d’intérêts significativement plus bas. Le seul risque à l’époque : que la devise hongroise soit dévaluée, forçant les propriétaires en Hongrie à rembourser parfois le double de leurs mensualités en francs suisses. C’est exactement ce qui s’est passé durant les derniers 18 mois au moment où les banques et les fonds occidentaux ont radicalement réduit leurs investissements spéculatifs dans les pays de l’Est, pour rapatrier le capital vers les sièges centraux des banques, mis en sérieuse difficulté par la catastrophe bancaire américaine. Dans le cas du Zloty polonais, son cours a chuté de 50% dans les derniers mois. Le volume de l’emprunt-logement en devises étrangères existant en Pologne n’est pas connu, mais Londres estime qu’il pourrait être énorme. Dans le cas des banques autrichiennes, le pays assiste à nouveau à la crise des institutions de crédit viennoises de 1931 qui par réaction en chaîne, s’était étendue aux banques allemandes et avait conduit l’Europe continentale à la crise économique de 1931-33. Lors de la récente réunion européenne des ministres des finances à Bruxelles, le ministre des Finances Josef Pröll aurait, d’après certaines informations, plaidé auprès de ses collègues l’obtention d’une aide de 150 milliards d’euros pour les banques d’Europe de Est. Les banques autrichiennes, à elles seules, ont prêté là 230 milliards d’euros, soit l’équivalent de 70% du PNB autrichien. La plus grande banque autrichienne, propriété à son tour, de l’italienne « Uncredito » associée à l’allemande « HypoVereinbank », font face à ce que la presse viennoise appelle un « Stalingrad monétaire » en ce qui concerne son risque d’exposition à l’Est. Une amère ironie de l’histoire veut qu’au cours de sa vague de fusions des dernières années, la banque Austria a racheté la viennoise Creditanstalt. D’après des estimations publiées dans la presse financière viennoise, si seulement 10% des prêts autrichiens venaient à se trouver en difficulté de remboursement dans les prochains mois, cela « mènerait à l’effondrement du système financier autrichien ». La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BRED) à Londres, a estimé que les dettes douteuses à l’Est excèderont les 10% et « pourraient atteindre 20% ». D’après certaines informations, le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück a rejeté catégoriquement toute idée de fond européen d’aide aux pays de l’Est, déclarant qu’il ne s’agit pas d’un problème allemand. Il pourrait le regretter si la crise s’étend aux banques allemandes générant des coûts beaucoup plus importants pour le contribuable allemand. L’un des aspects les plus frappants de la crise actuelle dont le début remonte à l’été 2007, est l’évidence croissante de l’incapacité des principaux ministres des Finances et des banques centrales de Washington à Bruxelles en passant par Paris, Frankfort et Berlin, à traiter la crise avec fermeté. Le bureau londonien de la banque américaine d’investissements Morgan Stanley à rendu un rapport d’estimation du total des prêts consentis par les banques européennes aux pays de l’Est. D’après ce rapport, l’Europe de l’Est a emprunté à l’étranger un total de plus de 1.7 mille milliards de dollars venant essentiellement de banques Ouest européennes. Beaucoup de ces emprunts ont été faits à court terme, c’est-à-dire à moins d’un an. En 2009, les pays de l’Est doivent rembourser ou renouveler quelques 400 milliards de dollars, largement 33% du total de leur PNB. Etant donné que la récession s’affirme, les chances que cela se passe diminuent de jour en jour. A présent, sous l’effet des pressions politiques et financières internes, les banques occidentales refusent le renouvellement de ce genre de prêts. Les fenêtres de crédit à l’Est qui étaient, il y a deux ans encore, la source d’une explosion des profits pour les banques d’Europe occidentale, viennent de se refermer d’un coup. Même la Russie qui, il y a un an, possédait 600 milliards de dollars de réserves de devises, se trouve en situation difficile. Les grandes compagnies russes doivent rembourser ou renouveler pour 500 milliards de dollars cette année. Depuis le mois d’août, la Russie a subi une saignée de 36% de ses réserves de devises en défendant le rouble. En