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28/06/2012

Banque Goldman Sachs - Les Plus Gros Arnaqueurs du Monde

25/06/2012

Voyages sur Chesterfield de Philippe Coussin-Grudzinski

voyages sur chesterfield.jpg

Editions Intervalles, 2012, 128 p. 15 €

 

Ce court récit, s’étalant sur une seule nuit de 0h07 à 7h00 du matin d’un mois de février pluvieux dans un appartement parisien, fait sans concession le portrait socio-zoologique de notre société contemporaine. Un portrait cynique mais réaliste d’un monde grotesque et un autoportrait d’une jubilatoire sincérité. Dans ce qui pourrait être comme des pages d’un journal intime, Philippe, jeune surdiplômé au chômage, expose comment il préfère se vautrer dans l’ennui le plus total, ponctué de petites rapines de produits de luxe, que de se plier aux hypocrisies, au fiel et à la poussée de dents, dont il faut faire preuve pour tracer sa route de paillettes dans le monde. « Pour remplacer mes pulls en cachemire à moindre frais, je retire habilement l’étiquette antivol dans les cabines d’essayage et je mise sur mon physique de fils de bonne famille pour déjouer la vigilance des hommes en noir à l’entrée des magasins ». Un monde top high-tech, celui des grands groupes de média, des « maîtres du monde », qu’il a connu alors qu’il était, il n’y a pas si longtemps, ce jeune con sous-employé lors de stages café/photocopies légèrement amélioré mais sans intérêt. Parcours obligatoire de tous les jeunes loups bien équipés pour espérer grimper rapidement l’échelle du paradis social, mais pour cela mieux vaut ne pas avoir trop soif d’Idéal.

Welcome dans un monde creux, superficiel et superfétatoire, puissamment épris de tape à l’œil, de réussite bling bling et cependant dépourvu de toute grandeur. L’auteur décrypte les personnages, les rouages et les backstages carton-pâte de ce parfait symbole de la société moderne, où le look, le cv et la bêtise ont ceci en commun que ça doit briller pleins feux, qu’importent les moyens, qu’importe le mensonge, qu’il est d’ailleurs de bon ton d’angliciser un peu. Ce qui est in un jour, top tendance le lendemain, est has been le jour suivant. Alors le narrateur reste chômeur, dort le jour et passe ses nuits sur facebook, où à travers des dialogues tantôt drôles, tantôt consternants, se brosse un portrait de l’ennui poussé à l’extrême. De tout ça, un être un tant soit peu sensible et idéaliste, ne peut que chercher à s’évader. L’amour, la drogue, la musique… Tout ce qui peut donner encore de véritables émotions. Pour Philippe, ce sont les souvenirs, d’enfance, de voyages, les fantasmes, et puis l’amour de Raphaël, l’intensité du plaisir, des transes sur la musique électronique des nuits de Berlin-Est, la grandeur de l’opéra, l’herbe bio d’Auvergne. C’est donc bien à un voyage sur Chesterfield, le fameux canapé cuir fait main, qu’il nous convie dans ce texte. Un texte facile à lire, qui au départ peut agacer, voire rebuter. On peut se poser la question de son intérêt, surtout si on trouve qu’on perd déjà soi-même trop de temps sur facebook, mais outre le fait qu’en transformant en quelque sorte le lecteur en voyeur, ce qui questionne aussi, c’est quelque chose de très essentiel qui filtre de ce récit : qu’en est-il de la beauté, du cœur, de l’intelligence, de la relation à l’autre, de tout qui donne valeur à l’humanité dans notre société de consommation ultra-artificielle, où il est si facile de se laisse hypnotiser, voire lobotomiser par tout et surtout rien, et passer sa vie à brasser du vide ? Il y a donc un espoir pour que les jeunes générations de diplômés échappent au grand cauchemar éveillé du monde des apparences et exigent que leur vie ait le véritable goût du vivant.

 

Cathy Garcia


Philippe Coussin-Grudzinski

Philippe Coussin-Grudzinski est né en 1986. Après avoir collaboré aux Inrocks, il est devenu community manager pour la télévision. Son blog Humeurs sur Chesterfield connaît un succès fulgurant : Voyages sur Chesterfield est son premier roman.

23/06/2012

La Fissure

Un webdocu d’Annabelle Lourenço et Cyprien Nozières sur le Japon de l’après-Fukushima

 

Article de Cathy Garcia paru dans le journal Le Lot en Action n°56

http://www.lelotenaction.org/

 

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Un homme pêche près d’une maison renversée, presqu’ïle d’Oshika (Annabelle Lourenço)

 

Annabelle Lourenço est photographe et Cyprien Nozières* réalisateur-animateur. Ils sont partis tous les deux au Japon, dans un esprit de totale indépendance et par conséquent peu de moyens, pour récolter des témoignages et des photos de l’après Fukushima, neuf mois, chiffre on ne peut plus symbolique, après la tragique catastrophe du 11 mars. Accueillis à Tokyo par le frère de Cyprien et son épouse japonaise, ils sont restés au Japon trois semaines, pour rencontrer les gens et les lieux : la préfecture de Miyagi à la pointe de la presque île d’Oshika, lieu plus proche de l’épicentre du séisme, Fukushima dont nul aujourd’hui n’ignore, hélas, le nom, et Tokyo donc, la capitale, où l’inquiétude va grandissante.

 « Nous avons réfléchi à un projet commun qui considérerait le problème dans son ensemble. Nous ne voulions pas nous contenter d’aborder uniquement la situation des victimes du tsunami, ni nous concentrer exclusivement sur le problème des radiations. »

Ainsi est né Fissure, un webdoc que vous pouvez voir ici sur le site d’Annabelle Lourenço : http://annabellelourenco.com/lafissure/

