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12/02/2011

Les fléaux de la Colombie

Azalea Robles   9 février 2011

Source :

http://cubasilorraine.over-blog.org/ext/http://www.arlac.be/10/fr2010/fosses%20communes%20.htm

via

http://www.michelcollon.info/Les-fleaux-de-la-Colombie.html

La construction d'une réalité virtuelle, qui opère comme une scénographie masquant la réalité objective, est une composante fondamentale de la guerre en Colombie.

 • "Il faut promouvoir la mobilité des droits de propriété " Banque mondiale.
 

 • “De nombreuses victimes de la contre-réforme agraire en Colombie ont disparu dans les fours crématoires, les élevages de caïmans et les fosses communes ” Survivant.
 

 • Ce que vise la Loi sur les Terres de Santos, c'est à légaliser la spoliation des terres. C'est la consolidation de la contre-réforme agraire.
 

 • Les millions d'hectares de terres volés aux victimes et aux personnes déplacées par le terrorisme d'État en Colombie sont sur le point d'être remis légalement entre les mains du grand capital, grâce à un tour de passe-passe juridique très futé du gouvernement de Juan Manuel Santos.
 

 • “Le président Uribe se plaignait de ne pas pouvoir créer d'exploitations de 45.000 hectares dans les plaines orientales : il se plaignait de ne pas pouvoir supprimer l'UAF, qui est une parcelle relativement petite de terre, et cela gênait M. Uribe (…) À l'article 69, on lit l'UAF sera supprimée (… ) ; c'était ce dont se plaignait Uribe…” J.E.Robledo
 
 
 

Depuis la prise de fonctions du nouveau président de Colombie, Juan Manuel Santos, propriétaire des principaux médias de masse et grand latifundiste, nous avons été témoins d'une grande opération médiatique qui vise à présenter les “différences” entre l'administration de Santos et l'administration de Uribe. L'administration de Uribe est apparue publiquement comme une administration marquée par le paramilitarisme, la torture, les violations des droits humains… et la stratégie consiste à faire croire que Santos se démarque de ces niveaux de barbarie, en s'appuyant sur le monopole des médias de masse.
 
Il convient cependant de rappeler que Santos a été ministre de la Défense de Uribe, et responsable des mal nommés “faux positifs ” (1) : exécutions extrajudiciaires pratiquées par l'armée de Colombie.
 
Les militaires enlèvent des jeunes, les déguisent en guérilleros et les assassinent, puis ils les présentent comme des “guérilleros morts au combat”. Les militaires commettent ce crime pour “afficher des résultats” dans leur guerre contre l'insurrection, et aussi pour assassiner les civils qui “dérangent” (lire les syndicalistes, les enseignants, les dirigeants paysans, etc.). Les médias de masse se chargent de diffuser le mensonge, puisqu'en Colombie les moyens de diffusion de masse prennent pour argent comptant ce que leur disent les sources militaires… La médiatisation des supposés guérilleros morts est macabre : on montre des corps alignés, à demi nus, allongés sur le sol … On conditionne ainsi l'opinion publique à la déshumanisation des guérilleros. Avec les “faux positifs”, la directive présidentielle 029 pousse les militaires à “présenter des cadavres”, puisqu'ils reçoivent des récompenses économiques ou des permissions en fonction des cadavres présentés.


Les organisations de victimes dénoncent plus de 5.000 cas de “faux positifs”, la Fiscalía enquête sur quelque 2.000 exécutions extrajudiciaires commises directement par des membres des forces de sécurité de l'État colombien, mais l'impunité règne. Les “faux positifs” sont des crimes contre l'humanité et montrent à quel point les montages, les mensonges et les crimes font partie intégrante de l'État colombien, qui relève du concept d'État terroriste. C'est une évidence triste et vérifiable, bien que le degré d'horreur la fasse paraître invraisemblable ; l'ONU et d'autres organismes sont au courant de ces pratiques mais demeurent complaisants à l'égard de l'État colombien.


