10/04/2009
Otan: le cercle vicieux de la violence
Diana Johnstone |
Où qu’elle aille, l’Otan crée des menaces. C'est son fond de commerce. Que ce soit en Afghanistan ou à Strasbourg, la présence militaire étrangère provoque la rébellion violente, surtout de la part de jeunes gens qui veulent relever le défi. Leur rébellion sert à justifier une augmentation de violence répressive. Et ainsi de suite…
6 avril 2009
Ce cycle était visible samedi le 4 avril à Strasbourg, où plusieurs milliers de policiers et un petit nombre de casseurs du Black Block ont volé la vedette à ce qui aurait dû être le début d’un nouveau mouvement de masse européen contre l’Otan. La manifestation pacifiste fut écrasée et désintégrée par la police en armes, pendant que des jeunes aux capuchons noirs jetaient des pierres, cassaient des vitres et mettaient le feu aux bâtiments.
Provocateurs contre provocateursDans ce cycle de provocation, il n’y a aucun doute que c'est l'Otan qui a commencé. La célébration ostentatoire du 60ème anniversaire de l’Alliance tenue dans trois villes du Rhin, Strasbourg, Kehl et Baden Baden ce jour-là, constituait une insulte aux citoyens. Après tout, si les dirigeants de "l’Occident démocratique" sont tellement appréciés, pourquoi faut-il transformer les villes qui les reçoivent en forteresses assiégées pour les accueillir? Si les Européens bénéficient de la protection de l’Otan, pourquoi les tenir à distance de leur bienfaiteurs ? Mais bien sûr l’Otan n’est pas une force de défense. Depuis l’agression contre la Serbie il y dix ans jusqu’au bourbier afghan aujourd’hui, l’Otan se transforme progressivement en force expéditionnaire destinée aux interventions lointaines. Les mesures de sécurité draconiennes appliquées à trois villes européennes plutôt conservatrices, enfermant les habitants dans leurs domiciles, ressemblaient à une occupation étrangère. Malgré la grande – mais peut-être passagère – popularité d’Obama, le sommet de l’Otan a illustré l’écart qui se creuse entre les peuples et leurs dirigeants politiques. Grand « communicateur », le Président des Etats-Unis s’est efforcé de persuader les Européens qu’ils sont encore plus menacés par Osama bin Laden et Al Qaeda que les Américains, et doivent donc payer leur tribut en impôts et en soldats pour éliminer cette menace quelque part en Afghanistan, si ce n’est au Pakistan ou ailleurs. Les médias européens ont pu distraire le public de cette notion saugrenue en dirigeant l’attention vers la tenue vestimentaire de Michelle Obama. Mais, entre temps, des dizaines de milliers de citoyens européens se dirigeaient vers Strasbourg dans l’espoir de manifester leur désaccord. Ils avaient des arguments à faire entendre. Ils ont fini étouffés par des nuages de gaz lacrimogènes, et ont été traités comme des bêtes. La responsabilité du fiascoLa responsabilité de ce fiasco est partagée. De loin les plus responsables sont les forces de l'ordre qui ne cessent de durcir leurs modes de répression partout en Europe. Sous le regard des hélicoptères, les divers policiers, gendarmes et CRS pratiquent la technique d’origine anglaise de « kettling » qui consiste à diviser et à enfermer les manifestants à l’intérieur de petits espaces séparés, parfois entourés de barrières métalliques. Il s’agit de traiter les êtres humains comme du bétail. Plus de dix mille policiers ont employé un arsenal d’armes anti-personnelles contre un nombre comparable de manifestants sans défense. Des gaz lacrimogènes, des balles en caouchouc et des armes à « son et lumière » ont d’abord mis fin aux discours avant d’égarer les manifestant dispersés et désorientés. Tout cela a fini dans un chaos total. Ce fut le résultat recherché. Mais une part de responsabilité incombe aux organisateurs, si on peut utiliser ce mot pour un événement où l’organisation faisait à ce point défaut. La manifestation anti-Otan du 4 avril était organisée par un collectif de groupes de militants français dont aucun n’avait l’autorité pour imposer un plan cohérent. Ainsi, le doyen de ces groupes, le Mouvement de la Paix, a fini par exercer la plus grande influence sur les décisions, notamment celle d’accepter le choix du site pour le rassemblement offert par la Préfecture. Au lieu de pouvoir se rassembler sur une place publique et de défiler dans les rues