Le fil conducteur de ce très sensible webdoc, c’est l’eau, des gouttes d’eau qui semblent suinter de l’écran, chacun y verra ce qu’il veut, des larmes, des fuites d’eau contaminée et l’eau nous accompagne aussi parfois en fond sonore. Le webdoc se regarde, se lit et s’écoute. Après une présentation et un rappel des faits, il fait apparaître la carte du Japon où sont indiqués les trois lieux cités plus haut. Une grosse tache sombre s’étale sur la région en partant de Fukushima, la catastrophe après la catastrophe : la centrale, les réacteurs, les radiations. A l’internaute de cliquer ensuite sur la ville de son choix. Commençons par la préfecture de Miyagi. La vidéo présente Ishinomaki, à 90 km de la centrale, la ville a été dévastée par le séisme et le tsunami, 163 000 habitants, 6000 morts et disparus. Une photographie de Tadashi Okubo a immortalisée à jamais une jeune habitante au milieu des décombres, cette inconnue est alors devenue en quelque sorte, et bien malgré elle, l’icône du séisme japonais. Mais ici les images de la ville dévastée sont d’Annabelle Lourenço, la ville, une maison, une fenêtre, des portraits de disparus, des bruits de couverts, on est à table, la voix d’un pêcheur d’un petit village tout proche raconte. Comme tout le monde là-bas, il a perdu des parents, des amis : « Les gens devrait se réjouir d’être en vie. C’est si précieux la vie. ». Retour sur la ville fantôme, les travaux de reconstruction en cours… De ces traces de vie interrompue si brutalement, on ne peut qu’imaginer… Les photos d’Annabelle Lourenço sont très belles et le choix des sujets interpelle. Une espèce de grand silo renversé, rouge vif avec une publicité pour de la viande cuisinée, comme une immense boite de conserve absurde, renversée au milieu des ruines et gravats, des magazines ouverts sur des photos abîmées de jeunes filles nues, allongées, assises, souriantes, aguichantes… Éros contre Thanatos. La voix du pêcheur continue de parler : remercier, être courageux, positif, aller de l’avant, « Si on marche en se retournant, on tourne le dos à la lumière ».

Les photos disparaissent au profit d’une petite animation très simple mais efficace, pour raconter les secousses, puis le tsunami, la GROSSE goutte d’eau qui a tout balayé.

Puis des photos de la famille qui reçoit, le pêcheur, son épouse, les parents octogénaires, et l’homme raconte, la vie, maintenant, les problèmes de logement, de reconstruction, l’espoir. Ici point n’est question de radiations, on n’en est pas encore là, trop de choses à faire pour se remettre en selle et il y a déjà tant de morts à garder en mémoire, grâce aux photos que chaque famille a pu récupérer. Un travail de centaines de bénévoles venus d’un peu partout dans le Japon, le webdoc n’en parle pas car il reste centré sur ce témoignage en particulier, qui en dit tout aussi long mais c’est un détail qui me parait suffisamment important pour le mentionner. Et nous quittons la préfecture de Miyagi sur des photos de la grand-mère qui s’est déguisée, un chapeau, des lunettes rigolotes, un nez de clown, et qui chante, qui danse. Quelle belle leçon nous donne cette octogénaire qui a tout perdu mais peut être pas l’essentiel. Elle a eu cette chance, une partie de sa famille est vivante et il faut vivre, et vivre c’est se réjouir !

Pas de sensationnel morbide, d’apitoiement mais une volonté dans ce webdoc de rendre simplement hommage au courage et à la dignité des survivants, à leur capacité à continuer à vivre malgré tout.

Retour à la carte, un clic sur Fukushima. Fukushima, neuf mois après, des gens plus que légitimement inquiets et un gouvernement qui minimise, qui dissimule. Apparait Wataru Imata, un jeune homme originaire de Tokyo, membre du groupe Projet 47, un projet visant à fournir des outils de mesure aux habitants de Fukushima afin qu’ils puissent décider par eux-mêmes s’ils doivent évacuer ou pas. Projet 47 s’est associé avec le Réseau citoyen pour sauver les enfants de Fukushima pour créer le CRMS (Citizen’s Radioactivity Monitoring Station), un centre de mesure pour les contrôles citoyens, indépendant de TEPCO et des autorités japonaises.

Là encore des animations très simples, ludiques, faciles à comprendre pour les enfants, illustrent le propos. La politique de la préfecture de Fukushima pour les déjeuners des écoles, était de « produire local et manger local », quelle belle initiative, on en rêve tous, si seulement il n’y avait pas eu…. la catastrophe après la catastrophe. Le spectre peu appétissant du nucléaire. On peut apprendre ainsi que début mai 2011, soit moins de deux mois après le tsunami et ses terribles conséquences, si on allait dans un supermarché à Fukushima, tout ce qu’on y trouvait était des produits de Fukushima. C’est la CRIIRAD en déplacement sur place qui a fournit au CRMS les instruments nécessaires pour les mesures. Il faut savoir que la ville de Fukushima n’est pas dans le périmètre d’évacuation, donc si les gens voulaient partir, c’était selon leurs propres moyens, aucune aide à attendre de la part de TEPCO. Aujourd’hui on parle de décontamination, mais qu’en est-il vraiment ? On change les chiffres, on rehausse la limite de radiations annuelle de 1 micro sievert, elle est passé soudain à 20 mSv/ an, ceci pour les radiations externes, mais qu’en est-il de l’ingestion d’alimentation contaminée ? Le choix de partir ou de rester est difficile. Les radiations, les habitants ne peuvent pas les voir, ni les sentir, seulement les imaginer et se faire leur propre opinion, sachant que le temps joue contre eux. Wataru Imata est sur place depuis fin avril 2011, il sait que c’est son choix, il peut rester encore ou partir. En toute conscience et nous ne pouvons que saluer son courage.

Retour à Tokyo, situé à 250 km de la centrale, c’est l’angoisse, l’inquiétude, le doute. Le manque d’informations, c’est ce qui ressort de tous les témoignages, et nous savons bien ou devrions savoir que là-bas comme ici, la transparence en matière de nucléaire est une fiction, à fortiori en cas de catastrophe. Tchernobyl nous avait donné une bonne leçon à ce sujet, mais apparemment elle n’a pas servi à grand-chose. Les parents pensent à leurs enfants, et se regroupent en associations actives pour échanger des informations et se faire entendre des autorités. Sumiko Sasa et son mari, ont une fillette de 3 ans et Sumiko est très impliquée dans l’ « Association pour la défense des enfants du quartier de Kita contre les radiations ». Ce sont de simples citoyens, comme on dit, et surtout des mères de famille, qui font ce qu’ils peuvent pour prévenir autant que possible les risques, pour en informer les autres, pour faire pression sur les conseils municipaux. Ils s’encouragent, se soutiennent et sont de plus en plus nombreux. Les enfants ont des problèmes avérés de santé : thyroïde, saignement de nez, sang dans les urines… Sans doute qu’une véritable conscience anti-nucléaire est en train de grandir au Japon, un pays où les habitants n’avaient pourtant pas été habitués à prendre position contre l’autorité quelle qu’elle soit, mais ce qui ressort de ce webdoc c’est qu’il s’agit surtout de mères de famille, les maris se sentent apparemment moins concernés, ce qui créé des conflits dans les couples. Les hommes sont donc plus conditionnés que les femmes, histoire d’éducation, pour accepter l’inacceptable ? Ce n’est pas le cas de tous en tous cas, je pense entre autre à Laurent Mabesoone*, un français qui vit à Nagano, même distance de la centrale que Tokyo, depuis 19 ans, marié à une japonaise, père d’une fillette de 3 ans, et qui a choisi de rester là-bas. Il publie régulièrement des "chroniques anti-nucléaires" sur le site Netoyens* et participe activement au mouvement anti-nucléaire du Ruban Jaune (Yellow ribbon against nuclear power) au Japon. Ces regroupements de citoyens, comme les mères de famille du quartier de Kita, vont peut-être réussir à se faire entendre à force de persévérance mais tout de même, on ne peut s’empêcher de penser que ce monde marche sur la tête. Heureusement qu’il y a des personnes courageuses et suffisamment concernés par les autres, même à l’autre bout du monde, pour prendre des initiatives et réaliser des projets tel que ce webdoc.  Je pense notamment au réalisateur Alain de Halleux et les Récits de Fukushima, visibles ici http://fukushima.arte.tv/#!/4883.

