28/01/2013
Les poètes et l’univers de Jean-Pierre Luminet
Cherche-Midi, octobre 2012
430 pages 19,50 €
Cependant la nuit marche, et sur l’abîme immense
Tous ces mondes flottants gravitent en silence,
Et nous-mêmes, avec eux emportés dans leurs cours
Vers un port inconnu nous avançons toujours !
Alphonse de Lamartine in Les étoiles
Voilà donc un ambitieux, projet qui a donné naissance à une conséquente anthologie, dont voici la troisième édition (la première date de 1996). C’est Jean Orizet, qui à l’origine avait demandé à Jean-Pierre Luminet, astrophysicien réputé mais aussi poète et lecteur de poésie, s’il voulait bien réunir un choix de poèmes inspirés par l’astronomie afin d’en faire une anthologie. Jean-Pierre Luminet explique dans sa préface de 1996, ses hésitations premières et puis finalement, comment et pourquoi il s’était lancé dans cette recherche cosmo-poétique.
Cette anthologie est divisée en plusieurs chapitres, chacun précédé d’une présentation des poètes choisis, mais aussi du contexte scientifique. Pour chaque chapitre, un poème par auteur, le texte est parfois tronqué quand il est trop long, et le tout classé dans l’ordre chronologique, du plus ancien au plus récent, ce qui permet de saisir l’évolution de la vision poétique en corrélation avec celle des découvertes en astronomie.
Le premier chapitre, intitulé Nocturne, se consacre à la nuit, de Sapho à Jacques Réda, et au regard porté par les poètes sur ce vaste et noir abime qui s’ouvre sur l’espace infini.
Le deuxième, « Firmament » aborde plus particulièrement les étoiles, commençant par « Phénomènes » d’Aratus jusqu’au Varech primordial de Michel Cassé (un inédit).
Troisième chapitre, entrée du Roi-Soleil, inauguré par L’Hymne au Soleil d’Akhenaton et finissant sur un extrait de Soyez polis de Prévert, Le Soleil est amoureux.
Les comètes et autres météorites sont les reines « Vagabondes du ciel » du quatrième chapitre, honorées par Isaac Haben et Roger Caillois, en passant par William Blake et Walt Whitman entre autre.
Le cinquième tourne autour de « L’harmonie du monde », « De la Nature » d’Héraclite à L’équation du feu de Jean-Marc Debenedetti, s’y mêleront Sénèque, Dante, Milton, Voltaire ou encore Charles Dobzynski et bien d’autres.
L’Appel de l’infini retentit au sixième chapitre, y répondront, Lucrèce aussi bien que Philippe Soupault, en compagnie de Byron, Lamartine, Mallarmé, Supervielle et d’autres encore.
Le septième chapitre est le royaume de la Reine de la Nuit, la lune bien entendu, incontournable compagne, chère aux poètes et aux amoureux. Orphée lui chantera louange et même Claude Roy dans sa Lune démodée.
C’est le huitième chapitre, et non pas le septième, qui assiste à La Naissance des mondes, avec Hésiode, Agrippa d’Aubigné, Laforgue, Couquiaud, Pierre Emmanuel et d’autres sages-poètes.
Des Apocalypses célestes secouent le neuvième chapitre, initiées par des Oracles prophétiques : « La fin du monde », tirés d’une anthologie de poésie grecque parue chez Stock en 1950, jusqu’à la Sphère non radieuse d’André Verdet.
Dans le dixième chapitre, il est temps de partir pour des Voyages cosmiques avec Dante et Michaux et d’autres poètes cosmo-voyageurs.
Le onzième est parcouru de Somnambules à commencer par Platon, finissant par René Char, qui croiseront sans les voir, Jacques Peletier du Mans, André Chenier, Goethe et d’autres encore tel Népomucène Lemercier.
Et enfin dans le douzième et dernier chapitre, il est question du Sentiment cosmique, porté par Omar Khayyam et Djalâl-od-Din Rûmi, aussi bien que Saint-John Perse, Tardieu, Bonnefoy, Rousselot et Orizet et beaucoup d’autres encore.
Chacun des quelques 160 poètes qui figurent dans cette anthologie, dont et non des moindres, Artaud, Baudelaire, Giordano, Cendrars, Guillevic, Jarry, Maïakovski, Novalis, Rilke, Yeats et tant d’autres, bénéficie de quelques lignes de présentation en fin d’ouvrage. Bien-sûr, il y a comme dans toute anthologie des absents, mais on trouvera tout de même ici un choix très riche, quasiment pour tous les goûts.
Comme toute anthologie également, il va de soi que cet ouvrage, comme l’écrit Jean-Pierre Luminet lui-même, s’accommode mal d’une lecture continue et que ce livre doit être dégusté à petite doses.
C’est dans tous les cas un formidable outil de travail pour les enseignants par exemple ou toute personne ayant besoin de chercher des textes poétiques en lien avec l’astronomie, et d’une façon plus vaste encore, en lien avec l’univers dans toutes ses dimensions, physiques et métaphysiques. Un ouvrage à mettre donc dans toutes les bibliothèques.
Cathy Garcia
Né en 1951, Jean-Pierre Luminet est directeur de recherches au CNRS, astrophysicien à l'observatoire de Paris-Meudon et spécialiste de réputation mondiale pour ses travaux sur la cosmologie et la gravitation relativiste. Ses résultats scientifiques les plus importants concernent les trous noirs et la cosmologie, notamment ses fameux modèles "d'univers chiffonnés" dans lesquels la forme complexe de l'espace engendre des images fantômes. La communauté astronomique a rendu hommage à son œuvre scientifique en donnant le nom de "Luminet" à la petite planète n°5523, découverte en 1991 au mont Palomar. Membre de l'American Association for the Advancement of Science, de l'Académie des sciences de New York, de l'Académie nationale de l'air et de l'espace, chevalier des Arts et des lettres, il a été lauréat du prix international Georges Lemaître 1999 pour son travail de recherche. Parallèlement à ses travaux de science pure, J.-P. Luminet s'est toujours attaché aux rapprochements entre les diverses formes de l'invention humaine. Il a publié une vingtaine de livres, plus de trois cents articles pour des revues spécialisées, périodiques, dictionnaires et encyclopédies. Il est coauteur de plusieurs films et documentaires pour la télévision. J.-P. Luminet a également une importante activité dans les domaines artistique et littéraire. Écrivain et poète, il a publié deux romans salués par la critique et traduits en plusieurs langues, et plusieurs recueils de poésie. Il s'intéresse aux relations entre science et art et a collaboré avec divers artistes pour la conception d'œuvres inspirées par les découvertes scientifiques.
19:36 Publié dans CG - NOTES DE LECTURES POÉSIE | Lien permanent | Commentaires (0)
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