Les faux positifs sont de réels assassinats qui servent à créer une réalité virtuelle… les médias de masse exercent un rôle particulièrement belliciste en Colombie, en légitimant un régime génocidaire, au point d'occulter les fosses communes gigantesques, comme ils ont essayé de le faire avec la plus grande fosse commune du continent américain (2), située derrière la base militaire de la Force Omega à la Macarena (Meta), qui contient au moins 2.000 cadavres, et qui a été dénoncée par des observateurs internationaux, des ONG de défense des droits humains, et par des proches de victimes de disparus … Les médias de masse cachent les crimes de l'État colombien et se prêtent à tous les montages que préconisent les militaires, comme la médiatisation des morts de paysans déguisés en guérilleros.


La construction d'une réalité virtuelle, qui opère comme une scénographie masquant la réalité objective, est une composante fondamentale de la guerre en Colombie. Et dans ce texte, nous voulons traiter d'un cas essentiel de falsimedia (désinformation), puisqu'il s'agit de tromper au sujet d'une des questions les plus fondamentales de l'injustice et de la guerre en Colombie : la question de la terre.

Pour blanchir l'image du gouvernement de Santos, les médias de masse cherchent à faire croire, en Colombie et dans le monde, que Santos “rendra la terre aux déplacés” et “procédera à une réforme agraire”… Rien n'est plus éloigné de la réalité, bien que les apparences se fondent sur des échafaudages spécialement construits pour soutenir la propagande. L'argument de ce gouvernement, “la réparation aux victimes”, auxquelles on dit qu'ont leur rendra les terres usurpées, a été dénoncé comme une utilisation cynique des déplacés par des organisations de victimes telles que le Mouvement des victimes de crimes d'État, et par des opposants tels que le sénateur Robledo. (3)
 Concrètement, l'objectif de la Loi sur les Terres de Santos est la légalisation de la spoliation des terres. C'est la consolidation de la contre-réforme agraire.
 Les millions d'hectares de terres volés aux victimes et aux personnes déplacées par le terrorisme d'État en Colombie sont sur le point d'être remis légalement entre les mains du grand capital, grâce à un tour de passe-passe juridique très futé du gouvernement de Juan Manuel Santos.


C'est le même cynisme qui a été appliqué en Colombie lors des fameux "dialogues de Ralito 'entre' le gouvernement et les paramilitaires", dialogues populairement qualifiés de Monologue, étant donné la façon dont la structure paramilitaire est utilisée comme outil de guerre sale par l'État lui-même... Le paramilitarisme est l'arme de la guerre sale de l'État colombien, et bénéficie aussi d'un financement et des conseils des multinationales et des latifundistes ; c'est un outil mis en œuvre pour éliminer les opposants et chasser d'immenses quantités de personnes de zones à haut intérêt économique.


Aujourd'hui, ce sont plus de 6 millions d'hectares de terres qui ont été enlevés aux victimes et déplacés ; en Colombie, on compte plus de 4,5 millions de déplacés. Le MOVICE et d'autres sources parlent de plus de 10 millions d'hectares usurpés, le gouvernement avance le chiffre de 3,5 millions d'hectares.
La Loi sur les terres de Santos contient plusieurs ruses, voyons concrètement en quoi consiste la règle :

La règle dit que dans certaines zones du pays choisies par le gouvernement, il sera procédé à des restitutions de terres dans un délai limité.

Si la personne spoliée ne veut pas de la terre, l'État lui propose un titre de trésorerie qui viendra à échéance avec une vente très bon marché de sa terre.
D'après les enquêtes, la grande majorité des déplacés (jusqu'à 80%) craignent de revenir sur leurs terres étant donné que les régions sont sous la domination du paramilitarisme et qu'il y règne un régime de terreur.

Ce qui précède montre que ce que l'on présente comme la restitution de parcelles de terre aux personnes spoliées par la violence cache justement la spoliation définitive de ces personnes.

La Loi sur les Terres est présentée dans les médias de masse pour ce qu'elle n'est pas.