Nous ne devons pas oublier, car l’horreur de Fukushima n’est pas derrière nous, elle est en cours.

 

Cathy Garcia

 

*Voir les vidéos de Cyprien Nozières :http://vimeo.com/cypriennozieres/videos

*Le site Netoyens : http://www.netoyens.info/index.php/

 

* On peut lire des haïkus japonais écrits après Fukushima dans les deux derniers numéros de la revue Nouveaux Délits : des extraits d’Après Fukushima, haïkus du Cercle Seegan, présenté par Seegan (Laurent) Mabesoone dans le n°41 et Fukushima Renaissance de Taro Aizu dans le n°42 http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

Écouter une entrevue avec Laurent Mabesoone : http://www.youtube.com/watch?v=trgdE5KQeSw

 

Quelques liens pour savoir ce qui se passe aujourd’hui à Fukushima :

http://www.scoop.it/t/fukushima-informations/

http://fukushima.over-blog.fr/

http://www.acro.eu.org/chronoFukushima.html

On peut aussi écouter le slam du groupe japonais Frying Dutchman qui, les 10 et 11 Mars 2012, ont organisé une grande parade anti-nucléaire "humanERROR" du nom de leur album et morceau éponyme sorti en Aout 2011 : http://www.dailymotion.com/video/xoccwe_frying-dutchman-humanerror_music

 

18/06/2012

Ici comme ailleurs de Lee Seung-U

Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/ici-comme-ailleurs-lee-se...

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Zulma 2012 - Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet – 220 pages – 21 €

 

Kafkaïen est le premier qualificatif qui vient à l’esprit en lisant ce roman, pour l’univers dans lequel il se déroule et l’absurdité qui émane du parcours du personnage principal. Yu est muté par sa boite, le Gangsan Complex Resort, à Sori, une ville perdue entre un lac et des montagnes à l’Ouest du pays. « Lorsque, dans son guide, il a lu que « la petite ville de Sori, du fait de sa topologie particulière avait servi de lieu de bannissement », son cœur s’est de nouveau mis à balancer ».

 

L’histoire démarre sur ses mots qui donnent d’emblée le ton :

 

« Le vent a des hurlements de bête féroce. Au moment de quitter sa voiture, Yu a l’impression qu’un molosse enragé se jette sur lui. Il a un mouvement de recul. Le long des rues, papiers sales et sacs plastique tourbillonnent sous la bourrasque. Quelques véhicules cahotent sur la chaussée éventrée en soulevant des nuages de poussière ocre. Les rares passants, silencieux, font la gueule. »

 

Ici comme ailleurs est un roman hybride, indéfinissable. Il tient du polar, du roman noir, psychologique, métaphysique, à la limite du fantastique, et on pense à des films de cet extrêmement riche cinéma sud-coréen, en particulier ceux de Kim Ki-Duk, qui de même échappent à toute définition.

 

Lee Seung-U raconte le parcours d’un homme qui arrive dans une ville inconnue en pensant y travailler et qui y perdra tout ce avec quoi il est venu : sa femme, avant même d’arriver, car elle ne le suivra pas mais retournera dans une autre ville s’occuper d’un ancien amant, son portefeuille, l’accès à son compte, sa voiture, la raison pour laquelle il est là et ainsi de suite, comme si le réel se dissolvait derrière lui à chacun de ses pas. Sori, cette ville grise, froide, venteuse, inhospitalière et même dangereuse est un piège, mais à vrai dire, cet homme là n’avait-il pas déjà tout perdu avant même d’y arriver ? En refermant les dernières pages du livre, où la nature dans une apothéose grandiose, met un point final à tout questionnement, toute corruption, à toute l’absurdité de la condition humaine qui est exprimée ici, c’est la question que l’on se pose. Ce roman est un véritable condensé critique du monde d’aujourd’hui, une allégorie inversée, et finalement c’est un roman initiatique. On se détruit ici-bas et le seul espoir, le seul moyen que les hommes ont trouvé pour ne pas sombrer totalement dans la folie, c’est de quitter ce monde avant que la mort ne les prenne, découvrir par la dépossession, la paix éternelle. La grotte où un vieux fou dénommé Noé construit des maisons de pierre, est le seul lieu par lequel on peut s’échapper, le double enfermement devient matrice. Les vivants sont morts et les morts sont éternellement vivants. Les hommes libres sont piégés par une ville entièrement corrompue dans laquelle ils s’enlisent, ceux qui ont tenté de résister sont enfermés dans une grotte et découvrent dans l’enfermement, la liberté du détachement suprême. Subtile hybridation là aussi entre la pensée occidentale et orientale.

 

Ce roman austère, minéral, désespérant parfois, offre de par sa lecture elle-même, une étonnante expérience. Parfois, on voudrait poser le livre, le laisser tomber, mais il est impossible d’en sortir avant la fin car on la cherche, comme on cherche une goulée d’air. Par moment on s’ennuie,  on se sent morne et même quand la fin arrive, on reste hébété, comme choqué, voire insatisfait. La magie de Lee Seung-U, c’est de provoquer ainsi une réflexion, où soudain on accède à la compréhension de l’ensemble et on ne peut que saluer le génie de l’auteur. Ce n’est pas une lecture facile, une lecture de détente, si au départ nous pouvons être captivés comme on l’est par un polar, vers la fin, on s’enlise comme le protagoniste, on se sent gris. L’auteur nous fait traverser les états d’âme, les sensations de ce qu’il raconte, si bien que nous ne faisons plus qu’un avec ce que nous lisons. Avec le recul, c’est fascinant.

 

Cathy Garcia

 

 lee seung-u.jpg Lee Seung-U est né en 1959 à Jangheung, au sud-est de la péninsule, et a passé son adolescence à Séoul. Suite à une expérience religieuse, il entreprend des études de théologie ("Je ne me sentais pas heureux, je me suis lancé dans cette voie pour fuir ce malheur et cette pression"), bientôt interrompues ("J'ai réalisé que l'on ne pouvait aborder la théologie d'un point de vue mystique ou à la manière d'un refuge."). Le goût retrouvé de l'écriture se concrétise en 1990 par la parution d'un premier roman (Portrait d'Erisichton) qui lui vaut le Prix du jeune espoir littéraire de son pays. Majeure et unique dans la littérature contemporaine, sa voix est celle de l’intranquilité.

