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03/12/2009

Chine : Disney se joue des droits sociaux

Une nouvelle série d’enquêtes menées dans quatre usines sous-traitantes de l’entreprise Disney en Chine révèle les conditions de travail indécentes auxquelles sont soumis les milliers d’ouvriers, très majoritairement des femmes, qui fabriquent ses jouets. Salaire indécent, absence de contrat de travail, heures supplémentaires payées en dessous des minimums légaux, pas d’équipement de sécurité adéquat, absence de sécurité sociale  et de cotisation pour la retraite… La liste des manquements à la législation chinoise et aux normes internationales du travail est longue. Disney a beau se prévaloir d’un code de conduite qu’elle prétend imposer à l’ensemble de ses fournisseurs et de milliers d’audits menés chaque année pour en vérifier le respect, force est donc de constater que le bilan est encore très largement insuffisant. C’est donc aux citoyens et consommateurs d’agir pour inciter la multinationale à jouer le jeu des droits de l’Homme.

La SACOM(1) et le China Labor Watch (CLW), deux organisations partenaires de Peuples Solidaires basées respectivement à Hong Kong et à New York, ont enquêté entre mai et octobre 2009 auprès d’usines sous-traitantes de Disney en Chine : Haowei Toys(2) (aujourd’hui Rong Gao) Tianyu Toys, Wai Shing(3) et Merton Toys(4). Les résultats de ce travail de terrain sont sans appel : dans ces quatre usines, les violations des droits des ouvriers sont légion, et l’exploitation est la règle.

Une exploitation honteuse

Les salaires sont si bas que les ouvriers doivent faire de nombreuses heures supplémentaires pour gagner de quoi vivre. En haute saison – au moment où l’on fabrique les jouets pour Noël – ils enchaînent les journées et parfois les nuits de travail, sans jour de repos. En saison basse, les commandes chutent… et les salaires avec. De plus, des amendes arbitraires leur sont infligées. A Tianyu, 50 yuans (5 €) sont ainsi déduits du salaire de ceux qui refusent de travailler la nuit. Il faut également déduire le prix de l’hébergement, qui s’élève à 65 yuans (6,5 €) à Wai Shing et atteint 72 yuans (7,2 €) à Tianyu Toys où jusqu’à 25 ouvriers partagent un dortoir de 25 m2. Enfin, la nourriture – que des ouvriers qualifient d’infecte – coûte 250 yuans (25 €) par mois à Merton Toy.

« Non seulement ils s’épuisent à la tâche, mais en plus, ils sont soumis à des conditions de travail dangereuses, sans protection adéquate et sans formation » explique Debby Chan, représentante de la SACOM. En effet, à Wai Shing, les ouvriers travaillent quotidiennement au contact de produits chimiques (peintures et diluants) dont ils ne connaissent ni les noms, ni les dangers et qu’ils manipulent sans aucune protection. Pour autant, aucun des examens médicaux prévus par la loi ne leur est proposé… Les enquêtes montrent aussi que les ouvriers sont victimes de traitements dégradants : violences verbales, insultes, humiliations… A Tianyu, ils doivent par exemple demander un laissez-passer pour aller aux toilettes.

Face à ces traitements indignes, certains ouvriers dénoncent leurs conditions et demandent des améliorations. Ainsi, à Haowei, les ouvriers se sont plaints en 2003 auprès des autorités chinoises. A Merton et Tianyu, ils sont même allés jusqu’à se mettre en grève pour réclamer des salaires décents. Mais ils n’ont pas obtenu gain de cause.
Par ailleurs, la nouvelle loi qui oblige, depuis janvier 2008, les employeurs chinois à remettre un exemplaire du contrat de travail à leurs employés  n’est pas respectée. Or faute de contrat,  les ouvriers ne peuvent faire valoir leurs droits ni devant leur employeur, ni en justice… Quant aux syndicats, même dans les usines qui en comptent comme Wai Shing, ils sont affiliés au syndicat du parti et leurs responsables sont le plus souvent choisis par la direction elle-même.

Mais que fait Disney ?

Face à cette situation, nos partenaires chinois se tournent vers le donneur d’ordres que ces usines ont en commun, la multinationale Disney, pour qu’elle assume sa responsabilité sociale. Son code de conduite pour les sous-traitants et les milliers d’audits qu’elle mène auprès de ses fournisseurs montrent le souci de Disney de prouver aux consommateurs qu’elle prend les choses en main. Mais d’après les enquêtes de nos partenaires, ces mesures sont largement inefficaces.

Alors que Disney avait été interpellée au sujet de l’usine Merton en 1998, le CLW constate que « même si les conditions se sont globalement améliorées, de nombreuses violations graves persistent ». L’usine de Tianyu avait elle aussi fait l’objet d’une première enquête de la SACOM il y a un an mais – mis à part quelques améliorations en matière notamment de temps de travail – les enquêteurs n’ont pas constaté de progrès suffisants. Et quand il y a des avancées, celles-ci restent fragiles : à Haowei, sous la pression de Peuples Solidaires et de la SACOM, Disney avait accepté de faciliter l’établissement d’un comité de travailleurs pour faire entendre la voix des ouvriers au sein de l’usine, mais ce dernier n’a pas été pérennisé.

C’est la raison pour laquelle la SACOM et le CLW en appellent aujourd’hui à la solidarité de tous pour demander à Disney de prendre enfin la mesure des lacunes de sa politique de responsabilité sociale et de la corriger afin de garantir effectivement des conditions décentes aux ouvriers qui fabriquent ses jouets.

(1) Association d’étudiants et universitaires contre la mauvaise conduite des entreprises
(2) SACOM, “Still Looking for Mickey Mouse’s Conscience”, mai 2009.
(3) Cf. Rapport de la SACOM publié par Peuples Solidaires, “Ouvriers du jouet : les derniers maillons de la chaîne”, décembre 2009
(4) Rapport ”Unhappy Holidays at Merton Toy Factory”, octobre 2009, disponible sur www.chinalaborwatch.org

Pour signer l'Appel : http://www.peuples-solidaires.org/je-signe/?appel=944


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