En Colombie, les terres doivent être restituées aux déplacés ; mais ce n'est pas ce que vise la Loi sur les Terres. Premièrement : la Loi ne sera pas d'application dans l'ensemble du pays, mais uniquement dans les territoires désignés par le gouvernement (zones de consolidation paramilitaire-militaire). Les déplacés ne pourront donc pas effectivement aller vivre dans des zones dominées par leurs bourreaux.

Deuxièmement : La politique agricole de ce gouvernement s'inscrit dans la poursuite de la politique du gouvernement de Uribe, en ce sens qu'il s'agit d'une politique néolibérale, qui favorise la grande propriété, le capital étranger, la méga exploitation minière, les mono-méga-cultures, le démantèlement de la protection des paysans et du secteur national de l'agriculture contre les produits subventionnés des USA et de l'UE : une politique d'annihilation de la souveraineté alimentaire …


On va supprimer l'UAF (Unité agricole familiale) pour établir de grandes plantations sur les hauts plateaux. Davantage de terres seront dévolues aux multinationales étrangères. La Banque mondiale encourage la concentration des terres et préconise l'acquisition de titres comme étape préalable à la constitution de monopoles. L'acquisition de titres sur les terres est désormais encouragée par le gouvernement, alors qu'il l'a toujours rejetée ; il est évident qu'aujourd'hui, l'objectif est le transfert des terres des paysans vers le grand capital. Selon la Banque mondiale : "Il faut promouvoir la mobilité des droits de propriété."
La politique agricole du gouvernement de Juan Manuel Santos, qui est de favoriser la grande propriété et le ‘libre commerce’ implique la ruine de l'agriculture : un appauvrissement accru, davantage de déplacements en masse des populations, davantage de faim et de misère, dans un pays dont la majorité de la population vit déjà dans l'indigence.

En Colombie, 68% de la population vit dans la pauvreté et l'indigence. La concentration de la richesse est scandaleuse : la Colombie est le 11e pays dans le monde où l'inégalité sociale est la plus élevée (11e place selon le cœfficient de GINI), et est le pays où l'inégalité est la plus grande sur le continent américain. Il y aurait, selon les chiffres les plus cléments, 8 millions d'indigents et 20 millions de pauvres (4). Plus de 20.000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de dénutrition aiguë (chiffres de l'UNICEF) ; sur 100 mères déplacées en cours de grossesse, 80 souffrent de dénutrition chronique (5). Simultanément, et corrélativement à cette misère, un seul banquier, Sarmiento Angulo, contrôle 42% du crédit national et déclare des revenus de 1.250 millions de dollars pour le dernier bimestre de 2009. (6)

Cette injustice sociale et cette misère vont s'accentuer avec la politique agricole du gouvernement de Santos, qui poursuivra les TLC et le ‘libre commerce’. L'article 53, qui se réfère à la politique agraire de l'administration de Santos, parle d'encourager la grande production entrepreneuriale… Elle soutient le modèle de la grande propriété et de l'extraction minière par les multinationales.
 Avec la Loi sur les Terres de Santos, il s'agit d'officialiser des changements de propriété : et plus (uniquement) par la spoliation, mais par la voie...disons "licite"... quel cynisme ! Après des centaines de massacres, et la création de zones de terreur militaire-paramilitaire, de zones de non retour, on cherche à créer une situation de non retour juridique.

On a caché la réalité terrible au sujet de la Loi sur les Terres de Santos.

C'est une loi qui va également mettre fin aux rares dernières lois sur la protection des petits paysans, comme l'UAF (Unité agricole familiale). L'UAF est une loi qui limite les terrains, qui empêche les dimensions exagérées.