 

Du même auteur :

 

L’envers de la vie, Zulma, 2000

 

La vie rêvée des plantes, Zulma, 2007

 

15/06/2012

Rassemblement de solidarité avec les peuples de Québec contre les mines d'uranium ! PARIS LE 23 JUIN


      LIEN VERS L'ARTICLE EN LIGNE : http://sanurezo.org/spip.php?article78 -

            Ils sont Innus, ils sont Cris, ils sont Lakotas, ils luttent pour défendre notre mère la terre contre les serviteurs de l’abomination, ceux qui l’étripent pour lui voler son uranium, ses gaz, ses bitumes, son or ...

            ... Ils nous appellent au vrai combat, celui qui oppose depuis toujours ceux qui appartiennent à la terre à ceux qui criminellement prétendent la posséder ...

            Casseroles - Montréal, 24 Mai 2012

            Cet appel traverse aujourd’hui la grande mer, il anime déjà avec force le peuple Québecois, il vient pour prendre pied en terre de France.

           

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            Nous sommes TOUS appelé(e)s à organiser et à participer ensemble au rassemblement de Paris du samedi 23 juin 2012.

            Notre but est d’aller dire sur la terre natale de la société AREVA, à la source de toutes ces abominations, que nous ne voulons pas d’eux au Québec !

           

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            Nous effectuerons aussi une présence symbolique, non violente et silencieuse à la Délégation du Québec à Paris.

           

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            Les peuples d’Europe doivent savoir, afin de ne pas être les complices passifs du « Plan Nord », ils doivent soutenir les revendications vitales et légitimes des Premières Nations du Québec et au delà de tous les amérindiens !

            Grâce à Minganie sans uranium, Sept îles sans uranium, les mobilisationsInnus et Cris (Cree), le Réseau Zéro Nucléaire (RZN), C.A.N. IdF, CAN84

 et nous espérons les convergences prochaines de l’AIM, CSIA-Nitassinan, Les Décroissants, Stop nucléaire, Greenpeace France et tout ceux qui voudront prendre contact avec nous,

 

45 banderoles font déjà route de la encore belle province vers la France contaminée.

            Ces banderoles attendent vos bras pour former sur Paris une seule grande tribu et pour d’une seule voix porter l’urgent message de la sauvegarde pacifique de notre mère la terre grâce au vital arrêt immédiat, définitif et inconditionnel de toutes les installations nucléaires.

           

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            L’association Minganie sans uranium a posté à ses frais les 45 banderoles qui voyagent actuellement vers Paris pour un coût d’environ $450, nous lançons donc une souscription pour payer le retour des banderoles auprès de nos ami(e)s du Québec et nous les remercions pour nous donner l’occasion d’organiser cette première journée de lutte transnationale pour le respect et la sauvegarde de la mère de tous les peuples !

            “Que l’esprit de cette lutte habite désormais et pour toujours parmi nous.”

            Vous pouvez envoyer votre chèque à :

            Minganie sans uranium

            231 de la Mer

            Longue-Pointe-de-Mingan

            G0G 1V0

            Québec

           

12:01 Publié dans AGIR, NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (1)

14/06/2012

Aller simple, Erri de Luca

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Gallimard 2012, édition bilingue, trad. de l’italien par Danièle Valin, 16,50 €

 

« Aller Simple, des lignes qui vont trop souvent à la ligne », marquées par le point final, le point fatal quelque part entre les deux rives méditerranéennes, cette grande bleue qui sépare le Sud, sa misère, ses tragédies, d’un Nord porteur de rêve, d’opulence et de liberté. C’est sur cet entre-deux que se déroule ce long et poignant poème d’Erri de Luca. Plus qu’un poème, c’est une ode mais aussi hélas un chant funèbre, découpé en voix et en chœur.

Ce chant prend source là-bas de l’autre côté, de là où les hommes, les femmes, les enfants, partent, quittent, prennent exil comme un oiseau prendrait envol, mais avec la mémoire des fers aux pieds. Ils viennent des « hauts plateaux incendiés par les guerres et non par le soleil », avec en tête une terre espoir, une terre accueil, une terre de paix. Italie, un mot « ouvert, plein d’air »

 

Finie l’Afrique semelle des fourmis,

par elles les caravanes apprennent à piétiner.

Sous un fouet de poussière en colonne

(…)

le voyage à pied est une piste d’échines.


Le Sud, un terme pratique pour y caser tout ce qui attire et en même temps tout ce qui fait peur au Nord, bien confortablement installé dans ses chaussons soi-disant civilisés…

 

Nous nous détachons de la moitié du monde, non pas du Sud.

 

Et c’est la mer qui est la première destination, la mer qui accueille, la mer qui porte, la mère qui berce et sauve de l’invivable.

 

Bien des jours avant de voir la mer, elle était une odeur,

une sueur salée, chacun imaginait sa forme.

(…)

L’ancien près du feu discute avec les marchands

le prix pour monter sur la mer de personne.

 

Le prix non discuté de la traversée, c’est l’impossibilité de laisser derrière soi la peur, on embarque avec la mort.

 

Le marin est armé, il a peur de nous, sortis du désert,

il a des gestes de menace, les femmes couvrent leurs oreilles.

(…)

Ils ont déjà tué, on le sent au relent de leur peur,

la nuit renforce l’odeur des assassins.

 

Le temps devient alors incertain comme la terre se fait liquide, il faut faire confiance. Quelque chose est là de l’autre côté, une idée à laquelle il faut se raccrocher.

 

Nuit de patience, la mer voyage avec nous,

À l’aube l’horizon coule dans la poche des vagues.

 

Il n’y a « Pas d’oiseaux, ni de papillons, l’air sur la mer est stérile de vols » mais il y a la fatigue, la faim, la soif.

« Des poissons d’un saut de queue sortent comme un crachat » et l’on constate que « la mer se referme plus rapide que le désert ».

Et tout devient signe prémonitoire.

 

Impératif de sommeil, un de nous s’allonge,

ils le repoussent au-delà de l’espace interdit.

 

Ainsi sera la terre de l’arrivée, terrain clos interdit,

notre sommeil qui se heurte contre elle.

 

(…)

 

Nous y arriverons avec des enfants endurcis plus que des cals,

vagabonds avec leurs pères sur les écorchures de la terre.

 

La tension monte, Erri de Luca la traduit admirablement bien, sa poésie toute entière mise au service de cette histoire dramatique, une histoire qui se répète, un refrain maudit devrait-on dire, au rythme de la mer qui « monte et cogne, un de nous roule vers eux, l’autre pointe son fusil, le nôtre lève les mains. (…) Sans soir est arrivé son jour ».

