Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/04/2009

ALBA et SUCRE : vers la création de la première zone monétaire hors FMI - Et si l’Amérique au Sud du rio Grande donnait l’exemple ?

AUTEUR:  Michel PORCHERON


On l’appellera « el sucre » (prononcer soucré avec accent d’intensité sur la première syllabe).

Sucre (Antonio José de, 1795-1830, assassiné) est à la fois le nom d’un général vénézuélien, lieutenant (1) de son compatriote Simon Bolivar (1783-1830) dit El Libertador,  ainsi que l’acronyme pour « Système Unique de Compensation Régionale » instance de l’ALBA (ALternative Bolivarienne pour les peuples des  Amériques) créée sur une idée du président vénézuélien Hugo Chávez et officiellement inaugurée en décembre 2004 à La Havane, avec le soutien actif du président Fidel Castro. Le sucre avait été la monnaie nationale de l’Équateur de mars 1884 jusqu’au 9 septembre 2000, date à laquelle il cessa officiellement d’exister, remplacé par le dollar US, ce qu’on a appelé la dolarización.  

La plus récente réunion de l’ALBA (ou Alba) s’est tenue à Caracas le 2 février dernier, lors d’un sommet extraordinaire, son quatrième sommet depuis sa création en rupture avec les accords classiques de libre-échange et qui s’inscrit notamment contre la « Zone de libre-échange des Amériques » (ZLEA, en espagnol ALCA) promue par les USA.

Dans la déclaration finale de son congrès informel du 26 novembre 2008, la critique la plus sévère de l’ALBA avait porté sur le « système financier international qui a promu la libre circulation des capitaux et la domination de la logique de la spéculation financière au détriment de la satisfaction des besoins des peuples”. Les signataires y dénonçaient  « l’absence de propositions crédibles et vigoureuses pour faire face aux effets dévastateurs de la crise financière ».  

Sur proposition du président de la Bolivie, Evo Morales faite peu après son élection en avril 2006, le sigle TCP-- Traité de Commerce entre les Peuples-- a été ajouté au sigle ALBA qui comprend actuellement six États membres : la Bolivie et le Venezuela en Amérique du Sud, le Honduras (juillet 2008) et le Nicaragua en Amérique centrale, Cuba et la Dominique dans la Caraïbe. Sont membres observateurs : l’Équateur, Haïti et l’Uruguay.

En  même temps que se tenait le dernier sommet de l’Alba – auquel étaient invités le Paraguay et le Guatemala--  le 9ème Forum Social Mondial (FSM), fondé dès son origine (2001) pour contrecarrer le Sommet de Davos, réunissait durant cinq jours à Belém du Pará, Brésil, quelque 100.000 délégués (une majorité de Brésiliens) de mouvements sociaux et d’organisations alternatives, ONG, etc, venus de nombreux pays.   

À la mi-décembre 2008, a été organisé à Salvador de Bahia le premier Sommet des chefs d’État et de gouvernement  de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Le journaliste cubain Orlando Ruiz Ruiz de l’hebdomadaire Trabajadores (du syndicat CTC, Central de Trabajadores de Cuba)  écrivait le 22 décembre dernier : « Ce n’est pas s’aventurer que de dire qu’il y a encore quelques années, il aurait été plus que difficile de réunir présidents et représentants de 33 nations d’une entité géographique qui va du Rio Grande au Cap Horn, et cela sans la présence de nations « étrangères », le tout organisé par un de ces pays du Sud ».

Ce simple rappel n’a pas seulement pour but de souligner au passage une convergence entre une récente organisation régionale d’intégration et le mouvement social mondial qui prit d’abord le nom d’ « antimondialisation » puis d ’ « alter-mondialisme » largement popularisé depuis la manifestation (décembre 1999) de Seattle, USA, alors que se tenait une Conférence de l’OMC, mais aussi d’évoquer les perspectives – dans le sens d’horizon et d’expectative – d’un projet social, économique et commercial d’envergure (clairement ignoré  par les médias occidentaux )  « la première zone régionale de coopération et d’intégration économiques et politiques dotée d’objectifs sociaux et environnementaux fonctionnant en dehors des dogmes du néolibéralisme » (Christophe Ventura / Membre d’Attac France et de l’association Mémoire des luttes, mercredi, 4 février 2009).