 Voici ce qu'a déclaré le sénateur Jorge Enrique Robledo à ce sujet (7), lors du débat sur le projet de loi sur les terres, en séance plénière du Sénat, en septembre 2010 :

“Le président Uribe se plaignait de ne pas pouvoir créer d'exploitations de 45.000 hectares dans les plaines orientales : il se plaignait de ne pas pouvoir supprimer l'UAF, qui est une parcelle relativement petite de terre, et cela gênait M. Uribe (…) À l'article 69 (relatif à la politique agricole de l'administration de Santos), on lit que l'UAF (Unité agricole familiale)… sera supprimée (… ) ; c'était ce dont se plaignait Uribe…”

Il faut dénoncer cette Loi des Terres pour ce qu'elle est : une étape fondamentale de la spoliation, la légalisation sans retour en arrière par la voie juridique.
Le terrorisme d'État en Colombie et le modèle minier de saccage de l'environnement et de spoliation des paysans, des indigènes et des afro-descendants se consolide avec Santos ; ce n'est pas pour rien que d'aucuns l'appellent “le nouvel administrateur des intérêts des USA et de l'UE en Colombie”. Le terrorisme d'État demeure la garantie d'éliminer les opposants au pillage.

 

NOTES :

1. “faux positifs”¹ : (Les faux positifs sont des assassinats d'enfants et de jeunes gens perpétrés par l'armée colombienne, qui médiatise ensuite leurs cadavres en les faisant passer pour des “guérilleros morts au combat” : http://www.falsos-positivos.blogspo...

http://www.rebelion.org/noticia.php...;;titular=terrorismo-de-estado :-el-caso-de-los-falsos-positivos-

 2. La plus grande fosse commune d'Amérique latine, une découverte dantesque qui ne suscite cependant pas le rejet international que mérite le régime colombien : plus de 2000 cadavres de disparus imputables à la force Omega du "Plan Colombie". (16) L'armée y aurait enterré des disparus depuis 2005 : http://www.publico.es/internacional...
 4. L'étude de la Misión para el Empalme de las Series de Empleo (MESEP), Pauvreté et inégalité 2009, a comptabilisé huit millions de Colombiens dans l'indigence et 20 millions de pauvres. Dans les zones rurales, sur 100 foyers, 65 sont considérés comme pauvres et 33 vivent dans l'indigence. http://www.abpnoticias.com/index.ph...;;task=view&id=2446&Itemid=90
http://www.elcolombiano.com/BancoCo...
5. En Colombie, plus de 20.000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de dénutrition aiguë ; sur 100 mères déplacées enceintes, 80 souffrent de dénutrition chronique, UNICEF : http://www.elcolombiano.com/BancoCo... http://colombia.indymedia.org/news/... La Colombie, pauvre parmi les pauvres : http://alainet.org/active/33960&amp...;;=es
 
6. Sarmiento Angulo, l'entrepreneur le plus riche de Colombie est, avec la poignée d'oligarques parmi lesquels on distingue Ardila Lule et Santo Domingo, le grand promoteur de la néfaste “Sécurité" démocratique” du gouvernement Uribe, et, par hasard, Uribe a obéi à chacune de ses suggestions en un temps record de 24 heures, comme ce fut le cas lorsque Sarmiento Angulo proposa que “l'impôt pour financer la sécurité démocratique” soit permanent et qu'il s'applique à tous les Colombiens : aussitôt dit, aussitôt fait : http://www.lasillavacia.com/histori... http://noticieroconfidencial.com/?p=11 Colombie : les revenus et les bénéfices des grandes entreprises sont en augmentation http://www.desdeabajo.info/index.ph... Crise du modèle néolibéral et inégalité en Colombie (…) http://www.desdeabajo.info/index.ph... http://www.portafolio.com.co/econom... Publié le 15 février 2010 : Les revenus du secteur financier ont atteint les 8,5 milliards de dollars. http://www.elespectador.com/articul...
 
7. L'exposé du sénateur Jorge Enrique Robledo lors du débat sur le projet de loi sur les terres, pendant la séance plénière du Sénat du 21 septembre 2010, nous éclaire sur cette question : http://www.youtube.com/user/POLOMOI...

Source : Arlac
 

Image : Galerie des victimes à Popayan, Colombie. Cédric Rutter Investig'Action

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