Une violence en entraîne d’autres, et voilà que « Nous sommes sans gardiens et sans guide (…) Le bateau est un bout de terre pris à coups de bêche, les voyageurs dénouent leurs jambes, occupent les mètres ».

La mort y prend aussi ses aises.

 

Nous ne mettons pas les morts à la mer, ils servent pour la nuit

leurs corps préservent du froid, la mer est sans mouches.

 

(…)

 

À l’aube nous léchons la rosée sur la toile, sur le bois.

 

Solidaires et unis par le même espoir, si ténu soit-il, « Nous sommes égaux, la plus stricte égalité, jusqu’à la dernière goutte de buée ».

Le bateau est un radeau pour les naufragés du monde et arrive le moment où « Des mains m’ont saisi, douaniers du Nord, gants en plastique et masque sur la bouche. Ils séparent les morts des vivants, voici la récolte de la mer, mille de nous enfermés dans un endroit pour cent ».

La voici donc la terre d’accueil, la terre qui concentre tous les rêves, mais ce n’est même pas encore la véritable terre, c’est une île, un enclos, « une île n’est pas une arrivée ».

« Surveillés par des gardiens, nous sommes coupables de voyages », alors on en revient aux prières vers l’Orient, « leurs voix est le bruit des abeilles qui remercient les fleurs ».

 

Levain d’humanité pétri par la douleur,

 

Nous racontons les routes parcourues,

Des pas sur des millions de kilomètres finis face aux murs.

 

(…)

 

Nos enfants acrobates de voyage,

clowns, sorciers, petits soldats.

 

Ce sont eux, les enfants, qui portent ce qui reste de force et de courage, « ils se contentent même de rien (…). Ils brillent de sueur plus acharnés que nous, ce sont des buissons d’épines, la mort ne s’approche pas ».

Il n’y a donc nulle arrivée, nulle hospitalité, nul havre de paix.

 

Ils veulent nous renvoyer, ils demandent où j’étais avant

Quel lieu laissé derrière moi.

 

Je tourne le dos, c’est tout l’arrière qu’il me reste

 

(…)

 

Vous pouvez repousser, non pas ramener,

le départ n’est que cendre dispersée, nous sommes des allers simples.

 

Car ils ne sont pas venus pour prendre mais pour offrir, pour s’offrir corps et âme, chair à travail, boucs émissaires.

 

Vous êtes le cou de la planète, la tête coiffée,

le nez délicat, sommet de sable de l’humanité.

 

Nous sommes les pieds en marche pour vous rejoindre,

nous soutiendrons votre corps, tout frais de nos forces.

 

Avec la ténacité, l’obstination du désespoir, ils sont les sacrifices humains de notre époque qui se croit au-dessus de ça.

 

L’un de nous a dit au nom de tous :

D’accord, je meurs, mais dans trois jours je ressuscite et je reviens.

 

Après un texte d’une telle force, d’une beauté époustouflante à la hauteur du courage et des souffrances, pourtant innommables, que peuvent endurer celles et ceux que l’on appelle jamais par leur noms, car ce sont les anonymes, les sans-papier, les clandestines et clandestins de la terre, il est sans doute plus difficile d’apprécier à leur juste valeur les textes qui suivent dans la seconde partie de ce livre. Une partie divisée en quatre quartiers avec des poèmes très diversifiés qu’Erri de Luca présente comme des feuilles qui seraient le pays où il a « essayé d’habiter ». Dans le Quartier des pas reclus, il s’agit principalement de poèmes destinés à ce que l’on n’oublie pas ce qui ne doit pas être oublié, avec un hommage au prisonnier Ante Zemjlar, ce poète yougoslave qui au début des années cinquante passa cinq ans « sur l’Île Nue à casser des pierres blanches et les jeter ensuite dans la mer, dans l’Adriatique, car la peine est pure, sans valeur pratique, et la mer ne se remplira pas ». L'Île Nue, Goli Otok, la plus terrible des colonies pénitentiaires sous Tito. On notera aussi l’hommage aux Tsiganes d’Europe partis en fumée dans les camps de haute Silésie, ainsi qu’à d’autres prisonniers de différentes périodes comme Vincenzo Andraous, Paolo Persichetti, extradé en 2002 et condamné à 22 ans de prison pour sa participation aux luttes des années de plomb, mais aussi au poète bosniaque Izet Sarajlic, mort en 2002, qui a vécu le siège de Sarajevo, et bien d‘autres poèmes encore, évoquant aussi bien la seconde guerre mondiale que celle des Balkans.

Dans le Quartier d’histoires naturelles, Erri de Luca rend hommage aux mineurs du charbon, Courrière, Pas de Calais, 1906, et à la nature.

Dans le Quartier de l’amour sidéré, ce sont des poèmes d’amour ou à propos d’amour, un hommage à la Femme.

Et enfin, dans le Quartier du dernier temps, le poème se fait plus métaphysique, pour « serrer dans la bouche un psaume comme les dents du chien sur un os », et un hommage à la simplicité, à l’humilité, à ces valeurs qui font l’homme vrai, humain, « Vis en déserteur d’une guerre, proclame les vaincus non pas le vainqueur, trinque à l’insurrection des cibles », l’humain dans toute sa beauté mais aussi dans sa fragilité, sa chute, « ce soir parmi nous moi j’aime l’ivrogne qui perd le chemin de sa maison ».

On peut percevoir aussi un hommage à l’utopie dans le plus beau et véritable sens du terme, comme le présentait Théodore Monod, « L'utopie ne signifie pas l'irréalisable, mais l'irréalisé ».

Cela prend un ton prophétique dans le poème « Après ».

 

L’humanité sera rare, métisse, bohémienne

Et elle ira à pied. Elle aura pour butin la vie

La plus grande richesse à transmettre ses fils.

 

Quelques poèmes épars encore, dans une dernière partie nommée L’hôte impénitent qui semble avoir été rajoutée au tout dernier moment, où l’on peut croiser aussi bien Chaplin que Guevara. C’est donc aussi toute une époque que l’on revisite à travers ces textes, d’un auteur sans doute aussi volubile que talentueux.

 

Cathy Garcia

 

Erri de Luca

Erri de Luca, né à Naples en 1950, est l’un des écrivains italiens les plus lus dans le monde. Il vit à la campagne, près de Rome.