Pologne, 60% des prêts hypothécaires sont en francs suisses. Le zloty polonais vient de perdre la moitié de sa valeur contre le franc suisse. La Hongrie, les Balkans, les pays Baltiques et l’Ukraine souffrent tous des variantes de la même histoire. Comme dans un acte de folie collective – des prêteurs comme des emprunteurs - ils suivent la débâcle américaine. Cette crise, pour les banques européennes, vient s’ajouter à leurs pertes dans la crise des valeurs américaines de l’immobilier. Voilà ce qui induit la prochaine déferlante de la crise qui va frapper. Presque toutes les dettes du bloc de l’Est sont entre les mains de l’Europe de l’Ouest, particulièrement les banques autrichiennes, suisses, grecques, italiennes et belges. Les européens représentent un étonnant 74% du portefeuille d’emprunts de 4.9 mille milliards de dollars des marchés émergents. Ils sont cinq fois plus exposés à cette crise que les banques américaines ou japonaises et l’effet de levier peut être de 50% d’après le FMI. Que cela prenne des mois ou juste des semaines, le système financier européen est confronté à un défi majeur et la situation est rendue plus compliquée du fait qu’au moment ou les règles de la Banque Centrale Européenne ont été mises au point, à la fin des années 90, les gouvernements ne sont pas arrivés à se mettre d’accord pour abandonner la totalité des pouvoirs bancaires nationaux à ce nouvel organisme (BCE). Le résultat, c’est que devant ce premier défi de la BCE dans une crise systémique, la banque est incapable d’agir de la même manière que, par exemple, la Réserve Fédérale et de jouer le rôle de prêteur en dernier recours ou encore, d’inonder le marché d’incitatifs « d’urgence ». D’après certaines estimations, la Banque Centrale Européenne devrait déjà ramener les taux à zéro pour ensuite acheter des obligations et des « Pfandbriefe » à très grande échelle. Elle est limitée par des contraintes d’ordre géopolitique – un véto Hollande/Allemagne – et le Traité de Maastricht. La BERD estime que l’Europe de l’Est à besoin de 400 milliards d’euros pour couvrir les prêts et consolider le système de crédit. Les gouvernements européens aggravent les choses. Certains d’entre eux font pression sur leurs banques pour qu’elles se retirent, supprimant leurs relations avec leurs filiales de l’Europe de l’Est. Athènes a ordonné à ses banques de sortir des Balkans. Les sommes nécessaires sont au-delà des limites du FMI qui a déjà soutenu la Hongrie, la Lettonie, la Biélorussie, l’Islande, et le Pakistan – et prochainement la Turquie - et épuise rapidement ses propres 155 milliards d’euros de réserve, ce qui le force à vendre ses réserves d’or pour renflouer son cash. Les récents 16 milliards de dollars de sauvetage du FMI pour l’Ukraine se sont effilochés. Le pays – qui fait face à un tassement de 12% de son PNB après l’effondrement des prix de l’acier – va vers la cessation de paiements, laissant Unicredit, Raffeisen et ING affronter le désastre. Le gouverneur de la banque centrale de Lettonie a déclaré son économie « cliniquement morte » après qu’elle ait rétréci de 10,5% au 4e trimestre. Des manifestants se sont attaqué au ministère des Finances et ont pris d’assaut le parlement. Le plus alarmant, c’est peut-être que les institutions européennes ne disposent d’aucun cadre pour traiter la question. Le jour où ils décident de ne pas sauver l’un de ces pays, ce sera l’élément déclencheur pour une crise massive dont la contagion s’étendra dans l’Union Economique. Ce qui est clair, à présent, c’est que pour des raisons politiques mesquines, Berlin ne sauvera pas l’Irlande, l’Espagne, la Grèce et le Portugal si l’effondrement de leurs bulles de crédit les mène à une augmentation des cessations de paiements. Ni ne sauvera l’Italie en acceptant les projets d’émission « d’obligations européennes » si le marché de la dette venait à boycotter la dette publique explosée de l’Italie atteignant 112% de son PNB de l’année qui vient tout juste d’être revu à 101%. Traduit par Anne Bienfait pour Investigaction, révisé par Magali Urbain. Source: www.globalresearch.ca |
13:56 Publié dans QUAND LA BÊTISE A LE POUVOIR | Lien permanent | Commentaires (0)
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