de Strasbourg sous les fenêtres des habitants, avec leurs banderolles, leurs slogans et leur théâtre de rue, les manifestants furent exilés sur une île périphérique entre le Rhin et un grand canal dans une zone industrielle. Les deux seuls ponts permettant l’accès du côté français étaient faciles à bloquer pour les forces d’ordre. Il suffit de regarder un plan pour voir qu’il s’agissaitt d’un piège, et, sur le terrain, le dénivellement rendait celui-ci pire encore. Situé à quelques huit kilomètres de la gare, un jour où tout transport public était supprimé, le site était difficile à atteindre. De plus, le point de rassemblement et le parcours imposé était quasi invisible au public. Bref, les manifestants étaient coupés de toute communication avec le public. Et la souricière donnait l’avantage à la police pour exercer ses méthodes de répression. Pourtant les organisateurs ont accepté ce site inacceptable – sans même fournir un service d’ordre pour guider et essayer de protéger les manifestants. Il est vrai qu’en échange, la Préfecture avait fait certaines promesses – non tenues. Les ponts et les rues qui devaient rester ouverts pour permettre aux manifestants de joindre le rassemblement sur l’île se trouvaient bloqués de façon imprévisible par la police, provoquant les premières échauffourées. Curieusement, plusieurs milliers de manifestant pacifistes furent bloqués sur la rive allemande du Rhin, sans jamais pouvoir rejoindre le rassemblement, tandis que des Black Block allemands y parvenaient. En général, la police a traité les pacifistes comme l’ennemi dans une guerre civile, sans protéger les personnes ou les biens de la minorité violente. Le Black BlockLes pacifistes ne pouvaient concurrencer les casseurs du Black Block, pourtant beaucoup moins nombreux. Contrairement aux pacifistes, ils paraissent, sur les vidéos, comme étant maîtres de leur propre jeu, en combat avec la police. Il est probable qu’ils en éprouvent fierté et satisfaction. Errare humanum est. Les mauvaises intentions fleurissent, mais les erreurs sont encore plus courantes. Un mouvement intelligent contre l’Otan doit essayer d’appliquer l’alternative à la guerre – l’argumentation rationnelle – en toutes circonstances. Nous devons débattre avec les gens qui se trompent sur l’Otan, pour expliquer sa nocivité. Et nous devons débattre avec ceux du Black Block, pour signaler ce qui ne va pas dans leur forme de protestation. Comment entamer un tel dialogue n’est pas évident. En faisant l’hypothèse que les participants aux actions du Black Block ne sont pas tous des policiers déguisés, j’inviterais, si j’en avais les moyens, ceux qui sont sincères à prendre en considération plusieurs idées.
Que faire?L’année 2008 fut un vrai tournant, avec deux événements de très grande portée qui changent, petit à petit, la vision du monde que peuvent avoir la plupat des gens : l’effondrement financier, et l’attaque israélienne contre Gaza. Les répercussions s'en feront de plus en plus sentir. Elles préparent le terrain pour l’opposition massive des peuples aux puissances financières et militaires qui dirigent l’Occident et qui s’efforcent toujours, à travers l’Otan en particulier, d'imposer leur domination au monde entier. Il y a des indices que le pouvoir reconnaît le danger et prépare des technologies de répression pour contrer les révoltes à venir. Il est urgent de fournir des alternatives politiques en termes de programmes et d’organisation. Si les manifestations de masse sont vulnérables à la répression policière et aux casseurs, il faut inventer d’autres moyens plus variés et plus flexibles pour communiquer les uns avec les autres afin d' élargir un mouvement cohérent capable de combattre la militarisation de la société et de construire une économie centrée sur les véritables besoins des êtres humains. En tout cas, toute manifestion future contre l’Otan doit se doter de son propre service d’ordre. On ne peut pas mélanger des manifestants pacifiques avec les casseurs qui cherchent ce que cherche la police : les combats violents.
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Source : http://www.michelcollon.info/index.php?view=article&c...
12:34 Publié dans QUAND LA BÊTISE A LE POUVOIR | Lien permanent | Commentaires (0)
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