 


Qu'on leur coupe la dette


Qu'on leur coupe la dette 1/3 : La saignée par fakirpresse

 


Qu'on leur coupe la dette 3/3 - le fléchage par fakirpresse

13/06/2012

Un autre monde est possible

12/06/2012

Speak white/ Speak red

Je suis née le 16 juin 1970, autre époque, autre monde ? pas si sûr, écoutez plutôt la québecoise Michèle Lalonde dans ce court métrage, de Jean-Claude Labrecque tourné à la nuit de la poésie le 27 mars 1970 :

 

Et voici, 42 ans après, dans le Québec des étudiants en lutte, Speak Red - Un texte de Catherine Côté-Ostiguy, inspiré de « Speak white », de Michèle Lalonde


Clip réalisé par Jean-David Marceau
Musique: Alexandra Stréliski http://alexandrastreliski.bandcamp.com/

 

 

11/06/2012

POESIE POSTALE : Calepin paisible d'une pâtresse de poules

 

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Ed. Nouveaux Délits

Collection les Délits Vrais - N°2 - 2012

 

 

"Que c’est bon d’être assise là au soleil, en pâtresse de poules, au sein de toute cette beauté ! Un léger vent, un esprit bienveillant pose sa main sur mon front.
Le sourire est là, à portée de lèvres. Il affleure comme une source, il vient du cœur. Ce cœur à cajoler, à nicher dans la mousse.

 

L’hiver se meurt, je le sais, je le sens. Ne pas chercher. Ne plus chercher. Simplement faire de la place pour accueillir."

 

 

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Poésie postale, timbrée "Nouveaux Délits"
Tirage signé, numéroté et limité à 50

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Textes et photos de Cathy Garcia

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Papier et enveloppe recyclés


25 pages

 

12 €

 

http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/

 


10/06/2012

Sept façons de tuer un chat de Matias Nespolo

Sept façons de tuer un chat, Matías Néspolo

trad. de l’espagnol (Argentine) par Denise Laroutis, 2012, 254 p. 22,30 €

Edition: Thierry Magnier

 

Cette histoire est un premier roman plutôt réussi. Un récit nerveux, sec, dense et noir, qui laisse peu de place à la respiration, très vivant aussi grâce aux très nombreux dialogues dans lequel le traducteur retranscrit le style et le ton du lunfardo, l’argot de Buenos Aires. Le Gringo celui qui raconte et Chueco, le Tordu, son copain d’infortune, sont deux adolescents, mais l’âge ici a peu d’importance, on vit vite et on meurt tôt dans ce bidonville en périphérie de la capitale argentine. L’existence est un rouleau compresseur, misère, violence, corruption en guise de sainte trinité, et toute tentative pour sauter hors du bocal est vouée à l’échec. Pas d’espoir pour ceux et celles qui sont nés du mauvais côté, parents perdus très vite, la petite rapine de survie quand elle ne conduit pas au trou, mène en chute libre dans la guerre des dealers. Chueco le Tordu n’y échappera pas. L’amitié ici est fragile, à la merci de n’importe quelle trahison et l’amour n’y a pas sa place. Même sur le point de passer son bac, la jeune Délia dont Le Gringo est amoureux, n’échappera pas au droit de cuissage de Jetita, un chef de gang. Le trottoir et les coups sont la destination souvent finale des filles et femmes de ces quartiers. Drogues, alcool sont les seules et illusoires portes de sortie de cet enfer et Mamina, une vieille, pauvre mais courageuse femme, tente de redonner un peu de dignité à ces gamins de la rue en les recueillant et les élevant comme elle peut.

« Il y a des choses de Mamina que je ne comprends pas. Le travail inutile par exemple. Mais aussi les attitudes, les façons de réagir… plus je la connais, moins je la comprends. A l’heure qu’il est elle lave le trottoir à grandes eaux. Comme elle le fait un jour sur deux, religieusement. Qu’il pleuve, qu’il tonne ou qu’il grêle, elle lave sa portion de ciment jusqu’à ce qu’elle soit impeccable ».


Mamina sait bien que peu d’entre ses protégés ne la décevront pas. Le Gringo aimerait bien en faire partie mais comment échapper à la fatalité qui vous poursuit et vous mord au talon pire qu’un chien enragé ? C’est dans un livre qu’il cherche une réponse, un livre que Le Gringo a acheté dans une librairie avec le gain d’un larcin qui coûtera très cher.

 

« Je ne sais pas ce que je fous, là. Je n’ai jamais lu un livre de ma vie et maintenant j’en achète un. Le comble : c’est donné et je voulais seulement dépenser mon fric ».

 

Un livre qui l’accompagnera comme quelque chose que l’on poursuit et qu’on n’atteindra jamais : la baleine blanche de Moby Dick.

 

« Qu’est-ce que je fais ? J’ouvre le livre comme pour y chercher un conseil, en me demandant ce qu’il va me raconter, l’Ismaël, et il me sert une des ses salades… »

 

En parallèle de cette vie de misère où on en est réduit à bouffer du chat, se prépare en ville une grande manifestation contre le pouvoir en place, ce qui met l’accent sur le décalage entre ceux qui se veulent révolutionnaires, les étudiants, les travailleurs et ces laissés pour compte des bidonvilles qui dès leur plus jeune âge, s’ils l’atteignent, vivent et survivent la peur et la faim au ventre, le doigt sur la gâchette et le nez dans la merde, à des lieues de toute normalité où discours et idéaux auraient encore un sens. Cependant, il arrive un moment où les combats se rejoignent.

 

« (…) juste au moment où le mégaphone des flics nous ordonne de nous disperser. De dégager la route « gentiment » avant le départ de l’opération, dit le flic. Je connais cette voix. Elle ressemble beaucoup à celle que j’ai entendue l’autre nuit dans le talkie-walkie de Jetita. C’est le commissaire Zanetti, ce fils de la grande pute. Et son « gentiment » me rappelle ce que m’a dit Chueco il y a quelques jours. Cette réflexion qu’il a faite, qu’il y a sept façons de tuer un chat, mais, qu’à l’heure de la baston, il n’y a que deux façons qui vaillent, la gentille ou la dégueulasse. (…) C’est maintenant que le bal commence vraiment. Tout ce qu’il y a de gentiment… »

 

Cathy Garcia

 

21689_I_matias_nespolo.jpgMatías Néspolo, dont c’est le premier roman, est né à Buenos Aires en 1975. Il a étudié la littérature, a écrit des poèmes et des nouvelles. Il est aujourd’hui journaliste culturel pour El Mundo et vit à Barcelone.

 

 

08/06/2012

Tabarnak !

07/06/2012

Récits de Fukushima - Alain de Halleux

Cinq récits, cinq films à voir absolument sur :

http://fukushima.arte.tv/#!/4883

chacun d'eux a en exergue un haïku tiré du livre Après Fukushima du Cercle Seegan http://fukushima.arte.tv/haikus-apres-fukushima/, des extraits avaient été publiés en janvier 2012 dans la revue Nouveaux Délits : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2012/...)