La date même de création de l’ALBA, dont le projet initial remonte à décembre 2001 à l’occasion du 3ème sommet de l’Association des États de la Caraïbe, indique - si besoin était -  que  tout particulièrement le Venezuela et Cuba ont pour le moins anticipé les maux qui menaçaient, issus de la décomposition du capitalisme néolibéral dernière version, en mettant   en place un dispositif qui se veut plus un arsenal nouveau et durable dans sa conception et sa réalisation qu’une simple « machine » belliciste de conjoncture. Lors du FSM de Belém, Joao Pedro Stedile, membre de la coordination du Mouvement des Sans-Terre brésilien, a exprimé le souhait que l’Alba ne dépende pas d’aléas électoraux et devienne un espace pérenne.

D’autre part l’arrivée, dans une époque récente, de nouveaux dirigeants progressistes en Amérique latine, d’Hugo Chávez (1999) à Daniel Ortega (2007) en passant par Evo Morales, le Bolivien ou l’Équatorien Rafael Correa, a nettement accéléré l’effritement  d’un hégémonisme de Washington dont le pic de « popularité » date du temps des dictatures militaires.  Les récentes arrivées au pouvoir du présidents  Fernando Lugo (Paraguay) et celle de Mauricio Funes (Salvador), qui a mis fin à 20 ans de domination de l’Alliance Républicaine Nationaliste (ARENA, originellement façade politique de paramilitaires d'extrême-droite), font que deux pays seulement sont encore dans le giron des USA, le Pérou d’Alan Garcia et la Colombie d’Àlvaro Uribe. Seuls le Mexique et la Colombie ne sont pas dominés par une gauche radicale ou modérée. Classés dans le camp « conservateur », Alan García et Oscar Arias (Costa Rica) sont des dirigeants appartenant à  l'Internationale socialiste. Quant au président du Honduras, Manuel Zelaya, élu en 2005 comme candidat du Parti Libéral il s’est rangé dans le camp des signataires de l’Alba.

L’agenda de ce début d’année 2009 autorise quelques propos de conjectures : la prestation du président Barack Obama lors de son premier sommet en Amérique latine, du 17 au 19 avril, à Port of Spain,  Trinidad et Tobago – lors du 5ème Sommet des Amériques (une émanation de l’OEA, d’où l’absence de Cuba) - donnera le ton général de sa politique à l’égard des pays au sud de la frontière avec les USA. Ces relations  « auraient besoin d’un virage radical et profond de la part des USA  pour parvenir à l’harmonie et l’équilibre que réclament depuis toujours à Washington l’Amérique Latine et les Caraïbes » (Nidia Diaz, Granma International, Cuba, 22 mars 2009). En dix ans le profil de l’Amérique du Sud  n’a (presque)  plus rien à voir avec « l’arrière-cour » que voulurent en faire les prédécesseurs de Barack Obama à la Maison Blanche.       

Depuis l’élection de Barack Obama, certains analystes ont logiquement spéculé sur la possibilité de contacts officieux ou indirects entre des représentants des USA et de Cuba. Les dirigeants cubains ont eu l’occasion de répéter à plusieurs reprises que Cuba était « disposée à parler à M. Obama, où il veut et quand il veut » (président Raúl Castro, 18 décembre 2008, Brasilia) mais « à égalité de conditions (igualdad de condiciones) et sans qu’on nous demande de faire un geste, nous n’avons aucun geste à faire ! » Ce que le président brésilien Lula da Silva – qui manifestement attend beaucoup du Sommet de Port of Spain -  a traduit par : « Celui qui doit faire un geste c’est bien le gouvernement des USA. Il doit dire aujourd’hui : « le blocus est terminé » et voilà c’est tout ». Il est clair que la seule annonce, demain ou après-demain, de prémices (prémisses) d’intentions nouvelles des USA à l’égard de Cuba, constituera (it) pour la majorité des dirigeants actuels des pays d’Amérique Latine ou du Sud le gage majeur d’un renouveau réel dans les relations entre Washington  et le continent sud.

Barack Obama ignorerait-il que 33 pays d'Amérique latine et des Caraïbes (soit tous ceux des Amériques à l'exception cette fois des USA et du Canada) ont applaudi Raúl Castro le 17 décembre dernier au Brésil et jetaient, quoique certains avec tiédeur, les bases d'une organisation parallèle à l'OEA incluant Cuba ? Il ne fait aucun doute qu’avant le 17 avril, des dirigeants comme Lula ou H. Chávez ne manqueront pas de plaider lors de rencontres internationales pour un retour immédiat de Cuba dans la famille latino-américaine, qui serait marqué par sa présence à Port of Spain.

Les commentaires sont fermés.