 

Le réalisateur, Alain de Halleux

Shintaro, mon assistant japonais et moi avons pris 2 mois pour préparer ce voyage. On n’entre pas si facilement dans la maison d’un Japonais. Très affable et respectueux de l’autre, il ne dévoile pas facilement ses secrets. Au Japon, il y a deux mots qui résument très bien la chose. Honne et Tatemae, l’apparence et la vérité intérieure. Ce qu’on dit et ce qu’on pense. Et l’un ne correspond pas nécessairement à l’autre. Autre difficulté rencontrée lors de cette préparation : le Japonais ne fait confiance à quelqu’un qu’à partir du moment où il l’a rencontré. Ainsi, par exemple, pour réussir à obtenir un rendez-vous avec Nakate-san, il nous a fallu écrire une dizaine de mails et donner de multiples coups de téléphones non seulement à Nakate lui-même, mais aussi à des connaissances. Lorsque j’ai fini par le rencontrer en personne, il m’a avoué : « Alan-san, je m’étais fait de vous l’image de quelqu’un de très compliqué ! ». J’ai éclaté de rire car j’avais vécu la même expérience dans l’autre sens.
Un Japonais n’exprimera jamais que l’opinion ambiante. Il est né politiquement correct, si l’on veut. Il existe d’ailleurs une expression Kokyu rumi : lire ce qui est dans l’air. La langue se prête bien à cet exercice périlleux qui consiste à ne jamais contredire ou choquer qui que ce soit. La structure de la phrase est telle que le verbe arrive à la fin ainsi que la négation ou l’interrogation éventuelle. De plus, le Japonais possède une multitude de petits mots qui lui permettent de temporiser ou de diluer sa phrase. Ainsi, tout en parlant, il peut jauger les réactions de son interlocuteur et modifier au dernier moment le sens de son propos. Imaginons que je veuille proposer un verre de bière à mon invité, mais je ne suis pas sûr qu’il en boive. Je pourrais le vexer en sous-entendant qu’il aime ça. Mais peut-être justement n’attend-il que ça, que je lui demande justement s’il aime la bière. Comment lui proposer dès lors de boire avec moi ? En Japonais, c’est très simple. Je vais dire un truc du genre : « Vous…et bien…un verre de bière…n’est-ce pas…vous boirez… » En fonction de la mimique de mon invité, je pourrais d’une syllabe dire : « N’est-ce pas » ou « Sûrement pas ! ». Les Japonais sont donc passés maîtres dans l’art du sous-entendu et de son décryptage. Ils ont développé une intuition qui leur permet d’évaluer au plus vite l’autre. Je me souviens qu’au début de notre travail, j’avais demandé à Shintaro d’envoyer un mail de 3 lignes à Nakate pour lui proposer un rendez-vous téléphonique. Si j’ai pris 15 minutes pour écrire ce mail en anglais, c’est beaucoup. Nous sommes lundi matin. Shintaro est censé traduire ce mail et l’envoyer. Mardi matin, je lui demande s’il a des nouvelles de Nakate, si celui-ci a répondu à notre mail. Shintaro me dit qu’il ne l’a pas encore traduit. Je suis un peu ennuyé. Je me demande si Shintaro a oublié ce travail. Il me rassure. Il travaille à la traduction, mais celle-ci n’est pas encore terminée. Je lui rappelle qu’il est urgent d’entrer en contact avec Nakate. Shintaro, se vexe. Il le sait très bien. C’est pour ça qu’il prend le temps de bien traduire mon mail.
Mercredi matin, je réitère ma demande. Shintaro me rassure. Il a traduit le mail. Enfin, me dis-je, il n’est pas trop tôt ! Mais, poursuit-il, il attend le retour d’un de ses amis qui est occupé à le corriger. Quoi ?! Et quand aurons-nous cette fameuse correction ? Mercredi soir ?
Bref, le mail que j’avais écris le lundi a fini par partir jeudi. Inutile de dire qu’à ce rythme, il nous était impossible de trouver des familles qui accepteraient de nous rencontrer et d’organiser tous les rendez-vous. Je me suis fâché. Shintaro aussi ! Je ne comprenais pas encore l’importance de la première impression que l’on laisse sur un japonais. Elle est déterminante. On n’effacera jamais cette image-là, d’où l’importance de prêter attention à ne faire aucune erreur au début d’une relation.

Au bout de deux mois de travail intensif, l’agenda était en place. Départ pour le Japon. A peine arrivé à Narita, surprise ! La première chose qu’un fumeur fait après 12 heures d’avion, c’est d’aller fumer une cigarette à l’entrée de l’aéroport. Je fume depuis à peine dix secondes lorsque quatre Japonais se tournent vers moi et m’indiquent gentiment du regard une espèce d’aquarium planté sur le trottoir. C’est là que je dois aller fumer. Je me dis que cette situation ne vaut que pour l’aéroport et que dans la ville, comme partout au monde, rien ne m’empêchera de fumer dans la rue. J’arrive au centre de Tokyo. Pas un mégot par terre et pas un fumeur. Je suis pris d’angoisse. Soudain, au coin d’une rue, un « Smoker corner ». Une dizaine de personnes sont rassemblées autour d’un cendrier. L’espoir revient. Ainsi tous les deux ou trois carrefours, les autorités ont-elles installés de petites îles de survie pour fumeur. Arrive l’heure de dîner. J’entre dans un restaurant. Et là, surprise, l’atmosphère est bleue. Tout le monde fume à table en mangeant. Le monde à l’envers. Je raconte cette anecdote pour faire comprendre que les codes sont ici assez radicalement différents des nôtres. Certains en ont déduit que les Japonais sont si différents de nous qu’il est difficile d’entrer en communication avec eux. Pour ma part, j’ai vu des êtres humains, mes frères. J’ai eu d’autant moins de difficultés à créer une relation avec eux que je me suis présenter exactement tel que j’étais. Cela dit, au fur et à mesure du voyage, je m’amusais à adopter les coutumes locales, ce qui est fortement apprécié.

A Tokyo, j’ai habité chez David et Eiko qui tiennent la crêperie bretonne. Pas trop dépaysant donc. Ça me laisse le temps d’absorber mon décalage horaire. Eiko a habité en France et en Belgique. Enfin, c’est ce que je crois lorsque j’arrive chez eux. Car à peine les bagages déposées, je fonce chez David et Royoko, un couple américano-japonais. J’y tourne mes premières interviews. Je rentre à la crêperie. Je suis à l’ouest. David a fini son service et nous rentrons à son appartement. Nous buvons une bière. Je m’endors presque, mais David me dit d’attendre Eiko. Elle a tant de choses à dire. J’hésite, mais David insiste. Eiko finit par arriver vers 1H30 du matin. Cela fait déjà 30 heures que je n’ai pas dormi. Mais la conversation est si passionnante que je finis par prendre ma caméra et filmer. Quand enfin je m’écroule sur mon futon, c’est déjà l’aube.

Ensuite, j’ai déménagé à Fukushima City chez Isao, un retraité célibataire de 61 ans. C’est un ancien ingénieur en aéronautique. Il s’est fait construire une maison somptueuse dans la campagne pas loin de la ville. Je n’ai jamais vu une maison comme ça. Elle parle : « Votre bain est prêt ! ». « Bonjour ! »…même les toilettes sont électroniques. Comme le mode d’emploi décrit sur la chasse d’eau est en Japonais, impossible de la programmer. Je m’assieds à tout hasard sur la planche, en optant pour un style finalement extrêmement classique. La planche est chaude, sursaut de surprise. Il paraît que si le Japon supprimait toutes les toilettes électroniques, il pourrait supprimer 2 réacteurs nucléaires. Je ne sais si c’est vrai, mais je suis sûr que le simple fait de pisser au Japon coûte un pont en électricité…
Isao est un spécialiste de karaoké. Il a bien évidemment une installation dernier cri. De temps en temps le soir, nous buvons une bière avec lui et Rie et nous chantons. Je me sens chez moi. Isao est formidable. Il nous emmène avec sa voiture un peu partout. Il nous fait à manger. Et comme c’est un grand mangeur, je déborde de sushi, de soupe au bœuf et de pâtes. Si les deux trois premiers jours à Tokyo, j’ai fait très attention à la provenance de la nourriture, je dois bien avouer que j’ai vite baissé la garde. On comprend dès lors l’attitude de la population de Fukushima après un an…la radioactivité est non seulement invisible, mais elle a aussi la faculté de nous rendre amnésique.

Par Alain de Halleux, réalisateur

 

04/06/2012

Je suis l'eau, de Cathy Garcia, encore un nouveau livr'art Evazine

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A découvrir sur : http://evazine.com/livre30/Default.html

Borderline, de Cathy Garcia et Jean-Louis Millet, un nouveau livr'art Evazine

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à découvrir sur : http://evazine.com/livre29/Default.html

01/06/2012

Jean-Pierre Lord, un étudiant québécois s'exprime à chaud et il s'exprime BIEN !

 

Commentaire supplémentaire du citoyen interrogé :
"Je dois préciser que j'ai fait cette entrevue sur l'adrénaline... on venait de se faire charger par l'anti-émeute... et tabasser... alors oui il manque quelques précisions à mon témoignage... Voilà plutôt le fils de ma pensée par écrit :

Les étudiants ne laisseront pas les libéraux saboter nos acquis sociaux si facilement.

Dis moi carrés «verts», dans quel monde une hausse des prix entraîne une hausse de la demande?

Seulement 17% des étudiants recevront des bourses. C'est donc dire que 83 % des étudiants s'endetteront davantage.

Considérant qu'un emprunt de 28 000 $ remboursé pendant 10 ans aura coûté 42 563 $ à l'étudiant, les banques privées à charte fédérale encaissent un profit de 14 563 $. Le Régime de remboursement proportionnel aux revenus permettra, certes, aux étudiants de payer moins chaque mois, mais on sait que plus il prendra de temps plus les intérêts sur sa dette étudiante s'accumuleront.

Les Banques doivent saliver à l'idée de cette nouvelle niche de titrisation pour des papiers commerciaux adossés à des prêts étudiants dont ces derniers ne peuvent même pas se départir s'ils font faillite et qui sont garantis par le gouvernement. Pour les Banques, aucun risque, profits élevés!

À l'inverse, un investissement public de 28 000 $ coûtera à l'État par ses recettes fiscales 28 000 $ (aucun intérêt ici). En fait, pour les contribuables, la hausse des frais de scolarité équivaut à 1¢ par contribuable par jour (sans vouloir rire de Mme Beauchamp).

Si on se fit à la période libérale de 1990 à 1996 où les frais ont considérablement augmenté passant de 563 $ à environ 1300 $, il est permis d'estimer la baisse de fréquentation scolaire liée à une hausse des frais à 7 000 étudiants par année. C'est donc dire que si on ne hausse pas les frais, 7 000 étudiants resteront sur les bancs de nos universités.

Sur 25 ans, c'est donc 175 000 étudiants (autant d'ingénieurs, de cinéaste, de travailleurs sociaux, d'infirmières, d'agronomes, de géographes, d'historiens, de philosophes, de sociologues, d'anthropologue, de designers industriels, etc.)

Néanmoins, la vie humaine n'est pas que comptable. Considérant que la valeur sociale de l'éducation est encore jeune et fragile chez les Québécois (90 % de la population était analphabète en 1963 quand on a construit notre système d'éducation, aujourd'hui 40% de la population est analphabète fonctionnel), il est normal que peu d'entre nous y soient déjà allés.

Je suis le premier de toute ma famille élargie à atteindre l'université. À l'Université du Québec en Outaouais, 70 % des étudiants sont les premiers de leurs familles à atteindre les études supérieures. Il est donc permis de dire que nous devons être vigilents face à nos acquis sociaux.

Ceci étant dit, on peut néanmoins être fier de notre système d'éducation. Et comme le rappelait Guy Rocher, le 11 avril dernier dans Le Devoir : « Mais la gratuité est-elle possible à l'aune de la mondialisation? C'est vrai qu'on vit dans un monde élargi de compétition, mais il y a d'autres pays qui vivent dans le même monde que nous et qui ont adopté de tout autres politiques», souligne-t-il en faisant allusion à la Scandinavie, où la gratuité est une idée plus répandue. «J'ai l'impression que la Finlande a lu le rapport Parent et qu'elle l'a appliqué! », conclut-il. [1] Parlant de compétition mondiale, les Québécois se situe au « 2e rang dans le monde occidental en mathématique, après la Finlande; 13e rang mondial en sciences; 6e rang mondial en lecture et compréhension (2e en Occident, toujours après La Finlande) ». [2]

Selon moi, si l'éducation est publique, c'est qu'elle repose sur un pacte intergénérationnel sacré. À savoir, les aînés paieront par leurs impôts l'éducation des plus jeunes qui à leur tour leur permettront d'avoir une retraite et des services sociaux adéquats en fin de vie.

Il s'agit pour moi de solidarité et de justices sociales.

Jean-Pierre Lord
Étudiant en travail social -- UQÀM
Président de l'association locale de Sainte-Marie-Saint-Jacques
Parti Québécois
www.facebook.com/SMSJ.PQ
www.facebook.com/jeanpierre.lord

Sources :

[1] http://www.ledevoir.com/societe/education/347145/la-lutte... (diffusé le 11 avril 2012)

[2] http://www.ledevoir.com/societe/education/312879/resultat...